Au Maroc, la société n’est pas près d’accepter les mariages mixtes. Ces mariages sont décriés au quotidien. La tendance va vers une grande intolérance de ces unions. La dernière union qui en a fait les frais est celle d’un quadragénaire originaire du Golfe et d’une jeune Marocaine de 23 ans. Sur la toile, le couple a essuyé des insultes et des moqueries. « C’est une fille cupide. Si c’était un Marocain, elle aurait trouvé l’âge comme prétexte ! », commente un internaute marocain. « Combien l’avez-vous achetée ? », renchérit un autre. « Le jour où tu divorces, ne viens pas pleurer chez nous », complète un internaute. Agacée, la jeune mariée menace de poursuivre en justice les auteurs de ces attaques de diffamation.
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Le cas de cette jeune Marocaine n’est pas isolé. Les cas sont légion. Des experts s’en désolent. « On observe une acceptation tacite, voire une célébration, des unions mixtes lorsqu’elles impliquent un partenaire européen. Pourtant, dès que le conjoint est originaire d’Afrique ou du Moyen-Orient, ces femmes subissent un véritable lynchage. On dirait que la supériorité supposée de l’homme blanc européen est profondément ancrée dans nos esprits », relève la sociologue Sanaa El Aji Hanafi auprès du Matin. Pour sa part, le philosophe Driss Jaydane dénonce « une once de racisme et une incompréhension totale de ce que signifie pour des êtres humains de se rencontrer et de s’aimer au-delà de la nationalité ».
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Selon lui, c’est la preuve d’une forte régression sur la question de la rencontre et du métissage. La situation était différente dans les années 1960-70, note-t-il. Pour Sanaa El Aji, ces réactions sont racistes, mais aussi misogynes. « La société considère que la femme lui appartient et c’est à elle de décider pour elle », explique-t-elle. Driss Jaydane dénonce lui le retour d’un refoulé tribal et du clanisme. « La société estime qu’une Marocaine épousant un étranger trahit la tribu ou sort du clan, alors que les hommes ne rencontrent pas ce problème. […] C’est régressif et dangereux, car cela sous-entend que nos femmes nous appartiennent », s’indigne le philosophe.
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Driss Jaydane dénonce en outre « l’hypocrisie de la société qui ne s’offusque pas lorsque des hommes de 60 ans épousent des filles de 16 ans, ou se paient des filles mineures dans des cabarets ». Pour les deux experts, il est impérieux de respecter les choix individuels. « Il faut qu’on ait la maturité de respecter les choix des individus à partir du moment où ces personnes sont adultes et majeures et ont l’âge légal de se marier et qu’il n’y a pas exploitation », martèle El Aji. Pour les deux experts, il est temps de légiférer pour que les personnes qui s’attaquent à la vie privée des couples mixtes sur les réseaux sociaux soient poursuivies et sévèrement punies.
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« Les femmes sont souvent insultées et diffamées d’une manière qui ne s’appliquerait pas aux hommes », souligne Driss Jaydane.