Le match Rotana Iqraa

9 avril 2007 - 13h39 - Culture - Ecrit par : L.A

La bataille que se livrent les chaînes satellitaires religieuses et musicales, à coups de prédicatrices souriantes (mais pudiques) et de bimbos dénudées (et délurées), trouve son prolongement jusque dans la société marocaine. Mais à y voir de plus près, la guerre serait plus commerciale qu’idéologique.

Il y a une semaine, le staff commercial de la chaîne Rotana s’est déplacé spécialement au Maroc, pour les besoins du casting de son émission X-Factor. L’une des nombreuses franchises de la Star Academy, qui réalise des audiences monstres dans le monde arabe.

“Nous avons l’habitude d’organiser des castings en Tunisie et en Egypte. Mais vu le nombre de jeunes Marocains qui se déplacent à leurs frais pour y participer, nous avons décidé de venir les chercher sur place”, explique Patrick Gholam, directeur marketing de Rotana. Plus de 5000 jeunes ont passé le casting, autant de garçons que de filles… sans qu’aucune campagne de communication ne soit lancée sur un média ou sur un quelconque support publicitaire marocain. Unique canal d’appel aux candidatures : les écrans de la chaîne Rotana elle-même. Sur ces milliers de candidats, seulement 26 ont été sélectionnés pour le prime-time, qui se déroulera au Liban cet été. Des éliminatoires encore plus rudes que les concours d’accès aux écoles de médecine !

“J’adore Rotana parce qu’elle passe des clips respectables où il n’y a pas de scènes obscènes”, commente une finaliste sous les regards intéressés de ses coachs libanais. Une flatterie de circonstance ? Pas forcément. “Nous sommes The three cats !”, s’écrient fièrement trois jeunes filles, toute à leur joie d’être arrivées en finale. Leur manager libanais, s’étant rendu compte que cela donnait “les trois chattes” en français, a préféré modifier le nom du trio. “Malgré notre ouverture d’esprit, les chanteuses ne peuvent pas dépasser les limites de la décence”, explique le responsable commercial. Par exemple, les chanteuses Ruby, Maroua et Maria, trois bimbos égyptiennes, sont désormais interdites d’antenne sur Rotana… pour cause de “vulgarité”. Elles exhibent quand même leurs voix et leurs formes sur Melody Hits et Mazzika. Car sur le satellite, il y en a pour tous les goûts. Hormis les fanatiques des chaînes françaises, toujours calés sur le satellite Hotbird, une audience de plus en plus importante s’est tournée vers son rival arabophone Nilesat. Sur les chaînes diffusées par ce dernier, on peut voir les formes généreuses des danseuses libanaises, mais pas seulement… Un autre phénomène médiatique attire une large partie des Marocains : les chaînes islamiques, dont l’impact est presque aussi fort que les chaînes dites de divertissement. “La demande que je reçois est à 60% pour Rotana et à 40% pour les chaînes religieuses”, affirme cet installateur d’antennes paraboliques à Derb Ghallef.

Iqraa, Arrissala, et les autres

Les programmes religieux drainent un public de plus en plus diversifié. Avec leurs hijabs branchés et leurs tenues relativement fantaisistes, les présentatrices deviennent des sortes de pop-stars d’une génération aux repères religieux bien ancrés. “J’adore Douaâ Amer (lire ci-dessous). Je la trouve très belle et elle explique vraiment bien comment les filles voilées peuvent prendre soin d’elles-mêmes”, glousse Zineb, toute coquette avec son foulard orné de paillettes. Et pour séduire Zineb, elles sont une palette de chaînes à étiquette “islamique” à se pousser du coude. Les islamistes modérés se retrouvent dans Iqraa, où l’on décline un islam moderne, plus accessible, plus social, qui exalte la beauté et la tolérance. Arrissala réussit la prouesse d’être encore plus “light”, allant jusqu’à autoriser des femmes non voilées à participer aux émissions. Son discours, basé sur l’apprentissage et le développement social, est véhiculé par des célébrités égyptiennes “repenties” comme Sabrine et Houda Abdelghani.

