Le CCM prévoit 300 nouvelles salles de cinéma pour 2012

22 janvier 2008 - 23h24 - Culture - Ecrit par : L.A

L’on se plaint d’un paradoxe flagrant au Maroc en matière cinématographique : au moment où le public se réconcilie avec la production nationale, où le film marocain s’améliore en quantité et en qualité (14 opus par an), où le budget d’aide publique est plus généreux (36 MDH), les salles obscures baissent le rideau les unes après les autres : 250 dans les années 1980, 150 en 2003, 92 en 2007 selon le Centre cinématographique marocain (CCM), voire 60 selon les responsables de la Chambre marocaine des producteurs de Films (CMPF), le nombre de salles se réduit comme peau de chagrin.

Et encore : parmi les salles qui résistent, celles qui respectent les normes de projection en termes de qualité d’image, de son et de confort ne dépassent pas la trentaine dans tout le pays. Triste constat, étayé par une étude publiée par le cabinet de consulting Valyans, et dont les résultats ont été communiqués au CCM en février 2007 : 60% des Marocains n’ont jamais vu de film dans une salle, et le seuil des entrées est encore menacé puisqu’il risque de passer sous la barre des 2 millions d’ici 2010 si rien n’est fait pour sauver le secteur. Rappelons que le nombre des entrées, de 50 millions dans les années 1980, est passé à 20 millions en 1994, puis à 9 millions en 2003. 60 salles pour 30 millions d’habitants ! Le Maroc est loin des standards internationaux. Un rapport de l’Unesco datant du milieu des années 1990 avait prescrit un chiffre de 800 salles (pour 25 millions d’habitants) si le Maroc voulait se conformer aux normes internationales. Aujourd’hui, ce chiffre se monterait à quelque 1300 salles (pour 30 millions d’habitants).

Le Marocain n’aimerait-il donc plus le cinéma ? Cette hypothèse est balayée d’un revers de main par tous les observateurs. Ce sont d’autres facteurs qui expliquent la désertion du public depuis au moins une dizaine d’années. En tête de ces facteurs, il y a l’offre extraordinaire en matière d’image. Le Marocain de tous les âges est un dévoreur de films projetés sur les différentes chaînes satellitaires. Mais aussi en CD-R ou DVD-R : des centaines de milliers de ces supports circulent quotidiennement sur le marché marocain, d’une façon légale ou illégale. Les différentes interventions des services du CCM, qui a constitué une commission pour combattre le fléau du piratage depuis 2004, n’ont pas réussi à le contenir.

Deuxième raison : la qualité technique de projection qui laisse à désirer dans les salles, et leur manque de confort. Il faut dire que les propriétaires de salles, à quelques exceptions près, ne fournissent pas l’effort qu’ils devraient pour rénover leurs salles. Or, les normes habituelles en la matière exigent que la partie accueil soit rénovée tous les cinq ans, et la partie technique tous les dix ans. Il s’agit pour l’essentiel de cinémas de quartier qui ont fait le bonheur des cinéphiles des années 1960 et 70.

Troisième raison à la fermeture des salles invoquée par les professionnels du secteur, et à laquelle souscrit Noureddine Sail, président du CCM : la mauvaise qualité de la programmation. « Vu l’offre abondante, le spectateur rechigne à aller voir un film vieux d’une année, sorti en Europe et ailleurs, et qui a déjà circulé illégalement. En revanche, si un film est projeté concomitamment en Europe et dans les salles marocaines, le spectateur sera plus tenté d’aller le voir. »

750 000 spectateurs en 2007 au Megarama de Casa alors qu’il lui en faudrait 1,5 million pour bien marcher

Que faire pour arrêter le naufrage et réconcilier les cinéphiles avec les salles obscures ? Donner un coup de neuf à celles qui ont subi l’outrage des ans ? En créer d’autres de toutes pièces ? Conscient que les salles sont incontournables dans le paysage cinématographique marocain, le CCM finalise actuellement une étude qui prévoit la création d’un fonds d’investissement au service de la construction de nouvelles salles de cinéma. L’idée est séduisante mais, jugée aventureuse, elle est loin de faire l’unanimité parmi les professionnels du secteur.

Mais en quoi consiste exactement le projet ? Il s’agit en fait d’inciter l’Etat et les investisseurs privés à mettre la main à la poche pour alimenter ce fonds d’investissement, et de réaliser, dans les différentes villes du Royaume, grandes ou petites, des salles multiplexes dotées d’un certain nombre de services, de crémerie, café, snack, boutiques de gadgets... L’idée, telle que développée par M. Sail, est d’« ériger plusieurs salles dans un même lieu, avec une programmation variée, et de projeter des films qui sortent en même temps au Maroc et en Europe. C’est la seule façon de lutter contre le piratage, tout en encourageant le public à fréquenter les salles. » Il ne s’agira pas d’un fonds d’aide comme celui mis au service de la production filmique nationale, mais d’un véritable fonds d’investissement à l’instar de ce qui existe dans d’autres secteurs de l’activité économique et sociale. D’où viendra l’argent pour alimenter ce fonds ?

