Une délégation du parti Les Républicains, menée par Éric Ciotti, a annoncé sa visite au Maroc du 3 au 5 mai prochains dans le but de poursuivre « une relation de fraternité et de responsabilité » avec le royaume.
Les élections du 27 septembre 2002 ont largement donné les résultats escomptés compte tenu de l’engagement pris par S.M. le Roi à ce qu’elles soient transparentes, honnêtes et crédibles.
La carte politique sortie des urnes offre le poids réel des forces politiques et l’on peut valablement mesurer les données intrinsèques du champ politique sur cette base. D’abord, il y a levée des ambiguïtés sur ce qui a caractérisé l’immédiat après élections sur la nomination d’un Premier ministre.
La lecture exégétique de l’article 24 de la Constitution de 1996 ne pose aucune condition au choix Royal. La nomination de M. Driss Jettou, n’appartenant à aucune formation politique, ne revêt aucun caractère exceptionnel par rapport à une pratique continue de la Constitution marocaine. Elle met un terme donc à la perception qui considère comme un précédent l’option de 1998 qui aurait créé un lien de causalité entre majorité politique (arithmétique) et nomination du Premier ministre. Ensuite, il y a également une profonde continuité lorsqu’on approche la vie politique marocaine à partir de la vision Royale.
Le discours Royal prononcé à l’ouverture de la septième législature, selon les dispositions de la septième législature, selon les dispositions de l’article 40 de la Constitution, montre bien la portée de la phase actuelle et de ce qu’elle exige comme priorités structurantes à tous points de vue.
Les élections dernières ont été certes considérées comme un acquis qui motive la fierté mais elles instaurent un moment de clarification et du parler vrai. Les quatre priorités fixées par le Souverain dressent un programme-cadre qui capitalise les acquis mais les actualise au nom du progrès, la mobilisation de tous étant un impératif catégorique.
Comment peut-on évaluer, à partir des postulats du discours Royal, ces quatre priorités cardinales de l’emploi, du développement économique, de la formation et du logement sachant bien que chacune a été respectivement effectuée d’un qualificatif significatif : productif, économique, utile et décent.
Il y a la une logique soutenue dont il importe de percevoir les composantes et implications purement techniques d’une part et d’autre part les impératifs d’ordre politique et culturel.
Les quatre priorités peuvent être interprétées comme une summa divisio du bilan dressé de l’étape précédente pour des prévisions plus palpables.
L’évaluation la plus logique est que les quatre priorités renforcent l’idée d’un programme davantage technique en termes d’obligation de résultats. Elle nécessite une sérieuse mobilisation gouvernementale en hommes-ressources dans la mesure où les priorités sont impérieuses au regard de la demande sociale. Cela doit affecter la nature des entités ministérielles amenées à veiller sur ce programme clarifié.
Si l’emploi est la priorité des priorités en tant que « premier souci de la famille marocaine », il est conditionné par l’aménagement des autres priorités.
La vision Royale se fonde sur une mobilisation de tous les agents dans un élan de solidarité en vue d’un développement économique accusé pour réaliser l’emploi productif. Toutes les mesures qui ont été prises jusque là au profit de l’investissement doivent être activées. L’on pense alors aux centres régionaux des investissements (CRI), et la politique administrative déconcentrée mise en place depuis quelque mois, en tant que nœud gordien du développement économique territorial. L’impératif en la matière est la cohésion des organes gouvernementaux et leurs prolongements territoriaux. Il est par conséquent plus technique et mois politique si l’efficacité et l’efficience des projets économiques doivent être atteintes.
La recherche d’un « Maroc... grand chantier de production, générateur de richesse » passe nécessairement par l’œuvre de continuité et de détermination à « démanteler les entraves » relatives à « l’investissement, oui l’investissement, toujours l’investissement ». Il faut donner à cette triple évocation de l’investissement par S.M. le Roi ce qu’elle signifie dans la rhétorique de la langue arabe : une ferme résolution.
Il est tout aussi clair dans l’approche Royale que l’investissement ne signifie pas seulement les moyens financiers générateurs de projets. La problématique de l’éducation et de la formation doit être perçue en termes de savoir pratique dans la mesure où le savoir technologique, c’est-à-dire appliqué à la production, conditionne le système productif. L’emploi doit être donc envisagé comme un facteur humain adéquat au profit d’une entreprise dont les facteurs de production répondent à un marché compétitif à partir de l’exigence de mise à niveau internationale.
C’est pour cela que emploi productif, développement économique soutenu et réforme de l’éducation et de la formation sont intimement liés et conditionnés par la « bonne gouvernance ». Les Etats dits émergents quels que soient les crises qui les traversent - ont testé la centralité d’un enseignement généralisé mais dispensant un savoir pratique (Singapour, Malaisie, etc.)
La priorité du « logement décent » répond aussi bien aux préoccupations d’un secteur économique qu’à une urgence sociale pour enrayer les marges productrices des frustrations et des incertitudes.
On est donc face à des urgences dont les chantiers ont été diagnostiqués et dont la mise en œuvre nécessite une mobilisation de tous, « une solidarité sociale effective et agissante, fondée sur un partenariat entre les autorités publiques, les collectivités locales, le secteur privé et le tissu associatif » selon les termes mêmes du Souverain.
Le second volet de l’évaluation des priorités repose sur des impératifs politiques et culturels voies éthiques. Il est centré sur une perception démocratique qui « n’est pas une fin en soi mais plutôt un instrument pour favoriser la participation populaire à la gestion de la chose publique, et pour susciter une mobilisation pour le développement ».
S’adressant donc au Parlement après que la Chambre des représentants vient d’être renouvelée, la fonction de la loi est rappelée d’une manière édifiante : elle doit aider à venir « à bout des entraves structurelles » que sont l’analphabétisme et la pauvreté.
Cette fonction législative passe par le renforcement du rôle des partis politiques et par la moralisation de la vie publique. Ce qui est un constat primordial en faveur d’un gouvernement fort.
On ne peut éluder que la campagne électorale ait donné aux partis l’occasion d’écouter le Maroc profond et d’imposer aux élus la fonction d’intermédiation et de proximité qui doit désormais être une constante dans leurs tâches.
La « mission de relais » ainsi définie par le Souverain est d’un apport considérable dans l’approche réelle de la représentation politique et de la portée du mandat législatif au sein de la Chambre élue au suffrage universel.
Autre trait crucial est celui qui doit caractériser « l’opposition constructive d’agir comme force de proposition et de se faire l’écho des aspirations sociales, de façon réaliste et rationnelle. Elle se doit, dans la pratique parlementaire, de faire preuve d’imagination et d’innovation et de s’écarter des surenchères puériles et des controverses stériles... ».
Tout ce passage du discours Royal du 11 octobre est capital car il est à la fois évaluation de la législature écoulée et surtout indication impérieuse pour l’avenir afin de mettre l’institution parlementaire sur le créneau de la production normative qualitative. C’est ainsi que des projets de loi ont été indiqués dont la loi organique sur la grève (article 14) n’est jamais venue pour en préciser ni les formes ni les conditions de son exercice depuis 1962.
Le discours d’ouverture de la nouvelle législature contient, au fond de la lettre et de l’esprit du texte, toutes les orientations structurantes du développement dans ces deux acceptions : politique et économique. Il est mû par l’éthique de responsabilité qui doit guider les différentes fonctions au sein de l’Etat au profit de la chose publique dont la culture doit être celle de la solidarité entre « toutes les composantes sociales » préservant les droits fondamentaux et la dignité du citoyen.
Abdelaziz Jazouli Pour lematin.ma
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