Les plus orthodoxes zappent davantage vers Al Majd et Annass, deux chaînes aux thèses salafistes, respectivement saoudienne et égyptienne, où les femmes sont strictement interdites à l’antenne et où l’allergie à la chose musicale pousse les programmateurs à séparer les émissions par des intermèdes… composés d’incantations religieuses, qui font aussi office de génériques. “J’ai été approchée par Annass pour animer des micro-trottoirs au Maroc, à la condition qu’aucune femme n’apparaisse. J’ai refusé parce que c’est tout simplement irréaliste”, s’indigne une journaliste voilée. Pourtant, cette chaîne cairote commence réellement à voler la vedette à Iqraa, trouvant son audience surtout dans les milieux populaires et moyennement instruits. Son slogan simpliste, que n’aurait pas renié l’inventeur du LSD, “une chaîne qui vous transporte au paradis”, plaît visiblement à beaucoup de monde. “J’étais une adepte d’Iqraa. Mais je trouve qu’elle verse de plus en plus dans le commercial. Les présentatrices sont devenues de véritables mannequins. J’ai l’impression d’assister à un défilé de mode”, s’indigne une femme en niqab de Sidi Moumen. Maintenant, c’est une fidèle d’Annass, parce “qu’elle s’y retrouve”, elle et sa petite famille.

Dr Jekyll et Mister Hyde

Loin de toute caricature, le duel entre les chaînes de prédication et les chaînes musicales arabes prend place à l’intérieur même des foyers marocains. Deux publics se font face, l’un baignant dans un univers de barbes et d’incantations religieuses ; l’autre appâté par les poitrines siliconées et les voix mielleuses. “Le public marocain est victime d’une perte d’identité. Il s’oriente vers le Machrek parce que les chaînes nationales ne lui donnent pas l’impression d’appartenir à un art ou à une religion internationale. Ces chaînes du Golfe flattent notre ego et nous donnent l’impression d’être les maîtres du monde”, analyse l’islamologue Saïd Lakhal.

Ces deux types de chaîne que tout semble opposer sont en réalité plus proches qu’il n’y paraît. Les deux sont nés en Arabie Saoudite, berceau de l’islam et royaume des pétrodollars. Arrissala est la propriété du prince Al Walid Ibn Talal, qui règne aussi sur l’empire Rotana. Tandis qu’Iqraa, la doyenne des chaînes religieuses, créée en 1998, appartient à Cheikh Saleh Kamel, fondateur du groupe ART. D’ailleurs, l’histoire de la création de cette chaîne est révélatrice de cette dualité. “Le cheikh a créé Iqraa à la demande de son père, qui n’appréciait pas les scènes permissives d’ART. Au départ, elle s’appelait ’Ibtihalat’ (psalmodies) et elle était réservée aux chants religieux. Le père, vite ennuyé, demande alors à son fils de lui rajouter plus de programmes. Le fils s’exécute. Et c’est ainsi qu’Iqraa est devenue ce qu’elle est aujourd’hui”, raconte une source de la chaîne.

Il en ressort que la diversification des programmes religieux, et toute la vague télévisuelle islamique qui s’en est suivie, n’obéissaient à aucune véritable stratégie au début. Disons-le clairement : le point de départ a été le simple “réflexe” d’un cheikh pieux et plutôt conservateur.

Reste à savoir comment deux émirs saoudiens arrivent à mettre en concurrence la religion et le divertissement, la “piété” d’un côté et la “débauche” de l’autre ? “L’Arabie Saoudite cherche à influencer les changements internes de tous les pays arabes, pour détourner l’attention sur son propre immobilisme. D’un côté, à travers les chaînes religieuses, elle véhicule des messages qui émanent de sa tradition wahhabite, au risque de déstabiliser certaines sociétés régies par d’autres traditions. De l’autre, elle cherche à récupérer la population qui lui échappe, en l’occurrence la jeunesse, en lui offrant des canaux de divertissement à l’occidentale”, analyse Saïd Lakhal. Si la religion arrive à conquérir le public, c’est très bien. Et si, en plus, le business se greffe dessus, c’est encore mieux.

