Des diplômés et des entrepreneurs : la nouvelle génération maghrébine en France

3 septembre 2023 - 07h00 - France - Ecrit par : S.A

Déconstruire les préjugés en mettant avant les réussites de la deuxième génération issue de l’immigration maghrébine, c’est l’objectif du sociologue Arnaud Lacheret, professeur associé à la Skema Business School et spécialiste de la culture arabo-musulmane, qui publie son nouveau livre, les Intégrés.

Si les Maghrébins de la première génération n’ont vraiment pas connu une ascension sociale et économique, ce n’est pas le cas pour leurs enfants. C’est ce que Arnaud Lacheret démontre à travers 50 témoignages que son livre « Les intégrés – Réussites de la deuxième génération de l’immigration nord-africaine » a recueillis. De quoi confirmer les données de l’enquête « Trajectoires et origines » de l’Ined. En 2010, les enfants de parents d’origine marocaine étaient à 31 % titulaires d’un diplôme d’enseignement supérieur, soit juste trois points de moins que la population majoritaire française (l’Ined définit cette population comme les Français métropolitains non immigrés et non enfants d’immigrés ou de ressortissants d’outre-mer), fait savoir L’Express.

À lire : Persistance des discriminations envers les Maghrébins dans les universités françaises (PDF)

Quant à ceux originaires de l’Algérie, le taux était de 20 %. « Le saut générationnel est spectaculaire avec un quasi-rattrapage en une seule génération pour les descendants d’immigrés marocains et tunisiens », souligne le sociologue. Notamment la comparaison, en termes de catégories socio-professionnelles, de l’évolution des enfants des Maghrébins et celle des Italiens ou d’Espagnols. Celle des descendants de l’immigration algérienne, moins diplômée au départ, est similaire à celle des descendants de Portugais. « Sur une génération, la progression est la même entre populations européennes ou extra-européennes », ajoute l’universitaire, montrant par ailleurs que les enfants d’immigrés maghrébins privilégient des études de commerce qui leur permettent de gagner de l’argent rapidement et d’obtenir un poste à responsabilité.

À lire :Le parcours international d’Ahmed Wahbi et de son fils, des pizzaïolos marocains en France

« C’est très cruel pour les politiques de discrimination positive pratiquées en France. On favorise l’accès à Science Po, mais le but de ces jeunes n’est pas d’être fonctionnaire. Ils veulent réussir dans le privé », confie l’ancien chef de cabinet du maire LR de Rilieux-la-Pape (Rhône) de 2014 à 2017. Ces jeunes se tournent également vers les études scientifiques ou techniques, bien plus mises en valeur dans la culture nord-africaine, ce qui leur permet d’échapper partiellement aux discriminations et au favoritisme. Pour preuve, les élèves marocains sont par exemple très nombreux à Polytechnique. Les Intégrés évoque également les différences entre femmes et hommes issus de l’immigration maghrébine. « Souvent, les primo-arrivants reproduisent un schéma rural nord-africain. Les garçons passent en premier, alors que les filles doivent négocier le moindre espace de liberté. Elles se battent sans cesse », observe le sociologue.

À lire : Le parcours d’Ayoub, un jeune Marocain déterminé à réussir en France

Il poursuit : « Mais quand elles rencontrent des difficultés à l’école ou qu’elles affrontent des refus pour leurs stages ou leur premier emploi, ces femmes ont plus l’habitude des obstacles et des frustrations, contrairement aux hommes à qui on a dit oui à tout ». Par conséquent, les hommes se disent plus marqués par les discriminations que les femmes. « De surcroît, les garçons issus de l’immigration maghrébine sont victimes de plus de préjugés. Les hommes arabes sont perçus par la société française comme des conquérants, là où les femmes sont davantage vues comme des faibles victimes qu’il faut aider à émanciper. » L’auteur du livre réfute par ailleurs la tendance des politiques à lier tous les problèmes de l’intégration à l’islam. « Il est faux de lier tous les problèmes de l’intégration à l’islam. Les primo-arrivants venus du Maghreb sont plutôt conservateurs. Mais c’est une culture patriarcale et rurale que l’on retrouve autour de la Méditerranée », estime Arnaud Lacheret, dénonçant les courants qui « ciblent la deuxième génération, et de préférence ceux qui n’arrivent pas à évoluer au-dessus de la condition sociale de leurs parents ».

