La créance de France Télécom sera difficile à recouvrer : Atlas TV était logée dans une salle de sport.
Sur une plainte conjointe de la RAM et de la Banque Populaire, le Tribunal de Commerce de Senlis dans l’Oise, près de Paris, vient de mettre en liquidation judiciaire la société Atlas TV. Cette société avait été créée en mai 2001, sur la base d’un protocole passé quelques mois auparavant, entre Khalid El Quandili, la RAM et la BCP. Il s’agissait de monter en France une chaîne de télévision destinée à la communauté maghrébine d’Europe. « L’idée était très bonne », explique Mohamed Berrada, PDG de la RAM, qui explique avoir fait connaissance de Khalid El Quandili alors qu’il était ambassadeur à Paris. El Quandili était très connu dans la communauté maghrébine parce qu’il était champion de kick boxing, qu’il produisait une émission pour la TVM (diffusée le dimanche matin) et aussi parce qu’il s’impliquait beaucoup dans la vie de la communauté. Les deux hommes se sont perdus de vue quand Berrada est rentré au Maroc.
Khalid El Quandili, qui n’a pas pu être joint par L’Economiste depuis plusieurs semaines, a apparemment poursuivi son projet. Le capital de la société créée en 2001 et aujourd’hui mise en liquidation judiciaire, est détenu à 60% par El Quandili, le reste était partagé également entre la BCP et la RAM. La BCP avait en outre donné une garantie limitée, pour d’éventuels engagements. Un apport en compte courant a été fait via la BCP, pour un montant total de 10 millions de FF.
A son arrivée à la RAM, l’été 2001, Mohamed Berrada trouve le dossier en cours mais, dit-il, « j’ai commencé à m’inquiéter des formalités légales à faire en France et qui devaient accompagner le projet, avant de continuer à l’alimenter ». De son côté, fin 2001, le nouvel ambassadeur du Maroc en France, Hassan Abouyoub, fait part de ses doutes à L’Economiste, sur la viabilité du projet. Berrada constate que les autorisations à obtenir auprès du CSA français ne seront sans doute jamais octroyées : l’entreprise ne présente pas de garantie de pérennité suffisante. Les actionnaires marocains demandent alors à leur associé de présenter les comptes de l’argent déjà engagé, sans pouvoir les obtenir.
C’est à ce moment qu’ils constituent le cabinet d’avocats parisien, Norman, Sarda et Associés, en la personne de Me Boussier. « J’ai demandé, explique Me Boussier, un audit contradictoire à PriceWaterhousse, mais l’auditeur n’a pu obtenir aucun compte et a découvert que le local commercial d’Atlas TV était en fait une salle de gymnastique à Creil » (dans l’Oise, banlieue parisienne). Il n’y avait ni salarié, ni comptes sociaux, explique l’avocat. « En conséquence, j’ai demandé au Tribunal de Commerce une mise sous administration judiciaire provisoire ». Le 20 juin 2002, la mise sous administration provisoire a été prononcée et cette semaine intervient la liquidation judiciaire, confiée par le tribunal à Me Pernet.
Me Boussier ne sait pas exactement à combien se monteront les impayés d’Atlas TV. « La part la plus importante est sans doute la dette à France Télécom, car Atlas TV avait loué un canal sur son satellite ». L’avocat parisien indique ne pas savoir pourquoi Atlas TV avait loué ce canal alors qu’elle n’était pas prête pour émettre et n’en n’avait pas l’autorisation.
De son côté, Mohamed Berrada suppose, sans en avoir la certitude, que cette location avait été faite par El Quandili pour donner l’impression qu’Atlas TV serait à même d’émettre, alors que l’autorisation du CSA ne lui serait pas accordée. La dette à France Télécom est de l’ordre de 10 à 12 millions de FF (environ 2 millions d’euros).
D’après ce que L’Economiste a pu savoir, Khalid El Quandili accuse ses anciens partenaires de ne pas l’avoir accompagné dans son projet. Une plainte dans ce sens a d’ailleurs été déposée contre eux au Maroc. Ces partenaires indiquent qu’ »il n’était pas question d’engager l’argent public sur un projet de l’ordre de 80 millions de DH par an, sans avoir une certitude raisonnable que ce projet deviendrait rentable ».
Atlas TV est le troisième projet de télévision pour la communauté maghrébine en Europe qui tourne mal.
Source : L’Economiste