Entre ciel et terre

Financées par des groupes saoudiens, mais dirigées de l’intérieur par des Libanais et des Egyptiens, ces chaînes, idéologiquement opposées, obéissent cependant aux mêmes règles commerciales : les télés de musique et de divertissement vendent “le paradis terrestre”, celles à vocation religieuse promettent le “paradis céleste”. “Les deux aboutissent à une extériorisation des émotions et des sentiments”, explique Abdelouehab Rami, sociologue de l’information et professeur à l’Institut d’Information et de Communication de Rabat (ISIC). Amr Khaled, présentateur-vedette d’Iqraa, sait pleurer et faire pleurer. Haifa Wehbe, la bombe anatomique libanaise, se déhanche et fait rêver des millions de jeunes. Les deux stars théâtralisent ainsi leurs apparitions et créent un effet d’exhibitionnisme ayant un seul objectif : faire grimper l’audimat.

Une mission ardue vu l’éclatement du champ médiatique arabe : il existe quelque 300 chaînes satellitaires rien que sur Nilesat, dont 70% sont thématiques et 30% généralistes. Résultat : le public s’émiette et les chaînes se lancent dans une véritable bataille de “séduction”. “Les chaînes religieuses ont compris qu’il est inconcevable de demander à tous les téléspectateurs de suivre un cheikh barbu, au ton sévère, qui passe son temps à réprimander les fauteurs dans un arabe savant datant de la période antéislamique”, précise Salim Choukri, ancien présentateur d’Iqraa. Pour les jeunes qui veulent vivre leur temps, les chaînes religieuses ont placé “en tête de rayon” des produits d’appel à l’efficacité redoutable : des présentatrices belles, élégantes et toujours souriantes ; d’anciennes actrices, fraîchement voilées, légèrement maquillées et parlant en égyptien ; des prédicateurs avec une barbe soigneusement taillée, et parfois imberbes… Le tout savamment entretenu par des salaires mirobolants, qui dépassent de loin ceux d’Al Jazeera ou d’Al Arabia. “Un sujet de 3 minutes est payé à 800 dollars”, témoigne une ancienne pigiste d’Iqraa. Pour 10 sujets mensuels, elle recevait la coquette somme de 8000 dollars (environ 72 000 DH).

C’est que l’audience, et les écrans publicitaires qui vont avec, sont devenus un impératif pour la pérennité des chaînes. D’ailleurs, “Al Fajr”, chaîne religieuse qui ne diffuse que des sourates du Coran à longueur de journée, est sur le point de mettre la clé sous le paillasson, faute de recettes publicitaires. Propriété du Cheikh Wajdi Ben Hamza Ghazaoui, en association avec une princesse saoudienne, la chaîne est arrivée à la conclusion que la seule lecture du Coran a du mal à séduire les foules paraboliques.

