Faut-il inclure le tourisme dans le plan d’urgence ?

22 avril 2009 - 19h22 - Economie - Ecrit par : L.A

Le secteur du tourisme est maintenant bien installé dans la crise. En plus du plan d’urgence lancé en janvier dernier, baptisé Cap 2009, certains opérateurs estiment que l’Etat doit aujourd’hui envisager sérieusement des mesures de soutien à l’instar de celles mises en œuvre il y a quelques semaines pour les secteurs du textile, du cuir et de l’automobile.

Ces mesures prendraient alors différentes formes dont le relèvement du budget de l’Office national marocain du tourisme (Onmt) pour les années 2010 et 2011, et l’octroi par les banques de taux bonifiés aux investisseurs.

Il faut dire que même si le Maroc résiste par rapport à certains de ses concurrents méditerranéens (l’Egypte, par exemple, accuse une baisse de 30%), les chiffres officiels de la situation à la fin du mois de février sont plutôt inquiétants. Pour le deuxième mois de l’année, en effet, les nuitées dans les établissements d’hébergement classés ont chuté de 10% par rapport au même mois de l’année précédente, suite à la baisse de 11% de celles réalisées par les non-résidents. Plus grave, les arrivées de touristes étrangers, jusque-là stables, en dépit de la baisse des nuitées, se sont dépréciées de 2%. Une baisse heureusement amortie par les MRE dont le nombre a augmenté de 27%.

Toutes les destinations touristiques ont affiché des nuitées en baisse, à l’exception de Fès et Meknès qui ont terminé le mois de février avec des hausses respectives de 14% et 8%. Le plus grandes destinations touristiques restent cependant dans le creux. A Marrakech, les nuitées ont fléchi de 18% et Ouarzazate bat tous les records avec une baisse de 31%. Casablanca, Rabat, Tanger s’en sortent relativement mieux avec des pertes de 4, 8 et 11%. Quant aux principaux marchés émetteurs, la baisse n’en a épargné aucun. Les nuitées réalisées par les Français ont reculé de 9%, celles des Britanniques de 31% et celles des Espagnols de 11%.

Pratiquement la même configuration prévaut sur les deux premiers mois de l’année pris dans leur ensemble. Les nuitées ont baissé de 6%, comparativement à la même période de 2008, et le taux d’occupation moyen des hôtels classés plonge de 4 points, à 36%. Pour compléter ce tableau qui s’assombrit de jour en jour, les recettes voyages, elles, ont plongé de 24% au terme des deux mois, d’après les statistiques de l’Office des changes.

Cette conjoncture a évidemment déteint sur le comportement des opérateurs touristiques, notamment les hôteliers qui, pour parer au plus pressé, ont accordé des baisses de prix de 7 à 10% en moyenne, selon certaines estimations. Ils n’hésitent même plus à accorder des remises sur des tarifs déjà considérés comme promotionnels, avec des conséquences fâcheuses sur le chiffre d’affaires. Conséquence : le nombre d’opérateurs hôteliers dont le chiffre d’affaires accuse une baisse de 20% est de plus en plus important. Rappelons que c’est sur la base de ce critère de dégradation du volume d’activité que l’Etat a fixé l’éligibilité au plan d’urgence pour le textile, l’automobile et le tourisme.

Les tour-opérateurs deviennent plus exigeants

Pour éviter le pire, les opérateurs, avec l’aide du ministère de tutelle, sont désormais obligés d’aller eux-mêmes chercher les touristes. En ces temps de crise, les tour-opérateurs des pays émetteurs ont sensiblement réduit leurs budgets de promotion et se contentent de programmer les destinations qui sont sollicitées, au lieu d’inciter les clients à opter pour un pays donné. « Cette tendance va se poursuivre et, de plus en plus, les TO vont demander aux pays récepteurs de venir faire la promotion de leur destination dans les marchés émetteurs mêmes », explique Othman Chérif Alami, président de la Fédération nationale du tourisme (FNT).

Que faire dans ce contexte difficile caractérisé par un recul ou une mise en veilleuse des investissements - les difficultés du plan Azur en témoignent ? Selon le président de la FNT, il est nécessaire de réviser à la hausse le budget de promotion pour attirer le plus de vols vers le Maroc. S’agissant du plan Azur, tout en relevant qu’il connaît des retards et des problèmes de financement, M. Alami affirme qu’il « doit être sauvé par les investisseurs nationaux comme c’est le cas pour les stations de Saidia et Lixus, quitte à revoir certains variables comme le coût du terrain par exemple ». Mais il faut se rendre à l’évidence qu’en 2010 seulement 6% des lits prévus dans le cadre du plan Azur seront mis sur le marché, prévoit-il.