Le directeur du CCM ne veut pas donner plus de détails, l’étude, dit-il, étant en phase de finalisation. Il faudra encore selon lui quatre à cinq mois pour qu’elle prenne forme. Mais il affirme que, si le projet obtient son aval, l’Etat mettra la main à la poche, mais ce sont surtout les investisseurs privés intéressés par l’idée qui financeront. Comment les séduire ? Les encourager à investir dans un secteur en déconfiture ?

Pour que ce fonds d’investissement fonctionne, répond M. Sail, « il faut donner toutes les garanties aux investisseurs privés que l’argent investi dans le projet de multiplexes est rentable. » Il est encore trop tôt, selon lui, pour donner davantage de précisions. Ce qui est sûr aujourd’hui, c’est que l’idée des multiplexes est la seule façon de créer de nouveaux écrans au Maroc. « Rester les bras croisés et laisser la situation pourrir est une abdication impardonnable qui heurte notre sensibilité culturelle et civique ».

Et les salles déjà existantes et qui appellent au secours ? « C’est à leurs propriétaires de créer leur public et de les rénover s’ils le veulent. Injecter de l’argent dedans n’est pas la bonne solution. La notion même de cinéma de quartier est un vestige de l’histoire, partout dans le monde. Le quartier lui-même n’a plus cette dimension sociologique qui était la sienne dans le passé. »

Dans certaines salles on proposera des tickets à 10 ou 15 DH, dans d’autres des tickets à 40 DH ou plus

Il est vrai qu’aujourd’hui les centres d’intérêt de la population ne se limitent plus au quartier. Même la ville ne peut, à elle seule, y répondre, dans un monde qui se rétrécit de jour en jour du fait de l’explosion des moyens de communication.

Une autre question intéresse les observateurs : si le projet de fonds d’investissement pour la création de nouvelles salles voit le jour, qui va le gérer ? Le CCM, ou un organisme indépendant où le CCM figurerait comme simple partenaire ? Là aussi, trop tôt pour répondre, selon Noureddine Sail. « Il faut d’abord que ce fonds existe. La tâche du CCM pour l’instant est de faire le diagnostic et de proposer le remède le plus efficace, en tirant des enseignements de ce que se fait ailleurs. Ce qui est sûr, c’est que l’Etat aura son mot à dire. » Le nombre de salles à créer ? Pour rattraper son retard, le Maroc doit avoir au moins 300 nouvelles salles dans les trois ans à venir, répond le directeur du CCM, à raison de 80 à 100 salles par an entre 2009 et 2012.

Ambitieux programme dans un climat peu favorable quand on sait que les Dawliz ont mis la clé sous le paillasson, pour être remplacés par des hôtels et des immeubles à la rentabilité assurée. Quand on sait aussi que le Megarama de Marrakech, bâti à la périphérie, peine à drainer les foules (150.000 spectateurs durant l’année 2007 au lieu des 350.000 sur lesquels on tablait). Celui de Casablanca, bien qu’il tire son épingle du jeu, a du mal à drainer 750.000 entrées par an, nous informe David Frauciel, son directeur, « alors que pour bien marcher il en faudrait 1,5 million ». A l’origine de cette désaffection, il y a l’éloignement. La proximité par rapport au public est en effet une condition sine qua non « si l’on veut rendre aux salles leur gloire d’antan », renchérit le cinéaste Saâd Chraïbi, de la Chambre marocaine des producteurs de films. Et d’ajouter qu’en plus de cette proximité, il faut que le prix soit abordable et suive le pouvoir d’achat des Marocains. « Or, ce n’est pas le cas pour une salle dans un multiplexe. Le fait de vouloir encourager la création de multiplexes est pour moi une utopie économique. Il ne se trouve pas aujourd’hui au Maroc un investisseur prêt à y mettre des dizaines de millions de dirhams. » Il aurait mieux valu, insiste M. Chraïbi, « équiper les 70 complexes culturels et les 300 maisons de jeunes existants d’un système de projection pour en faire des salles de cinéma qui fonctionneraient à raison d’ une projection par jour ». Quitte à faire des projections vidéo, soutient le cinéaste Mohamed Abderrahman Tazi. « Le cinéma s’oriente de plus en plus vers des projections vidéo, et projette des films par satellite, dit-il. Il ne faut pas s’accrocher au film 35 mm. Il faut suivre la technologie : dans les salles qui ne sont pas équipées, il y a d’autres possibilités en mesure de rapprocher le cinéma du public ».
Multiplexe ou cinéma de proximité, ne pourrait-on pas les mettre en œuvre parallèlement pour le plus grand bonheur des cinéphiles ?

L’Economiste - Jaouad Mdidech

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Sujets associés : Cinéma - Tournage - Centre cinématographique marocain (CCM)

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