Wana, à quand le vrai démarrage ?

17 juillet 2007 - 00h51 - Economie - Ecrit par : L.A

Quatre mois après son entrée sur scène, le troisième opérateur téléphonique ne connaît pas encore l’engouement tant attendu. Wana, dont l’actionnaire principal est la puissante holding ONA, suscite bon nombre d’interrogations. Les couacs se suivent et ne se ressemblent pas. Après la mésaventure du mobile qui n’en est pas vraiment un, c’est au tour d’Internet, lancé récemment par l’opérateur, de connaître des incidents de parcours.

Les clients qui ont choisi l’Internet sans fil proposé par Wana l’ont appris à leurs dépens. Pendant plusieurs jours, ils n’ont pas eu de connexion et même plus d’interlocuteurs à qui se plaindre. Leurs nombreux appels au service après vente restent sans réponse. Démarrage approximatif pour le mobile, Internet défaillant, cible floue, marketing confus, le management de Wana n’est pas au bout de ses peines. « On a l’impression que tout a été fait à la hâte et approximativement et que l’on est en train d’opérer les rectifications au fur et à mesure. Ce qui n’est pas sérieux dans un secteur d’activité comme les télécoms où l’approximatif n’a pas de place », note un observateur.

Haut débit, dites-vous ?

« Le débit est nul. La nuit il n’atteint même pas 10 kbps ! Le matin, ce n’est pas mieux, il ne dépasse pas 65 ou 70 kbps. En plus, dans le monde entier, la technologie cdma utilisée par Wana ne garantit pas le débit indiqué (153.6) », explique furibond Amine, un client déçu. Et ce n’est certainement pas Othmane qui va le contredire : « J’ai déjà fait des réclamations auprès du service technique bayn et ils me sortent depuis un mois la même rengaine, à savoir que mon problème sera réglé incessamment. Toute la période durant laquelle la connexion a marché, je ne pouvais utiliser que la navigation et consulter mes e-mail. Si c’est pour cela que j’ai payé 990 DH, merci le service ». Les critiques acerbes ne manquent pas. Pour leur défense, les responsables de Wana ripostent par l’avantage de la mobilité. « Le plus de l’Internet par Wana c’est la mobilité. Vous pouvez l’utiliser où vous voulez sans fil et sans obligation d’abonnement. Notre service Internet se présente non pas comme une alternative mais plutôt comme un complément ». Une explication qui ne tient pas la route en plus d’être anti-commerciale. « C’est plus pour les gens qui se déplacent beaucoup et qui veulent par exemple consulter leurs e-mails et en envoyer également », ajoutent-ils. Payer une carte à 149 DH et un modem à 990 DH pour checker sa boîte e-mail c’est tout de même un peu cher !

« C’est un loupé pour Wana. Au départ, ils se sont fournis pour une partie des équipements en Europe. Quant au déploiement parallèle, ils l’ont acheté en Chine. Les deux étaient vraisemblablement incompatibles », souligne un opérateur télécoms. Ce n’est qu’après le lancement que les premiers couacs sont apparus. « Une erreur d’appréciation qu’ils ont payée cher puisqu’ils ont été obligés de réinvestir dans les équipements, cette fois-ci auprès des Chinois ». Ce serait d’ailleurs à cette fin que Karim Zaz lui-même a fait le déplacement en Chine.

« Un positionnement marketing flou, des équipements qui laissent à désirer, des investissements doubles, une communication douteuse...il y a de quoi se poser des questions », commente un observateur.

Investissements doubles

Qu’à cela ne tienne, l’actionnaire principal est là pour casquer. L’ONA vient de mettre la main à la poche pour sauver sa filiale. La holding et son actionnaire de référence, la SNI, viennent de mettre un milliard de dirhams dans l’escarcelle de leur filiale commune Wana Corporate qu’ils contrôlent respectivement à 51% et 49%. Le capital de celle-ci a été porté récemment de 441,5 MDH à 1,44 milliard de dirhams.

Outre l’augmentation de capital, Wana Corporate a obtenu l’accord pour un prêt syndiqué de 3 milliards de dirhams. “Sans la garantie de l’ONA”, tiennent à préciser les responsables de Wana. Sauf qu’Attijariwafa, qui est également dans le giron de l’ONA, est co-chef de file avec le groupe Banques populaires… Ce qui devrait, à court terme, endiguer son déficit qui a atteint, en 2006, près de 90 MDH pour un chiffre d’affaires de 110 millions. Un scénario incontournable au regard des importants amortissements (licences et surtout investissements techniques) et des charges financières (endettement bancaire et comptes courants associés) que ne peuvent combler les revenus des premières années. D’ailleurs, le management ne compte sur un retour à l’équilibre qu’en 2009. Ce qui semble peu probable au regard des nombreuses fausses notes enregistrées jusqu’à présent.

« Ils ciblent davantage le modèle Internet/fixe mais pas le modèle voix. Il y a une courbe d’apprentissage pas des plus faciles à affronter. Les investissements en marketing et publicité doivent également être importants », explique un responsable de Méditel.

Mais c’est sur le segment des entreprises que Wana compte damer le pion à ses prédécesseurs. Un segment où l’opérateur historique détient le quasi monopole. Le marché Entreprise, estimé à quelque 5 milliards de dirhams, devrait connaître une croissance de 2,3% jusqu’en 2015. Il est dominé par la voix fixe avec 3 milliards de dirhams, le reste étant partagé entre le mobile et le data. Wana Entreprise compte conquérir 15 à 20% de ce marché avec un chiffre d’affaires prévisionnel de 1 milliard de dirhams en 2015.

Un pari quelque peu difficile à réaliser puisque les deux concurrents sont solidement implantés sur le segment. La filiale de l’ONA doit présenter des offres nettement plus séduisantes. Ce que promet l’entreprise qui se positionne comme un opérateur “global alternatif”. « Le marché de l’Entreprise est très peu sophistiqué. C’est un marché captif qui n’a pas nécessité beaucoup d’efforts de la part des opérateurs », explique-t-on auprès de Wana. Celle-ci, qui couvre déjà par son réseau 60% des entreprises et généralisera sa couverture le trimestre prochain.

Un programme bien chargé pour le nouvel entrant qui ne cache pas ses ambitions sur ce segment. La signature d’un mémorandum d’entente avec Casashore pour la mise en place d’un réseau et la fourniture de services télécoms aux clients s’installant sur le site prouvent que Wana semble avoir les moyens de ses ambitions. « Le fait qu’elle soit adossée à la première holding nationale lui facilitera certainement la tâche », disent les mauvaises langues. D’autres partenariats sont dans le pipe avec plusieurs administrations et offices publics.

Le Journal Hebdo - Fédoua Tounassi

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