Reportage sur les 1559 km de frontières maroco-algériennes fermées

25 mai 2008 - 15h52 - Maroc - Ecrit par : L.A

Le journal espagnol El Pais publie dimanche un reportage sur le drame inaperçu occasionné par la fermeture de la frontière maroco-algérienne depuis 1994 à des dizaines de milliers de familles des deux pays, qualifiant cette frontière de "plaie de 1.559 km". Dans son reportage, Ignacio Cembrero assure que la fermeture de la frontière entre le Maroc et l’Algérie a détruit la vie de dizaines de milliers de familles. Sa traversée est interdite et le drame demeure inaperçu.

"Le Roi Mohammed VI du Maroc a fait des gestes conciliateurs. Durant l’été 2004, il a supprimé le visa pour les Algériens et le président Abdelaziz Bouteflika a fait de même huit mois après", rappelle le journal qui souligne que le Maroc a demandé à plusieurs occasions la réouverture de la frontière, à travers des communiqués ou dans des forums internationaux, alors que l’Algérie renvoie la question aux calendes grecques.

"Cette réouverture n’est pas envisageable dans l’immédiat", avait répondu en avril dernier le chef de la diplomatie algérienne, Mourad Medelci, au dernier appel lancé par son homologue marocain.

"A 180 Km d’Almeria, commence la frontière la plus longue du monde, presque hermétiquement fermée depuis 1994. Entre les deux Corées, théoriquement en guerre, circulent maintenant des trains de marchandises et seulement deux autres frontières -celles qui séparent l’Arménie de la Turquie et de l’Azerbaïdjan- sont aussi infranchissables que celle qui divise l’Algérie et le Maroc", ajoute-t-il.

Pour pouvoir réaliser ce reportage, El Pais avait demandé une autorisation au Maroc et à l’Algérie, mais seules les autorités marocaines ont accédé à sa requête alors que les autorités d’Alger n’ont pas répondu à sa demande.

"Ce journal a demandé en février une autorisation aux deux pays pour pouvoir parcourir cette frontière atypique, officiellement fermée mais à travers laquelle transitent des migrants clandestins, des contrebandiers ou de simples villageois qui prennent des risques pour visiter leurs familles", note El Pais. L’Algérie a répondu par le silence alors que le Maroc a accepté après deux mois, ajoute le journal en soulignant que le ministère marocain de l’Intérieur a élaboré un programme de visite qui a repris presque toutes les propositions d’El Pais.

Accompagné de fonctionnaires du ministère de l’Intérieur, il a pu rencontrer des responsables de l’administration locale, ainsi que des élus et des acteurs de la société civile marocaine qui lui ont raconté des histoires invraisemblables sur le drame vécu par des familles séparées par cette frontière ou sur le cas de citoyens marocains interdits d’accéder à leurs terres de l’autre côté de la frontière.

Le reportage cite l’histoire du maire du petit village marocain d’Aghbal, Driss Habri de mère algérienne et qui constitue, selon le journal, "tout un modèle des problèmes qu’endurent des dizaines de milliers de familles marocaines et algériennes séparées par une frontière de 1.559 Km de long". La mère de Driss Habri, une femme en âge avancé, n’a vu ses deux frères algériens qui vivent dans la localité de Nedroma, à 40 Km de la frontière, qu’une seule fois depuis 1994 et ce en France. "Si l’un de mes deux oncles mourrait, ma mère doit aller jusqu’à Oujda, prendre l’avion à Casablanca, puis un autre vol vers la ville algérienne d’Oran, et faire ensuite 200 Km de route pour arriver sûrement en retard à l’enterrement de son frère à Nedroma qui se trouve à 40 Km seulement d’ici", raconte-t-il avec amertume. Driss Habri, agriculteur, possède des terres agricoles de l’autre côté de la frontière auxquelles il ne peut accéder depuis 14 ans.

Le reportage s’attarde aussi sur les retombées négatives de la fermeture de la frontière sur les économies des deux pays et sur le manque à gagner pour le Maroc qui, malgré son grand potentiel, se trouve au 30ème rang des partenaires commerciaux de l’Algérie, au même titre que la Syrie.

En dépit de la fermeture de la frontière, les régions frontalières enregistrent un important flux de trafic de produits de contrebande et des êtres humains, note le journal.

Le reportage est illustré de plusieurs photos prises du côté marocain de la frontière, comme le poste frontière de Zouj Bghal. Une autre photo immortalise un groupe de jeunes d’un hameau de 120 habitants coupé en deux par une ruelle-frontière : la partie occidentale, dénommée Chraga, est marocaine et la partie orientale, Dragda, est algérienne.

Le photographe accompagnant le journaliste d’El Pais a été interdit par des policiers algériens de prendre des photos au poste frontière de Zouj Bghal. "Le policier algérien qui se dirigeait à grandes enjambées les yeux braqués sur la barrière ne sifflait pas mais vociférait exigeant du photographe de ne pas prendre en photo sa guérite".

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