Diaspora : Rêves, meurtrissures, errements

29 juillet 2007 - 02h34 - Maroc - Ecrit par : L.A

Le branle-bas de combat a, une fois encore, retenti. La saison du retour des MRE a démarré. Heureusement que la « machine de guerre » s’est rodée des deux côtés du détroit de Gibraltar pour accueillir les dizaines de milliers de nos compatriotes. De « Marhaba » à « Fincome », la vie continue.

L’été est là. Avec une canicule qui ne fera certainement pas oublier celle qui frappera de plein fouet les bourses des ressortissants marocains à l’étranger qui sont parmi nous. Car la majorité d’entre eux ne dérogent pas à la règle : celle de retrouver les leurs laissés au Bled. Camionnettes chargées à faire craquer les amortisseurs, voitures croulant sous le poids des cadeaux, décapotables rutilantes et grosses cylindrées vrombissant de toute leur puissance fiscale… Les routes marocaines seront surchargées par un trafic incessant. Au même titre, d’ailleurs, que dans le Sud de l’Espagne que parcourent des centaines de milliers de migrants de retour dans le Royaume. Sauf que là-bas, on n’hésite pas à sensibiliser les usagers de la route, le réseau autoroutier affichant les informations sur l’état du trafic… Il y a même des radios spécifiques qui tiennent les voyageurs en alerte. Quant aux chauffeurs les plus futés, ils n’hésitent pas à utiliser les liaisons radio spécifiques qui vont jusqu’à leur signaler la présence ou non des radars. Car le coût des infractions est beaucoup plus élevé qu’au Maroc.

Bien sûr, pour désengorger le port de Tanger et de Nador, principaux points de chute des MRE, au retour comme au départ, il faudra attendre quelque temps encore… Une saison à tout casser avant que Tanger-Med n’entre en fonction. En attendant, c’est le traditionnel spectacle du pare-chocs contre pare-chocs qui défrayera la chronique. Avec ce que cela suppose comme longues files d’attente au contrôle au niveau des services de Police, comme de Douane. Là, les esprits s’échauffent. Surtout lorsqu’on sait que la présence des hôtesses de l’armée arborant le brassard de la Fondation Mohammed V n’arrive toujours pas à dissiper les pratiques honteuses du « bakchich »… Pas de quoi dépayser les MRE qui aspirent à ce que le pays change. A commencer par l’abandon de ces pratiques .

Intérêt grandissant

Bien sûr que l’on est aux petits soins pour les ressortissants de retour dans leur pays. Car c’est grâce à leur concours que l’économie chancelle moins dangereusement. Leurs apports en devises fortes équivalent à celles drainées par le tourisme. Et dépassent celles que génèrent les phosphates. C’est donc d’un gisement qu’il s’agit de prendre soin. Voilà ce qui explique, sans doute, l’initiative louable du reste, qui a permis aux compagnies maritimes nationales de tracer des autoroutes en mer.

Désormais, pour économiser et le temps et de l’argent, les départs se font des ports italiens et français. La syndication avec les opérateurs maritimes espagnols permet plus de fluidité. Y compris d’argent pour les armateurs qui se mobilisent pour cette campagne. Et c’est tant mieux !

Plus, on fait d’une pierre deux coups. Pour assurer la fluidité de la circulation, le réseau autoroutier s’est étoffé. Aujourd’hui, de Tanger à Marrakech on peut « tracer » d’une seule traite. Comme on pouvait le faire, hier encore, de Tanger à Fès, via Rabat. Mais ne vous inquiétez pas, ADM est là et compte bien assurer quant au renforcement de l’armature autoroutière. La rocade méditerranéenne est en chantier. Elle permettra de rallier rapidement le Nord à l’Oriental. Et même à partir de Fès, on pourra d’ici trois ans au plus tard rallier Oujda. Soit au moment même où le chantier d’autoroute reliant Marrakech à Agadir sera achevé. Tout ça est programmé pour le confort de la Diaspora.

Celle qui est courtisée par les banques, les organismes de transfert d’argent et même les opérateurs de téléphonie. L’opérateur historique n’a pas hésité à aller ouvrir à la cotation 4% de son capital à la Bourse de Paris. Son P-DG, A. Ahizoune qui s’est illustré dans la « course de fond », depuis qu’il est à la tête de la Fédération de l’athlétisme, n’hésite plus à « mouiller le maillot », comme le lui conseillent ses « amis » pour faire plus de beurre avec les MRE.

