Le rapport s’appuie sur les résultats de l’Enquête nationale sur la migration internationale du HCP (2018-2019) pour établir la répartition des niveaux de qualification selon les pays d’accueil. Il y apparaît que 76 % des Marocains installés en Amérique du Nord sont titulaires d’un diplôme de l’enseignement supérieur, contre 48,9 % dans les anciens pays européens d’immigration (France, Belgique, Pays-Bas, Espagne, Italie) et seulement 10,9 % dans les nouveaux pays européens.
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Autrement dit, plus la destination est éloignée, plus les profils sont diplômés. Une nouvelle hiérarchie migratoire s’est imposée : le Canada attire les jeunes diplômés, les États-Unis les profils scientifiques ou techniques, et l’Allemagne capte une part croissante de main-d’œuvre formée au Maroc, notamment dans les domaines de la santé et de l’industrie.
Le CESE note également que 74,1 % des MDM ayant un diplôme supérieur l’ont obtenu au Maroc, ce qui confirme que le pays forme localement des compétences qu’il perd ensuite au profit de pays mieux dotés en structures d’accueil, en reconnaissance professionnelle et en conditions de vie.
Le document insiste sur l’absence de politique publique cohérente pour répondre à cette dynamique. Il rappelle que les dispositifs existants (comme TOKTEN, Maghribcom ou FINCOME) n’ont pas permis une réelle mobilisation des talents. Faute de gouvernance claire, d’évaluation rigoureuse et de coordination institutionnelle, les expériences passées n’ont pas été capitalisées, et leur impact est resté limité.
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Par ailleurs, le rapport souligne le manque de lisibilité des initiatives marocaines à destination de ses compétences à l’étranger. Les obstacles administratifs, le cloisonnement entre ministères, et l’absence d’un répertoire actualisé des experts marocains dans le monde rendent difficile toute stratégie de retour ou même de contribution à distance.
Le CESE recommande plusieurs mesures concrètes :
• Introduire des dispositions spécifiques dans la loi n°63.21 sur l’enseignement supérieur et la recherche scientifique, pour favoriser la participation à distance des experts marocains à l’étranger.
• Créer une plateforme digitale publique de gestion des compétences marocaines à l’international, afin d’établir une passerelle entre les talents de la diaspora et les besoins du marché marocain, notamment dans les métiers en tension.
• S’appuyer sur le partenariat public-privé pour renforcer les outils de mobilisation, d’échange et de valorisation des compétences.
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Face à cette fuite organisée, c’est moins une question d’émigration que de déconnexion institutionnelle qui se pose. Le Maroc forme, mais ne retient pas. Et pour les talents qui s’installent à Berlin, Toronto ou San Francisco, le lien avec le pays se maintient surtout sur un mode affectif, ponctuel, voire symbolique, faute de leviers structurés pour leur permettre de contribuer durablement au développement national.