Des fatwas par SMS

Qu’elles soient musicales ou religieuses, les chaînes jouent aussi sur l’interactivité, outil de rentabilité moderne de toute télé qui se respecte. “Le téléspectateur a envie d’entrer en conversation avec sa chaîne comme devant un poste Internet”, affirme Abdelouahab Rami. En envoyant un SMS, le téléspectateur peut obtenir une fatwa ou un bout de son clip préféré. Les responsables de Rotana confient que le Maroc est le pays d’Afrique du Nordqui envoie le plus de SMS. “Les SMS renseignent sur la popularité de Rotana, mais ils ne permettent pas pour autant de cerner l’importance de l’audience marocaine pour cette chaîne”, tempère Zouheïr Lakhdissi, directeur technique de Dial Technologies, partenaire marocain de Rotana pour son émission X-factor. En 2006, les opérations de vote ont généré plus de 100 000 SMS à partir du Maroc. Chaque SMS est facturé à 5 DH. Faites le calcul : en tout, Rotana et son partenaire télécoms ont empoché 500 000 DH. Très peu par rapport aux sommes colossales qui proviennent de l’Arabie Saoudite, premier expéditeur arabe de SMS. Ou même par rapport à Studio 2M, où les volumes ont dépassé les 200 000 messages à un prix similaire (5DH). “2M reçoit le plus de SMS pour des raisons de proximité, mais aussi parce que son public est beaucoup plus familial. Quant à Rotana, elle est plus regardée par les jeunes. Et ceux-ci ont généralement des cartes prépayées. Ils n’envoient de SMS à l’étranger que si des Marocains sont présents dans la compétition”, explique Lakhdissi. En 2006, le public s’est mobilisé derrière une jeune casablancaise, Rajaa Kasbani, 26 ans, qui a d’ailleurs remporté la grande finale de X-factor.

Un homme, une voix

Plus loin, le match entre chaînes religieuses et chaînes musicales aboutit même à un éclatement des mentalités. Au sein d’une même famille, les comportements changent en fonction de l’âge, du référentiel éducatif et culturel, mais aussi du niveau d’instruction. En règle générale, les parents sont portés sur les canaux religieux et aimeraient bien que leurs enfants les suivent dans leurs choix. Un cas classique de conflit de génération. “Quand j’étais jeune, je n’avais personne pour me conseiller. Ma fille a maintenant la chance de m’avoir à ses côtés, mais elle ne m’écoute pas”, s’enflamme une mère. Hajja Fatima, c’est son nom, adore toujours les chansons d’amour d’Oum Kaltoum, parce que ce sont celles de sa jeunesse. Mais elle condamne les romances des Libanaises d’aujourd’hui, qui parlent à sa fille de 26 ans. Inutile de tenter de lui expliquer que chaque génération a ses idoles.

Pour les garçons, la relation avec le produit télévisuel est plus complexe. Salah, 24 ans, cadre bancaire, ne comprend pas pourquoi sa sœur regarde les clips de Haifa Wehbe avec autant d’intérêt, alors que cette chanteuse “n’a aucun mérite artistique”. En même temps, il ne se prive pas de jeter un œil sur ces mêmes clips, au hasard d’une soirée entre copains. En revanche, quand il est en présence de sa mère, son épouse ou sa sœur, la donne diffère. “C’est parce que je les respecte que je ne peux pas regarder ce genre de clips devant elles”, se justifie-t-il en souriant. “Même cachés ou brimés, les choix personnels s’expriment. Preuve que l’individu s’affirme dans une société traditionnellement régie par des règles collectives”, analyse un sociologue. Des choix qui peuvent parfois mener à l’excès, comme le prouve l’hystérie ambiante qui entoure l’arrivée des stars de Rotana ou d’Iqraa au Maroc. Il y a quelques semaines, le prédicateur koweïtien Tarek Souidane, directeur de la chaîne Arrissala, n’en revenait pas de l’accueil que les Marocains lui ont réservé. Agréablement surpris par sa popularité, il a tout de suite demandé à augmenter les programmes en provenance du Maroc. Avant lui, Amr Khaled, la coqueluche des médias mais aussi le plus gros salaire de toutes les chaînes religieuses, était accueilli comme une pop star. Le courant de pensée qu’il a initié, “les bâtisseurs de la vie”, une approche de l’islam reprenant à son compte des techniques du marketing américain, a des ramifications même au Maroc.

