
Le ministère de l’Éducation nationale a récemment autorisé les enseignants du public à donner des cours supplémentaires dans le privé, sous certaines conditions. Pour arrondir leurs fins de mois, ces professeurs devront obtenir une autorisation...
LE FAIT, pour une lycéenne, de porter un bandeau dans les cheveux en lui donnant une signification religieuse justifie-t-il une exclusion scolaire ? Huit enseignants sur dix semblent répondre positivement à cette question au lycée La Martinière-Duchère de Lyon : ils n’ont pas assuré leurs cours, jeudi 13 mars, pour protester contre le refus du recteur d’autoriser la tenue d’un conseil de discipline où le cas de la jeune fille, élève de seconde, aurait été examiné.
Leurs revendications sont claires : invoquant le principe de laïcité, ils souhaitent que les pouvoirs publics relancent l’idée d’une loi prohibant le foulard islamique dans les établissements scolaires.
Leur attitude est cohérente avec cette demande : devant le refus de l’élève d’ôter son foulard, un bandana de couleurs vives parfois déployé sur toute la tête, la plupart des enseignants ont refusé, en décembre 2002, de l’admettre à leurs cours. L’intervention d’Hanifa Cherifi, médiatrice de l’éducation nationale, n’a pas dénoué le conflit, mais a permis la réintégration de la lycéenne. Jusqu’à la grève de jeudi, appuyée par une manifestation devant le rectorat.
Dans le quartier populaire de la Duchère, une cité fermée sur elle-même où est situé le lycée, la gestion des revendications identitaires montantes ne relève certainement pas de slogans simplistes. Les professeurs ont le sentiment que l’acceptation de la jeune fille au bandeau ouvrirait la voie aux intimidations et à la contestation de certaines parties des programmes scolaires, notamment d’histoire par des " mouvements intégristes".
Pourtant, outre que cet amalgame n’est pas étayé par des faits précis, il aboutit à contrevenir à la mise en œuvre des principes établis par la jurisprudence du Conseil d’Etat depuis son premier avis sur la question, en 1989, lors de la première affaire de foulard, dans un collège de Creil.
Que dit la haute juridiction ? Que l’exclusion d’une élève n’est pas justifiée pour le seul motif qu’elle porte un foulard islamique ; mais qu’une telle mesure est légale si le port de ce signe religieux s’accompagne d’actes de prosélytisme ou du refus d’assister à certains cours. Certes, la circulaire Bayrou de 1994 a encouragé de nombreux établissements – dont le lycée La Martinière – à faire figurer dans leur règlement intérieur une disposition prohibant le port des "signes ostentatoires". Mais les principes fixés par le Conseil d’Etat n’en ont pas été modifiés.
Les polémiques répétées avaient amené Jacques Chirac à se prononcer, en 1996, en faveur d’une loi de prohibition du foulard. La constitutionnalité douteuse d’un tel texte et l’apaisement de la querelle ont conduit le chef de l’Etat à ne plus évoquer ce projet, auquel l’actuel ministre de l’éducation, Luc Ferry, et son prédécesseur, Jack Lang, se sont récemment déclarés favorables.
A cette périlleuse fuite en avant juridique, on peut préférer, surtout dans le climat international actuel, la consolidation du délicat équilibre entre le respect des libertés publiques et celui de la laïcité établi par le Conseil d’Etat.
• ARTICLE PARU DANS L’EDITION DU 15.03.03
Ces articles devraient vous intéresser :