Bandana et laïcité...

15 mars 2003 - 00h17 - France - Ecrit par :

LE FAIT, pour une lycéenne, de porter un bandeau dans les cheveux en lui donnant une signification religieuse justifie-t-il une exclusion scolaire ? Huit enseignants sur dix semblent répondre positivement à cette question au lycée La Martinière-Duchère de Lyon : ils n’ont pas assuré leurs cours, jeudi 13 mars, pour protester contre le refus du recteur d’autoriser la tenue d’un conseil de discipline où le cas de la jeune fille, élève de seconde, aurait été examiné.

Leurs revendications sont claires : invoquant le principe de laïcité, ils souhaitent que les pouvoirs publics relancent l’idée d’une loi prohibant le foulard islamique dans les établissements scolaires.

Leur attitude est cohérente avec cette demande : devant le refus de l’élève d’ôter son foulard, un bandana de couleurs vives parfois déployé sur toute la tête, la plupart des enseignants ont refusé, en décembre 2002, de l’admettre à leurs cours. L’intervention d’Hanifa Cherifi, médiatrice de l’éducation nationale, n’a pas dénoué le conflit, mais a permis la réintégration de la lycéenne. Jusqu’à la grève de jeudi, appuyée par une manifestation devant le rectorat.

Dans le quartier populaire de la Duchère, une cité fermée sur elle-même où est situé le lycée, la gestion des revendications identitaires montantes ne relève certainement pas de slogans simplistes. Les professeurs ont le sentiment que l’acceptation de la jeune fille au bandeau ouvrirait la voie aux intimidations et à la contestation de certaines parties des programmes scolaires, notamment d’histoire par des " mouvements intégristes".

Pourtant, outre que cet amalgame n’est pas étayé par des faits précis, il aboutit à contrevenir à la mise en œuvre des principes établis par la jurisprudence du Conseil d’Etat depuis son premier avis sur la question, en 1989, lors de la première affaire de foulard, dans un collège de Creil.

Que dit la haute juridiction ? Que l’exclusion d’une élève n’est pas justifiée pour le seul motif qu’elle porte un foulard islamique ; mais qu’une telle mesure est légale si le port de ce signe religieux s’accompagne d’actes de prosélytisme ou du refus d’assister à certains cours. Certes, la circulaire Bayrou de 1994 a encouragé de nombreux établissements – dont le lycée La Martinière – à faire figurer dans leur règlement intérieur une disposition prohibant le port des "signes ostentatoires". Mais les principes fixés par le Conseil d’Etat n’en ont pas été modifiés.

Les polémiques répétées avaient amené Jacques Chirac à se prononcer, en 1996, en faveur d’une loi de prohibition du foulard. La constitutionnalité douteuse d’un tel texte et l’apaisement de la querelle ont conduit le chef de l’Etat à ne plus évoquer ce projet, auquel l’actuel ministre de l’éducation, Luc Ferry, et son prédécesseur, Jack Lang, se sont récemment déclarés favorables.

A cette périlleuse fuite en avant juridique, on peut préférer, surtout dans le climat international actuel, la consolidation du délicat équilibre entre le respect des libertés publiques et celui de la laïcité établi par le Conseil d’Etat.

• ARTICLE PARU DANS L’EDITION DU 15.03.03

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : France - Religion - Education

Ces articles devraient vous intéresser :

Maroc : les pertes liées à l’annulation de l’Aïd estimées à plusieurs milliards

L’annulation par le roi Mohammed VI du rituel du sacrifice de l’Aïd Al-Adha a fait des heureux mais aussi quelques malheureux.

La date du ramadan 2025 au Maroc est connue

La date du début du mois de ramadan 2025 est désormais connue. Elle vient d’être révélée par les calculs astronomiques.

Zakat Al Fitr : voici le montant à payer en France

Le Conseil Français du culte Musulman (CFCM) vient d’annoncer la date du début du ramadan en France, qui commence le 10 mars 2024. Il vient également de donner le montant de la Zakat Al Fitr que devront payer les musulmans en France.

Aïd el-Fitr 2025 : quelle date au Maroc ?

Les calculs astronomiques prévoient la célébration de l’Aïd Al fitr au Maroc le lundi 31 mars 2025, contrairement à plusieurs pays arabes et européens, mais l’observation de la lune reste pour l’instant l’option privilégiée par les autorités...

Maroc : le ramadan 2025, dans un mois

Le premier jour du mois de Chaâbane de l’année 1446 de l’Hégire correspond au vendredi 31 janvier 2025, a annoncé jeudi le ministère des Habous et des Affaires islamiques dans un communiqué.

Le ramadan commence le lundi 11 mars 2024 en France

C’est officiel : le mois de Ramadan débutera lundi 11 mars 2024 en France, a annoncé le Conseil Français du Culte Musulman (CFCM). Cette date a été déterminée après observation scientifique et calcul astronomique.

Maroc : les discours radicaux dans les mosquées inquiètent

La députée du parti Fédération de la Gauche démocratique, Fatima Tamni, a interpelé le ministre des Habous et des affaires islamiques, Ahmed Toufiq, au sujet de l’exploitation des tribunes des mosquées pour diffuser des discours radicaux contre les...

Ramadan et menstrues : le tabou du jeûne brisé

Chaque Ramadan, la question du jeûne pendant les menstrues revient hanter les femmes musulmanes. La réponse n’est jamais claire, noyée dans un tabou tenace.

En Espagne, l’appel du roi Mohammed VI divise

À Melilla et Ceuta, l’appel du roi Mohammed VI, commandeur des croyants, à ne pas sacrifier de moutons pendant l’Aïd Al-Adha cette année, reçoit un écho favorable mais certaines voix se font entendre.

Le burkini banni dans plusieurs piscines au Maroc

Au Maroc, l’interdiction du port du burkini à la piscine de certains hôtels empêche les femmes musulmanes de profiter pleinement de leurs vacances d’été. La mesure est jugée discriminatoire et considérée comme une violation du droit des femmes de...