Face à cette euphorie qui les dépasse, les oulémas du Maroc restent perplexes. Ils s’alarment contre les dangers de cette influence exercée par les médias du Golfe, surtout les chaînes chiites. “Beaucoup de fidèles viennent demander mon avis sur une fatwa qu’ils ont entendue sur ces télés arabes. Je leur dis de suivre ce qui se fait au Maroc”, se désole l’imam Abdelbari Zemzmi. Quant aux fameux clips, l’imam est tout simplement consterné. “Je comprends que les gens veuillent écouter de la musique, mais pas dans cette forme de débauche”, lâche-t-il. Comment se comportera Zemzmi si jamais il croise le regard subversif de Haifa Wehbe ? Archétype de la femme fatale, la bimbo libanaise laisse rarement indifférent, partout où elle passe. Invitée au Maroc par l’association Ruban Rouge, elle a été assaillie par la foule de fans. Une jeune R’batie, obsédée par la star, a fait le déplacement jusqu’à Marrakech pour lui remettre un cadeau. “Je trouve qu’elle a un regard très humain. Pour ceux qui critiquent son apparence, je leur dis : Dieu nous a donné des formes pour les montrer”, s’extasie-t-elle. Simo Belbachir, président de l’association, n’en finit pas de raconter des anecdotes sur le séjour de la star au Maroc. “Dans une réception mondaine, un homme s’est retourné vers son épouse et lui a dit : ’Haifa Wehbe, c’est une vraie femme’. Blessée par ces paroles, l’épouse lui a jeté sa coupe de champagne au visage”.

Le grand zapping

Le star-system touche les acteurs de ces chaînes arabes au point de créer de nouvelles modes. Au Maroc, le “look libanais” s’est depuis belle lurette installé dans les salons de coiffure. Les couleurs orientales comme l’acajou et le noir, avec des nuances bleues, sont très prisées par les clientes. De même pour les longs traits de khôl autour des yeux. “Il fut un temps où ces couleurs étaient associées aux prostituées. Maintenant, c’est tendance”, explique le styliste Reda Boukhlef. “Côté habits, les filles marocaines continuent de s’inspirer de la mode occidentale contrairement aux autres filles arabes, qui veulent coûte que coûte se transformer en poupées libanaises. Mais tôt ou tard, elles seront emportées par la vague”, poursuit le styliste.

Plus loin que les modes vestimentaires, où nous entraînent ces chaînes dans nos comportements ? “Face à la télé, on est souvent passif. On reçoit un certain nombre de stimuli dont on ne maîtrise pas les effets. On n’est pas acteur, on attend que les choses changent d’elles-mêmes. Le développement de cette attitude entraîne de multiples effets pervers et contribue à générer des profils de personne où l’inertie est dominante”, analyse Jamal Khalil. C’est le danger de la consommation à outrance.

Toutes les jeunes filles marocaines finiront-elles par ressembler aux pin-up de Rotana ? Tous nos croyants deviendront-ils des prédicateurs à la mode Iqraa ? Non, bien évidemment. “Chacun va chercher ce qui lui ressemble dans cette palette audiovisuelle, qui va du fondamentalisme à la permissivité”, indique un sociologue. Dis-moi comment tu zappes, je te dirai qui tu es.

“Parfois, des personnes respectables me demandent discrètement d’installer des chaînes X verrouillées… et de leur donner le code”, raconte Farid, installateur de paraboles. Finalement, les téléspectateurs marocains sont fidèles à la schizophrénie qu’on leur attribue, capables de tous les paradoxes. Il sauront apprécier le comble de la fatwa audiovisuelle que vient de commettre un érudit sue la chaîne Annass : il a en effet décrété que la télévision était… haram !

Entretien. Douaâ Amer, présentatrice de l’émission “Jannati” (mon paradis) sur Iqraa “On peut concilier mode et religion”

Quel est le message que vous voulez transmettre via votre émission ?
Mon émission s’adresse à la femme musulmane moderne. Je veux lui dire qu’elle peut très bien appliquer les préceptes de l’islam et s’occuper d’elle-même selon les exigences de l’époque. Je lui explique comment préparer des recettes de cuisine, comment s’habiller, comment choisir son mari…

Recevez-vous des lettres du Maroc et quel est leur objet ?

