Chambéry Savoie : La littérature marocaine à l’honneur

18 mai 2007 - 01h50 - France - Ecrit par : L.A

"Inch’Allah" est le premier roman de My Seddik Rabbaj, le seul écrit étranger sélectionné par les Savoyards. A sa 20ème édition, du 2 au 5 mai 2007, le Festival s’est intéressé aux premiers romans parus entre novembre 2005 et décembre2006. “Inch’Allah”, premier roman de My Seddik Rabbaj paru aux éditions UBU, gagne l’intérêt des lecteurs de Chambéry, et du coup, se trouve parmi les livres sélectionnés de l’année.

Rabbaj, fils du sud, vit presque une semaine le sentiment de l’éloignement et de la nostalgie étant le seul Arabe à susciter l’intérêt des savoyards. Il a obligé plus d’un restaurateur à lui bricoler des plats sur-le-champ puisque la nourriture préparée pour les festivaliers était à base de jambon ou autre aliment interdit par sa religion.

Rabbaj est le seul, dans le groupe des sélectionnés, digne de porter le label d’écrivain de premier roman. Tous les autres romanciers vivent de leur plume. Elizabeth Brami a écrit près de quatre-vingt livres pour la jeunesse, Jean-Moïse Braitberg a écrit des guides de voyage et des articles sur le vin après avoir été journaliste grand reporter ; Enzo Cormann est l’auteur d’une trentaine de pièces de théâtre, traduit et joué dans de nombreux pays ; Juan Manuel Florensa est metteur en scène et auteur d’une vingtaine de pièces de théâtre ; Louis Carzou est rédacteur en chef à LCI et la liste est longue.

Sauf Rabbaj qui considère l’écriture comme plaisir et non comme profession. Il continue d’enseigner pour gagner sa vie, car dans un pays comme le Maroc, on ne peut jamais rêver de se consacrer à l’écriture. Rabbaj était bien accueilli et a trouvé du plaisir à parler de son livre devant un public qui l’a lu. Il est intervenu dans des lycées, dans un bistrot, dans le centre communal d’action sociale, dans la maison des écritures et dans une galerie. Divers endroits, divers publics, divers horizons d’attente, diverses questions et diverses réponses. L’écrivain marocain se trouve tantôt obligé de faire une spectographie du malheur des pauvres, tantôt obligé de parler de la structure narrative et tantôt obligé d’exprimer en public qu’il est souvent surpris par ses personnages qui entrent dans son existence sans frapper et que, dans la plupart du temps, il sympathise avec eux et trouve souvent des difficultés à s’en débarrasser.

Chambéry, petite ville française de 100 000 habitants, devient, une fois par an, un carrefour de rencontres culturelles. Elle est d’ailleurs le théâtre d’entrevues durant toute l’année. De nombreux lecteurs se trouvent, une fois par semaine, pour discuter de la qualité de certains premiers romans de l’année. Le premier roman, qui d’habitude constitue pour les lecteurs une aventure se terminant souvent par une déception, est un objet chéri, dorloté, mignoté et pris avec le grand soin à Chambéry. Plus de 32 comités de lecteurs dans le bassin chambérien participent au choix des 14 romans de l’année. Près de 340 jeunes des treize établissements scolaires prennent part au vote. Les comités de lecteurs peuvent se rencontrer dans une bibliothèque, un café, un lycée, une maison de quartier ou même dans une prison pour atténuer l’emprise du temps ou dans un hôpital pour alléger les douleurs et faire oublier les souffrances. Les lecteurs qui veulent rester “solitaires” peuvent aussi donner leur avis sur les premiers romans par l’intermédiaire de bandeaux qu’ils trouvent chez les libraires et dans les bibliothèques. Des bénévoles, avec des moyens artisanaux, enregistrent sur CD les romans pour permettre aux non-voyants de s’associer à la sélection. Au total, les auteurs du palmarès annuel sont élus par près de 1500 lecteurs en Rhône-Alpes.

On commence tout d’abord par la lecture de la première sélection qui tombe sur 150 premiers romans sélectionnés parmi quelque 250 à 300 parus chaque année, pour en garder 14 au final. L’idée d’organiser un Festival du premier roman relevait, à son origine, d’un souci d’ordre pédagogique. En 1987, Jacques Charmatz, professeur de français, trouvait que ses élèves étaient plutôt allergiques aux grands classiques. Pour leur donner l’envie de lire, il leur proposait des premiers romans dont les contenus s’inscrivaient dans la contemporanéité des élèves et traitaient de sujets à l’ordre du jour. Comme toute initiative culturelle en Occident, l’idée trouvera des échos dans les milieux du livre, et voilà, le directeur de la bibliothèque municipale qui se chargera de transférer l’événement scolaire des classes pour le placer au cœur de la ville. Dès lors, Chambéry devient un lieu de passage important pour les bonnes plumes francophones. Elles se succèdent les unes aux autres et reviennent toujours comme parrains ou marraines. Les Chambériens ont vu passer Angot, Nothomb, Gaudé, Winckler, Houellebecq, Frégni, Gattégno, Besnier…

Il se trouve que le Festival du premier roman est devenu un événement important pour cette ville qui, pour vivre, se nourrit de passions et de drames qu’on ne trouve que dans les livres. De l’aliment “fiction” se nourrissent également les Savoyards qui ne peuvent plus vivre sans ce Festival. Martine Liochon, présidente de l’association à la veille des dix ans du Festival, dit : “Au sein des comités de lecture, le livre étend sa toile d’araignée. Il nous agrippe voluptueusement et violemment”. Les Chambériens sont convaincus de leur rôle de passeurs. “Je revendique la convivialité. Nous devons garder un rôle de passeurs, de médiateurs entre les auteurs et le grand public”, dit Jérôme Barrelet, président d’une rencontre.

Libération - Rihab Aziz

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