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : France - Intégration - Islam

Aller plus loin

Persistance des discriminations envers les Maghrébins dans les universités françaises (PDF)

En France, les candidats maghrébins qui souhaitent faire un Master à l’université ont moins de chances que les autres de recevoir une réponse à leur courrier de demande...

Le parcours d’Ayoub, un jeune Marocain déterminé à réussir en France

Arrivé en France en 2021, Ayoub, un jeune Marocain, se bat de jour comme de nuit pour réussir sa vie. Malgré les obstacles qui se dressent sur son chemin, l’espoir ne l’a jamais...

Le parcours international d’Ahmed Wahbi et de son fils, des pizzaïolos marocains en France

En France, Ahmed Wahbi, un homme d’origine marocaine et son fils, Youssef, consacrent leur vie à la pizza. Et leurs efforts quotidiens sont couronnés de succès.

Le parcours impressionnant d’Amine Lecomte-Addani

Lorsqu’il a commencé à jouer en France dans des clubs comme Orgeval, Cormontreuil, La Neuvillette ou encore le Stade de Reims, rien ne prédestinait le gardien de buts...

Ces articles devraient vous intéresser :

Maroc : ils paient les dettes des plus pauvres

De jeunes Marocains, influenceurs, artistes et personnalités sont à l’origine d’une initiative visant à soutenir les familles dans le besoin en cette période de ramadan, mais aussi à les aider à éponger leurs dettes.

Ramadan : point sur la délégation d’accompagnement religieux des MRE

Le nombre de personnes composant la délégation chargée de l’accompagnement religieux des Marocains résidant à l’étranger en ce mois de ramadan est connu.

Tatouage au henné : attention danger

La fin du Ramadan et la période de l’Aïd, pour les jeunes filles, une période propice pour mettre du henné sur les mains. Si certaines mères acceptent que leurs filles appliquent le henné, d’autres préfèrent se passer de cette pratique pour préserver...

Le ramadan commence le lundi 11 mars 2024 en France

C’est officiel : le mois de Ramadan débutera lundi 11 mars 2024 en France, a annoncé le Conseil Français du Culte Musulman (CFCM). Cette date a été déterminée après observation scientifique et calcul astronomique.

Voici la date du début du ramadan en France

Le Conseil Français du culte Musulman (CFCM) a annoncé il y a quelques jours la date du début du mois de ramadan en France, selon des critères adoptés en 2013.

Ramadan et sport : oui, mais sous conditions

Le sport et le jeûne du Ramadan ne sont pas incompatibles. Bien au contraire, une activité physique modérée durant cette période peut s’avérer bénéfique pour la santé. Mais pour profiter pleinement de ses bienfaits et éviter les risques, il est...

Nouhaila Benzina : un hijab par amour

La Marocaine Nouhaila Benzina pourrait être la première footballeuse de l’histoire à jouer avec un hijab, si elle monte sur le terrain lors du match contre la Corée du Sud en Coupe du monde féminine, prévu ce dimanche.

Hôtels au Maroc : la fin du certificat de mariage ne plaît pas à tout le monde

Au Maroc, la levée de l’exigence d’un certificat de mariage dans les hôtels est loin de faire l’unanimité. Alors que certains Marocains ont célébré cette évolution comme une étape vers plus de liberté personnelle et de vie privée, d’autres estiment que...

Aïd al-Adha : ruée de Marocains vers l’Espagne

Alors que de nombreux Marocains résidant à l’étranger (MRE) rentrent au Maroc pour y passer les congés de l’Aïd al-Adha, certaines familles marocaines font le chemin inverse.

Aïd al Adha au Maroc : l’appel à l’annulation monte sur les réseaux sociaux

Alors que certains Marocains appellent à l’annulation de la célébration de l’Aïd al-Adha sur les réseaux sociaux, d’autres tiennent au respect de cette tradition religieuse.