Oui, j’en reçois beaucoup. Les Marocaines posent en général beaucoup de questions sur les habits des femmes voilées. Elles ne trouvent pas de magasins spécialisés dans les vêtements islamiques modernes. Ce n’est pas le cas par exemple en Egypte, où l’offre est très diversifiée. Dans leurs lettres, les Marocaines veulent aussi avoir des suggestions pour leurs tenues de mariage.

Vous portez des tenues aux couleurs flashy. Voulez-vous prouver quelque chose ?

La femme musulmane peut porter toutes les couleurs, même les plus chatoyantes. Ce n’est pas parce qu’elle met un voile qu’elle doit se négliger et se mettre en arrière. La mode peut parfaitement s’adapter aux exigences de notre religion. Les musulmans doivent être les premiers partout.

Que pensez-vous des chaînes de clips musicaux qui font un tabac parmi les jeunes ?

Le champ médiatique est de plus en plus ouvert. Personne ne peut empêcher la naissance de ces chaînes. Les seuls éléments déterminants sont le téléspectateur et sa télécommande. Je crois que la famille a un grand rôle à jouer pour éduquer ses enfants selon les valeurs religieuses.

Médias : Les Murdoch des chaînes arabes

Cheikh Saleh Abdullah Kamel, 64 ans, est la 114ème personne la plus riche du monde, selon le magazine américain Forbes. À la tête d’une fortune de 5 milliards de dollars, il est propriétaire du groupe Dallah Al Baraka, un immense conglomérat présent dans la finance islamique, le tourisme, le commerce et les médias. Son bouquet ART, fondé en 1993, a sensiblement souffert de l’arrivée de Rotana. Première conséquence directe : ART Music a disparu du satellite. En outre, le Cheikh a revendu à son rival sur le terrain des médias, Al Walid Ibn Talal, les 49% qu’il détenait dans le capital de la chaîne libanaise LBC Sat. Devant le succès moyen de ses multiples chaînes à péage, le Cheikh Abdullah Kamel s’est tourné vers une autre carte gagnante : le sport, auquel sept chaînes du bouquet ART sont dédiées. Le nabab saoudien a d’ailleurs acquis les droits de retransmission des matchs du Mondial de foot pour toute la région arabe, qu’il a monnayés au prix fort.

Famille : Ceux qui les attendent

Imane et Sanae savent qu’elles ne peuvent désormais compter que sur elles-mêmes pour survivre. Depuis leur incarcération, les fillettes ont coupé les ponts avec leur famille proche (principalement une tante et un oncle). Leur mère, toujours sans domicile fixe à Rabat, leur rend visite de temps à autre. Mais la relation n’est pas au beau fixe. “Nous ne nous sommes jamais vraiment entendues. Elle a un côté matérialiste que nous n’apprécions pas. Si tout va bien, nous l’hébergerons dans une maison que nous espérons louer bientôt et subvenir, ensemble, à ses besoins”, explique Sanae. En revanche, les deux sœurs se disent extrêmement attachées à leur grand-père. “C’est le seul, avec notre grand-mère, à avoir été aimable et gentil avec nous”, avoue Sanae. Aujourd’hui, l’homme vit seul, quelque part à Casablanca. Imane et Sanae disent savoir où le chercher. Et retrouver.

Ses médias

• ART (ART sport 1 à 7, ART Aflam 1 et 2, ART Cinéma, ART Hekayat, ART Tarab, ART Teenz, ART America, ART Latino, ART Europe, ART Australia, Movies America)
• Iqraa

Rien n’arrête le prince Al Walid Ibn Talal. Doté d’un sens aigu des affaires, il dirige un holding (Kingdom Holding) qui étend des tentacules un peu partout dans le monde. Fils d’Abdulaziz Al Saoud et de la princesse libanaise Mona Assolh, il trône sur une fortune de 20 milliards de Dollars. Huitième richesse mondiale, il a commencé son activité en redressant la Citibank qui était en difficulté. C’est pour cela que son terrain de chasse de prédilection sont les sociétés, dotées d’une bonne réputation, mais sous-évaluées. Caractéristique qui lui a valu le surnom du “Warren Buffet du monde arabe”. L’empire Rotana, qu’il dirige, repose sur une immense maison de production musicale, qui a érigé l’intégration en modèle. Grâce à ses différentes filiales, le groupe produit, enregistre et distribue ses 150 artistes, et filme leurs clips… qu’il diffuse sur ses propres chaînes. Imparable ! Le prince a aussi tiré les enseignements de l’expérience du groupe ART. “Rotana ne passera jamais à une diffusion cryptée”, assurent les responsables de la chaîne.