Mais ces acteurs ne sont pas les seuls à courtiser les promoteurs de la richesse marocaine. Tenez, le ministère du Tourisme, par exemple, leur offre des « package » sur mesure. De quoi faire doper les chiffres relatifs à la bonne santé de la destination Maroc. Tout le monde le fait, alors… Cela sans occulter, bien sûr, l’autre dimension de l’investissement dans le dur. Au-delà des salons spécialisés que l’on organise ailleurs pour appâter ceux qui peuvent l’être, l’immobilier connaît une surchauffe particulière en période estivale. Tant mieux pour les promoteurs et autres spéculateurs.

Mais cette année sera dure pour nos MRE. Car non seulement ils doivent distribuer les cadeaux aux proches et amis, mais ils seront obligés de prendre en charge des villages entiers frappés de plein fouet par la sécheresse. Les 14 milliards débloqués par le ministère de l’Agriculture ne pèseront pas lourd face à ce qui sera injecté par les MRE. Une question de survie… Teintée, il est vrai, d’une solidarité agissante.

Face cachée

Bien sûr, l’Etat ne fait que compter ce qui tombe dans l’escarcelle. Sans se demander à quel prix les transferts sont opérés. Bien sûr qu’il y a des MRE qui ont réussi dans les pays d’accueil. Et ils ont usé, pour la plupart, les bancs de l’école marocaine. Il y a aussi ceux que les liens du sol et du sang ne leur ont faits pas perdre la tête et ne se détournent pas de leurs origines. Mais il y a aussi ceux qui ont enduré les affres de la clandestinité avant leur régularisation. Et ceux qui attendent de bénéficier d’une campagne de régularisation qui se déclare ici ou là, dans l’espace Schengen. Ceux-là endurent une situation psychique des plus alarmantes. Et c’est la raison pour laquelle ils représentent des proies faciles pour les recruteurs de la nébuleuse terroriste islamiste active dans le Vieux Continent. Nul besoin de rappeler, à ce sujet, le nombre de Marocains qui croulent dans les prisons européennes pour trafics en tout genres. Une amère réalité qui nourrit les relents de la xénophobie et du racisme. Qui persiste à détruire les ponts jetés de l’altérité. Et qui fait basculer une bonne partie de la diaspora dans les bras du repli identitaire. Ce que l’on perçoit, de plus en plus, à travers la vague de femmes voilées qui débarquent aux différents check point de l’espace marocain. Et de barbus qui ont troqué leurs traditions au profit de la vague afghane qui sévit un peu partout dans l’espace musulman.

D’ailleurs, nul besoin de rappeler, à ce niveau-là, les procès pour terrorisme dans lesquels sont impliquées des dizaines et des dizaines de Marocains. C’est de ce danger-là qu’il s’agira de se méfier à l’heure où la gestion du phénomène migratoire par les politiques pèche par plusieurs défauts. Déracinés, largués et peu enclins à une démarche intégrationniste dans les pays d’accueil, les MRE endurent un vide. Un vague à l’âme que ni l’Opération « Marhaba » ni l’appel « Fincome » ne sauraient émousser. Pourtant, l’avenir restera marqué, dans l’espace méditerranéen, par des vagues migratoires successives. L’essor économique et le déclin démographique de l’Europe expliquent amplement ce phénomène.

A charge pour les officiels marocains de savoir tirer profit de cette projection stratégique. En influant sur les termes de l’équation migratoire afin qu’ils ne soient dévoyés ni par les dérives électorales ni par la poussée de fièvre obscurantiste. L’affaire est complexe. Car il s’agit de la gestion d’hommes et de femmes, un capital humain qui mérite un autre sort que celui du marchandage. Le succès des rencontres entre sécuritaires des pays des deux rives de la Méditerranée doit motiver l’éclosion d’une autre politique migratoire plus humaine. Est-ce trop demander ?

Perspectives - A. Ben Driss

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Sujets associés : Politique économique - Opération Marhaba - MRE

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