Cependant, les professionnels ne sont pas tous d’accord sur la nécessité d’un plan d’urgence. Ainsi, contrairement à ceux qui soutiennent l’idée, d’autres pensent, en revanche, qu’après une période de croissance exceptionnelle, le secteur du tourisme peut résister au moins une année sans mesures particulières. Ces derniers considèrent qu’il faut attendre de voir si la crise persistera dans les 8 mois à venir, c’est-à-dire l’été de 2009, avant de réclamer des mesures de soutien.

En tout cas, il est recommandé de mettre sur pied, dans la sérénité, des batteries de mesures à actionner par paliers selon la gravité de la crise qui, selon des experts, pourrait durer de un à trois ans.

Focus :Un problème de modèle économique également ?

Le marasme dont souffre le secteur hôtelier n’a pas pour unique cause la crise qui sévit en Europe. Les chiffres officiels parlent certes de baisse des nuitées, mais ces dernières concernent les hôtels classés. Combien de touristes étrangers vont dans les riads, séjournent chez des amis ou encore louent directement chez l’habitant ? Le ministère du tourisme, pour tenter de refléter le nombre réel de nuitées, pondère les chiffres fournis par les hôtels de 2 points à la hausse parfois trois. Mais le fait est que c’est le brouillard complet.

Selon un sondage effectué en janvier dernier par l’Observatoire du tourisme à l’aéroport de Marrakech-Menara, 50% des touristes étrangers débarquant dans la ville ocre ont affirmé ne pas se rendre dans un hôtel ! Séduits par des prix discount et des offres de dernière minute, les touristes ont délaissé les tour-opérateurs classiques pour acheter leur séjour directement sur internet auprès du propriétaire d’un appartement ou du gérant d’un riad. Or, peu d’hôteliers classiques ont investi aujourd’hui le champ de la vente par internet.

Source : La vie éco - Mohamed Moujahid

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : Tourisme - Destination - Plan Azur - Crise économique

Ces articles devraient vous intéresser :

Hôtels, riads et Airbnb  : bientôt tous contrôlés au Maroc

Le Maroc s’apprête à rendre obligatoires les visites mystères dans tous les établissements touristiques, hôtels classés comme locations informelles. Ces contrôles surprise visent à uniformiser le classement en étoiles et à garantir une qualité de...

Les hôtels marocains ont affiché complet

En 2024, Les hôtels ont fait le plein au Maroc. Fatim-Zahra Ammor, ministre du Tourisme, de l’Artisanat et de l’Economie sociale et solidaire, a présenté le bilan.

Maroc : l’été morose du tourisme sera-t-il sauvé en août ?

De bonnes perspectives pour le tourisme marocain ? Après un mois de juillet morose marqué par une faible affluence des touristes, nationaux comme étrangers, tous les regards et les espoirs sont tournés vers le mois d’août.

Marrakech veut en finir avec la mendicité et les SDF

La ville de Marrakech mène une lutte implacable contre la mendicité professionnelle et le sans-abrisme, qui porte déjà ses fruits. À la manœuvre, la Direction générale de la sûreté nationale (DGSN) et la brigade touristique.

Le Maroc dégringole dans le classement mondial du tourisme

Coup de théâtre pour le tourisme marocain ! Le dernier rapport du Forum économique mondial révèle un recul inquiétant du Royaume dans l’indice de développement du tourisme et des voyages pour l’année 2024. Relégué à la 82ᵉ place sur 119 pays, le Maroc...

« Le Maroc est magnifique, mais je n’ai pas l’intention de visiter à nouveau »

Une voyageuse vient de visiter le Maroc qu’elle a qualifié de magnifique, mais elle dit qu’elle n’a plus l’intention d’y retourner, et ce, pour plusieurs raisons.

Le Maroc, dans le top mondial des pays à visiter

Le Maroc figure en bonne place parmi les destinations africaines recommandées pour l’année 2025, selon une étude récente d’une plateforme spécialisée.

Maroc : comment la location de voitures se transforme

Le secteur de la location de voitures reprend des couleurs au Maroc. Secoué ces dernières années par des crises successives, le marché a été marqué par une reprise significative en 2024, avec une acquisition de plus de 52 000 véhicules, soit une...

Tourisme au Maroc : l’été 2024 dépasse toutes les attentes

Les signaux sont au vert pour le tourisme marocain. Après une saison estivale record, les perspectives s’annoncent « prometteuses » pour le secteur, a indiqué Fatim-Zahra Ammor, ministre du Tourisme, de l’artisanat et de l’économie sociale et solidaire.

La Banque mondiale analyse en détail le tourisme marocain

Le tourisme représente environ 7 % du PIB et génère plus de 500 000 emplois directs, soit environ 5 % de la population active marocaine. C’est ce qui ressort du dernier rapport de la banque mondiale sur la situation économique du Maroc.