L’amazighité devant le Conseil des droits de l’Homme à Genève

10 avril 2008 - 00h02 - Maroc - Ecrit par : L.A

En ces temps agités où l’amazighité fait figure de cheval de bataille brandi bien tardivement par des partis de la mouvance populaire et alors que des activistes imazighen sonnent le tocsin de la mobilisation pour la libération des détenus de Boumaln Dades, la question amazighe est arrivée jusqu’au Conseil des droits de l’Homme qui tient session à Genève.

On le sait, c’est hier mardi que le Conseil des droits de l’Homme, instance onusienne installée à Genève devait entendre le rapport officiel marocain sur la situation des droits de l’Homme dans le Royaume. Des rapports parallèles élaborés par les associations de défense des droits humains ont été adressés au Conseil pour faire le point sur les avancées et reculs observés en la matière en terre marocaine.

C’est ainsi que le Réseau amazigh pour la citoyenneté a élaboré un rapport parallèle adressé au Conseil des droits de l’Homme pour sa première session de l’Examen périodique universel. En une quinzaine de pages, le Réseau que préside l’avocat et activiste amazigh Ahmed Arrehmouch fait le bilan de la situation des droits linguistiques et culturels amazighs au Maroc.

Le constat tombe sans appel : les textes juridiques fondamentaux consacrent la ségrégation dont les Imazighen estiment être les victimes. Selon le Réseau, des textes comme la Constitution ou encore le Dahir de la marocanisation, l’unification et l’arabisation consacrent « la discrimination et le racisme contre le principe de la diversité et le droit à la différence et à la pluralité que connaît le Maroc. Ces textes constituent une entrave à la participation des Imazighen et à l’intégration de l’amazighité au sein des institutions soit sous forme d’interdiction, soit par la confusion et le flou qui entachent la plupart des lois marocaines ». Les auteurs du rapport parallèle en sont convaincus : la non présence de l’amazigh dans les espaces publics est le résultat logique de textes instituant l’arabisation et gommant l’identité amazighe et qui sont autant de mesures répressives. Au Maroc, en l’an de grâce 2008, des prénoms amazighs continuent d’être interdits et des enfants privés d’identité -le cas d’Illy, victime d’un juge de Larache, est à cet effet emblématique. Des personnes sont empêchées de s’exprimer en amazigh, leur langue maternelle et la seule qu’elles maîtrisent, à l’intérieur des prétoires de tribunaux, au motif que l’arabe est la langue officielle du pays. Enfin, le tifinagh n’est pas prêt d’investir les correspondances officielles. L’alphabet amazigh semble avoir été établi au titre de curiosité linguistico-anthropologique.

« Tant que l’Etat refuse de reconnaître la langue amazighe en l’inscrivant au titre de langue officielle dans la constitution, le peuple amazigh continuera de souffrir de cet acte discriminatoire, prohibé du reste sur le plan international. Résultat : l’égalité consacrée par le texte fondamental n’est qu’un leurre puisque nous assistons à la domination d’une classe linguistique et culturelle, les arabophones, sur une autre, celle des amazighophones », soutient un membre du Réseau amazigh pour la citoyenneté.

Pas d’écoles portant le nom de symboles de l’amazighité

Le rapport parallèle sur les droits linguistiques et culturels amazighs au Maroc pointe l’échec de l’enseignement de la langue amazighe dans les écoles primaires du pays : seules 120 écoles réparties à travers quelques régions sont concernées.

Pire encore, les manuels scolaires comprennent toujours des textes consacrant la marginalisation de la langue, la culture et civilisation amazighes. « Ce que l’on peut vérifier si on se réfère à la circulaire du ministère de l’Education nationale adressée aux directeurs des académies régionales relatives à la liste des noms des établissements scolaires, excluant ceux de grandes personnalités et autres symboles de l’Histoire amazighe », peut-on lire dans le document adressé au Conseil des droits de l’Homme.

