Ali Baddou au-delà de l’écran

21 septembre 2008 - 16h50 - Culture - Ecrit par : L.A

À 34 ans, ce Marocain agrégé de philosophie est monté en flèche dans le paysage audiovisuel français. Professeur à Sciences Po, animateur sur France Culture et chroniqueur sur Canal+, il s’est imposé avec brio dans la vie culturelle de l’Hexagone. Rencontre.

Ali Baddou en quelques mots ? “C’est un nouveau sex symbol. Brillant, intelligent et drôle”. Même en vacances, étendue au soleil, Louise Bourgoin, sa camarade de l’émission le Grand Journal, sur Canal+,
prend le temps de nous répondre, “si c’est pour parler de Ali”. Non, ils ne sont pas mariés. Et pourtant, on comprend pourquoi TelQuel les voyait bien ensemble. Il y a à peine un an, Ali Baddou n’était que cette voix tendre qui animait les réveils difficiles dans l’Hexagone avec ses matinales sur France Culture. Depuis sa nomination comme chroniqueur livres au Grand Journal, il est devenu aussi un physique. Son sourire radieux et son regard intense font de lui l’intello chic du moment, adulé par ses (nombreuses) admiratrices et encensé par la presse féminine.

Le public marocain l’a découvert lors du premier Sidaction, fin 2005, qu’il a animé, cinq heures durant, aux côtés de Choumicha. “Ça a été une expérience formidable, et peut-être ma plus grande réussite de ces dernières années”, confie-t-il. Depuis, ses projets d’émission littéraire sur la deuxième chaîne sont restés sans suite. Et Ali Baddou a disparu du PAM. “Malgré son emploi du temps chargé, il avait accepté de venir représenter le Sidaction 2008”, se félicite Hakima Himmich. La présidente de l’Association marocaine de lutte contre le sida (ALCS) le décrit comme “un garçon brillant et attachant. Un jeune homme qu’on aimerait avoir comme fils”. N’en jetez plus…

Fils de diplomate, Ali a grandi entre le Maroc, les Etats-Unis et la France. Son grand-père, déjà, occupait des fonctions officielles : il était directeur du protocole de Mohammed V. Et sa cousine Yasmina n’est autre que notre actuelle ministre de la Santé. “Je suis très fier qu’elle ait fait légaliser la pilule du lendemain. C’est un énorme pas en avant”, nous a-t-il confié.

L’homme pressé

Il faut être tenace pour s’incruster dans le planning surchargé de Ali Baddou. Après maintes tentatives, sa voix se fait finalement entendre au bout du fil. Ali est agréable, mais insaisissable. Ali parle bien, mais parle peu. Ce sont ces quelques fragments épars de conversation qu’il faudra mettre bout à bout pour dresser son singulier portrait.

Ali Baddou a intégré l’équipe de France Culture en 2003 par l’intermédiaire de Nicolas Demorand, son condisciple à Normale Sup’. “Tout a commencé par hasard. Un jour, j’ai rendu visite à Nicolas, en studio. J’ai adoré l’ambiance et j’ai fini par le remplacer pendant ses vacances”. À la rentrée 2006, le directeur de la station lui confie la tranche matinale (7/9h) de France Culture : une émission culturelle et politique où il reçoit intellectuels et hommes politiques. Ses journées effrénées sont programmées au millimètre. “Mon mode de vie a beaucoup changé. Je vis de façon austère et travaille énormément”, reconnaît-il. Réveil à 4h30 pour arriver à France Culture à 5h30. Ce qui le pousse à se lever à l’aube chaque jour ? La passion du métier. “J’adore ce que je fais à la radio. Les Matinales, c’est un grand espace de liberté qui m’est offert. Et puis c’est un moment privilégié parce c’est la première voix que les gens entendent en se levant”. Deux heures d’antenne, et le show continue.

Une fois par semaine, il file dans le 7ème arrondissement de Paris pour donner son cours de philosophie publique à Sciences Po. “L’enseignement est le fil rouge de tout ce que j’entreprends. Quand j’étais étudiant, je ne pensais pas du tout me retrouver à la radio ou à la TV. J’avais très envie d’enseigner la philosophie. C’est resté la base, mais j’ai élargi le spectre”. La philosophie, il y est venu essentiellement grâce à un prof de terminale. “Puis j’ai continué, et c’est devenu une sorte de coup de cœur”, explique-t-il. Dans son itinéraire philosophique, Spinoza est un de ses maîtres à penser “parce que c’est le meilleur antidote contre l’idée qu’on doit obéir à ses maîtres, sans se poser de questions”. 12h 15 : fin de son cours d’enjeux politiques, rue Saint Guillaume. Juste le temps d’avaler un sandwich devant le Jardin du Luxembourg et il doit se remettre au travail. Tout l’après-midi, il lit, prend des notes, prépare ses interviews. Et vers 16h45, direction Canal+ pour être à l’antenne à 19h10.

Intello cathodique

Le plus souvent, Ali Baddou passe sans transition de l’ambiance intello des Matinales à la grosse machine de la chaîne cryptée. Après avoir débattu en profondeur de l’actualité politique et littéraire sur les ondes de France Culture, il se fond dans l’univers léger du petit écran. Certains ont vu dans ce “double jeu” les symptômes d’une inquiétante schizophrénie. Lui n’y voit aucune contradiction. “Ce sont les deux facettes du même métier : pousser les gens à lire des livres”. Une chronique littéraire en prime time est un défi à relever, mais c’est aussi le moyen de toucher le plus grand nombre. “Ali réussit le parfait compromis entre une émission très pointue sur France Culture et la vulgarisation obligatoire pour une émission à grande écoute”, confirme Louise Bourgoin. Aussi loin du stéréotype de l’intellectuel reclus dans sa tour d’ivoire que de celui du philosophe médiatique, Ali navigue entre diverses sphères, participant peut-être à leur décloisonnement : “J’ai grandi avec Nulle Part Ailleurs et je suis un malade de séries B. Ça ne m’empêche pas de faire cours sur Spinoza ou d’inviter un Nobel à la radio”.

Depuis son arrivée à Canal+, la presse féminine lui a collé l’image du “nouvel intello chic”, une étiquette qui l’amuse : “Je ne le prends pas très au sérieux. Ce qui a le plus changé ma vie, c’est que les gens me reconnaissent dans la rue”. Devant ses étudiants de Sciences Po, il arrive en jeans, baskets et pull en laine. Mais son look d’éternel étudiant du Quartier Latin ne doit pas faire illusion. Ali Baddou est un professionnel aguerri, également très soucieux de son image. Louise Bourgoin témoigne : “Il met un temps fou à choisir une tenue et fait très attention aux petits détails. Ça fait beaucoup rire ma styliste”.

Dernière question : comment conserver sa réputation d’éternel tombeur quand on mène une vie aussi “austère” ? Difficile d’en savoir plus. Le discours de Ali est parfaitement rodé, inutile d’espérer le moindre écart. La parole, c’est son domaine, qu’il maîtrise comme un bon prof gère sa classe. Il avance prudemment, assoit ses réponses, impose son rythme. Ali Baddou est un personnage au parcours atypique. Ni playboy littéraire, ni philosophe de salon, il s’arrange toujours pour être là où on ne l’attend pas. Ali Baddou défie les clichés et combine avec talent ce qui s’apparenterait chez d’autres à des paradoxes.

Source : TelQuel - Sarah Tadlaoui

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