Ses médias

• Rotana (Moussica, Khalijia, Clips, Nostalgia Magic, Cinéma, Great Classics)
• Arrissala
• 49% de la LBC Sat
• 5,5% du capital de News Corps (Fox TV, BskyB, 20th Century Fox, The Times…)
• 1% de Time Warner (Time Magazine, AOL, CNN, HBO…)

Fan de …

Rotana. “Ma drogue à moi”

“Je suis une lycéenne, plutôt coquette. Et j’adore les clips musicaux sur Rotana. D’ailleurs, je regarde cette chaîne chaque jour après mes cours, parfois même entre 12h et 14H si mon père n’est pas là. Pourquoi ? Parce que pour lui, les chaînes musicales, c’est de la débauche. Mais entre nous, je m’en fiche ! Les vieux ne comprendront jamais nos goûts, à nous les jeunes. Ce que j’aime sur Rotana ? Assala Nasri bien sûr. J’aimerais être belle et célèbre comme elle. Sa dernière opération de chirurgie esthétique l’a rendue encore plus belle. Elle me fait vibrer et sans que je m’en aperçoive, je me mets à danser langoureusement en suivant le rythme de ses chansons. Ma sœur, la trentaine mais toujours au chômage, m’a surprise une fois en plein déhanchement et est allée en courant rapporter ce qu’elle a vu à mon père. Ah, la sorcière ! Pourtant, je l’ai vue une fois de mes propres yeux s’initier à la danse du ventre sur une chanson de Ramy Ayache. D’ailleurs, je crois qu’elle est amoureuse de ce chanteur. La pauvre ! Elle peut toujours rêver. Bref, je vis dans une famille qui m’interdit tout. Quand j’en ai assez, je vais chez ma copine Houda qui a plus de liberté en matière de musique. Sa mère aussi est cool. Elle aime bien regarder les chaînes musicales en faisant le ménage. Vive Rotana !”

Iqraâ. “J’ai peur pour ma fille”

“Je ne crois pas que nous vivons sur la même planète ma fille et moi. Quand je la vois en train de s’émoustiller devant “ces clips du hichtek bichtek” (formule pour désigner une danse “vulgaire”), j’ai peur pour elle. Mais je me dis qu’elle finira par revenir sur le droit chemin. J’ai 50 ans et je sais de quoi je parle. Les chaînes qui valent vraiment la peine d’être regardées sont celles qui parlent de notre religion. Demandez à mon mari L’haj, il confirmera ce que je dis. Nous apprenons beaucoup de choses sur Annass et Iqraa, même des recettes de cuisine. Il est vrai que lui, il préfère écouter le Coran et les avis des grands alems du Machrek. Moi, je suis beaucoup plus attirée par les émissions consacrées aux femmes. Ceux qui disent que ces chaînes sont destinées aux vieux et aux rétrogrades se trompent. Il y a de tout. D’ailleurs, mon fils y fait souvent un tour avant de zapper sur Al Jazeera ou Eurosport. J’aimerais bien que ma famille ressemble un peu plus à celle de ma voisine Fatima. Toutes ses filles sont voilées et ne regardent que les chaînes religieuses. Bon, il est vrai que la petite dernière, Khadija, est un peu bizarre. Elle se maquille tout en portant son hijab. Et puis, de temps en temps, je la surprends avec ma fille en train de chanter en regardant Rotana. Ah, la jeunesse !”.

TelQuel - Nadia Lamlili

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Sujets associés : Musique - Religion - Télévision

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