Abus des Etats espagnol et marocain contre les enfants migrants

19 mai 2002 - 10h46 - Espagne - Ecrit par :

Les enfants marocains qui arrivent seuls en Espagne sont fréquemment battus par la police et violentés par le personnel ou les autres enfants dans des centres d’accueil surpeuplés et insalubres, a accusé l’organisation Human Rights Watch dans un rapport publié aujourd’hui. L’Espagne procède également à l’expulsion arbitraire d’enfants, parfois âgés de onze ans seulement, vers le Maroc où la police les bat, les maltraite et les abandonne ensuite dans les rues.

Ce rapport de soixante-deux pages, intitulé : "Vers qui se tourner : abus des Etats espagnol et marocain contre les enfants migrants non accompagnés", fait état des nombreux abus perpétrés à l’encontre d’enfants marocains voyageant seuls dans les villes espagnoles de Sebta et Melilla, situées sur la côte nord-africaine. Lors d’une enquête de cinq semaines au Maroc et en Espagne, Human Rights Watch a interviewé des dizaines d’enfants, actuels ou anciens migrants. Nombre d’entre eux avaient déjà été arbitrairement expulsés à plusieurs reprises.

"Personne ne s’occupe de ces enfants", a expliqué Clarisa Bencomo, chercheuse à la Division des Droits de l’enfant de Human Rights Watch. "Les autorités espagnoles violent les droits humains de ces enfants migrants afin de les renvoyer au Maroc et les Marocains les punissent pour s’être sauvés".

Les conditions de séjour dans les deux centres d’accueil espagnols, le centre de San Antonio à Sebta et le Fort de la Purisima Concepcion (Fuerte de la Purisima Concepcion) à Melilla, étaient particulièrement mauvaises, dotés d’infrastructures vétustes, surpeuplés, sans services récréatifs ni distractions pour les enfants. Les enfants interrogés par Human Rights Watch ont témoigné de façon précise du fait que le personnel de ces centres les frappait fréquemment et les menaçait. Au centre San Antonio, le personnel disposait d’une "salle de punition" où il enfermait les enfants parfois pendant une semaine, sans matelas ni accès aux toilettes. Les plus petits et les plus jeunes ont raconté qu’ils avaient été attaqués et volés par des enfants plus grands et plus âgés dans ces centres, sans que le personnel témoin intervienne.

"Les enfants nous ont dit qu’ils se sentaient plus en sécurité dans la rue que dans ces centres d’accueil bondés et dangereux que l’Espagne met à leur disposition", a ajouté Mme Clarisa Bencomo.

Human Rights Watch a accusé l’Espagne de priver d’éducation la plupart des enfants migrants non accompagnés à Sebta et nombre d’entre eux à Melilla et le personnel des centres de soins et des centres d’accueil de Sebta, de priver les enfants malades ou blessés de soins médicaux.

La législation espagnole garantit pourtant soins et protection aux enfants étrangers non accompagnés sur la même base qu’aux enfants espagnols, y compris leur droit à l’éducation, aux soins de santé, à la résidence temporaire et les assure contre tout rapatriement qui les mettrait en danger. Les autorités locales à Sebta et Melilla méprise régulièrement la loi en refusant arbitrairement aux enfants soins et protection. Les responsables du gouvernement central ont reconnu qu’ils ne surveillaient pas régulièrement la façon dont étaient traités les enfants ni ne traduisaient devant la justice les cas graves d’abus. Dans de nombreux cas sur lesquels Human Rights Watch a enquêté, les organismes chargés de la protection des enfants — la police et le Département des affaires sociales — se trouvaient à l’origine des abus commis.

"Le gouvernement espagnol dit qu’il accorde de l’importance aux droits de l’Enfant mais il fait peu, voire rien du tout, pour faire appliquer ses propres lois", a expliqué Clarisa Bencomo. "Chaque fois que nous avons demandé à des responsables du gouvernement ce qu’ils faisaient pour protéger les enfants, ils ont répondu que cela relevait de la responsabilité de quelqu’un d’autre".

L’Espagne a expulsé des enfants de Sebta et Melilla en les remettant à la police marocaine qui les a battus et maltraités. La police du Maroc a ensuite relâché les enfants dans des rues qui leur étaient inconnues, souvent tard le soir. Même de très jeunes enfants ont été ainsi livrés à eux-mêmes parce que la police marocaine ne disposait pas des structures adéquates pour protéger les enfants qui vivent hors du cadre familial et, en général, les autorités marocaines ne sont intervenues que dans le cas où un enfant était suspecté d’avoir commis un crime au regard de la loi. Les soins dispensés dans la plupart des centres d’accueil du Maroc étaient généralement inadéquats, mais les juges avaient peu d’alternatives quand ils ne pouvaient renvoyer l’enfant en toute sécurité dans sa famille.

Source : Human Right Watch

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