L’Institut Royal pour la culture amazighe, IRCAM, que préside A. Boukous, ne trouve pas grâce aux yeux des activistesdu Réseau amazigh pour la citoyenneté. « C’est une instance consultative auprès du Roi qui ne remplit pas les critères universellement reconnus en matière d’institutions chargées de la protection et la promotion des droits linguistiques et culturels amazighs en particulier ». La revendication est clairement affichée : il s’agit de réviser le dahir instituant l’IRCAM ou de créer des établissements gouvernementaux de qualité « ayant pour objectif la contribution à la protection nécessaire des Imazighen et la garantie de l’égalité et l’exercice des libertés fondamentales ».

De la réforme de la Constitution pour consacrer la reconnaissance officielle des droits linguistiques et culturels amazighs en passant par le respect des libertés publiques de ceux et celles de Tamazgha, l’introduction de la langue amazighe dans les administrations et l’appareil judiciaire et l’abrogation des articles du code de procédure pénale interdisant l’usage de la langue amazighe devant les tribunaux ou encore l’annulation de toutes les restrictions faites à la liste autorisée des prénoms amazighs, les revendications du Réseau amazigh pour la citoyenneté participent au respect des droits humains du peuple amazigh. Des Amazighs qui font un rêve, celui de leurs droits reconnus, de leur patrimoine culturel réhabilité et de libertés fondamentales consacrées.

Source : Libération - Narjis Rerhaye

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : Amazigh - Genève - Ircam - Tifinagh

Ces articles devraient vous intéresser :

Maroc : moins de français dans les administrations

Les Marocains souffrent de la prédominance de la langue française dans les transactions informatiques des administrations marocaines. Tel est le constat fait par le groupe parlementaire du Rassemblement national des Indépendants (RNI), qui appelle la...

Maroc : appel à déclarer férié le jour du Nouvel an amazigh

Quelque 45 ONG marocaines et de la diaspora demandent au roi Mohammed VI de déclarer férié le « Yennayer » ou Nouvel an amazigh, célébré le 13 janvier de chaque année.

Maroc : de grands pas vers l’officialisation de l’amazigh

Le gouvernement d’Aziz Akhannouch franchit de grands pas vers l’officialisation de l’amazigh, mais des efforts considérables restent à fournir pour que la langue retrouve sa place qui lui est échue.

Le Roi Mohammed VI instaure le Nouvel An Amazigh comme jour férié au Maroc

Le Nouvel An Amazigh sera désormais un jour férié officiel au Maroc, selon une décision qui vient d’être prise par le roi Mohammed VI.

La chanteuse Fatima Tabaamrant menacée par un salafiste

Alors qu’elle fait l’objet d’attaques verbales de la part d’un prédicateur salafiste, l’icône de l’art amazigh, Fatima Tabaamrant, ancienne députée RNI, vient de recevoir le soutien du parti d’Aziz Akhannouch.

Maroc : Ahmed Assid dénonce la répression des voix d’opposition par l’astuce des mœurs

Dans un podcast, l’universitaire et activiste amazigh Ahmed Assid s’est prononcé sur plusieurs sujets dont la répression des voix contestataires au Maroc, la liberté d’expression ou encore la laïcité.

Maroc : l’Amazigh reconnue officiellement comme une langue de travail

Les autorités marocaines ont procédé mardi au lancement officiel des procédures qui vont permettre l’intégration de l’Amazigh dans les administrations publiques. La cérémonie a été présidée par le chef du gouvernement Aziz Akhannouch.

Les Marocains libres de choisir le prénom de leurs enfants, sous certaines conditions

Les officiers marocains de l’état civil sont à présent dans l’obligation d’accepter temporairement les prénoms déclarés, y compris ceux en contradiction avec la loi, contrairement aux pratiques antérieures, selon un décret qui vient d’être publié.

L’enseignement de la langue amazighe généralisé dans les écoles marocaines

Le ministère de l’Éducation nationale, du Préscolaire et des Sports vient d’annoncer son plan de généralisation de l’enseignement de la langue amazighe dans tous les établissements du primaire d’ici à l’année 2029-2030.

Nouvel an amazigh au Maroc : ce sera le 14 janvier

La date du nouvel an Amazigh au Maroc est désormais connue. Elle vient d’être définie par le chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, et ce sera le 14 janvier. Ce jour sera donc chômé et payé.