Exorcisme :« Ils voient des démons partout ! »

21 décembre 2005 - 09h18 - Belgique - Ecrit par : Bladi.net

C’est le 26 janvier prochain que la famille de Latifa Hachmi, morte au cours d’une séance d’exorcisme à Schaerbeek au mois d’août 2004, sera fixée sur le sort de ses bourreaux.

Ces derniers ne sont pas poursuivis pour meurtre devant les assises mais devant le tribunal correctionnel pour coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner et non-assistance à personne en danger. Ils seront cinq à comparaître, dont le mari de Latifa.

Fouad, son frère, n’en peut plus de vivre avec cette terrible histoire au quotidien.

Elle l’obsède, elle le mine et c’est compréhensible. « Dans cette histoire, on a été berné depuis le début. On nous a d’abord fait croire que c’était un accident. Ce n’est que quand on est revenu du Maroc après l’enterrement qu’on a appris ce qui s’était passé réellement. Ensuite, notre avocat n’a rien fait dans le dossier. On n’a jamais été entendu au cours de l’instruction », explique Fouad qui regrette que cette affaire ne soit pas traitée devant une cour d’assises. « Pour moi, c’est un meurtre ! »

« C’est comme une secte »

Et pourtant, Fouad et sa famille en avaient des choses à dire sur l’environnement et les personnes qui gravitaient autour de Latifa. « C’est une asbl où les musulmans peuvent se rencontrer, discuter, échanger », explique Fouad.

Une asbl comme il en existe des dizaines dans Bruxelles. Sauf que celle-ci est particulière. « C’est carrément une secte et Aznagui en est le gourou. Ce type est dangereux », indique Fouad. « C’est l’instigateur de la séance d’exorcisme dans laquelle Latifa est morte. Il n’était pas là mais ce sont ses idées qui ont mené à ça. C’est un Belge converti qui a organisé ces atrocités », poursuit-il.

« Ils ont détourné l’Islam qui est une religion de paix et de tolérance et ils empoisonnent la tête des gens. Aznagui va même jusqu’à dire dans des mariages qu’il ne faut pas s’habiller comme les mécréants avec un costume et une cravate. C’est un véritable intégriste. Pour lui, ce sont les démons qui sont responsables de tout. Vous êtes fainéant parce que vous ne savez pas vous lever le matin ? Eh bien, c’est la faute d’un démon... »

Le démon de Latifa l’empêchait d’avoir des enfants. C’est pour le chasser que cette séance d’exorcisme a été menée. « Quand bien même on y croit, peu importe. Je respecte ces croyances. Mais ça ne leur donne pas le droit d’infliger de tels sévices à quelqu’un. De tuer une personne ».

Latifa a reçu des centaines de coups de bâton. On la forçait à boire et ensuite, on la faisait vomir en lui mettant si nécessaire les doigts dans la bouche. Ensuite, on lui plongeait de force la tête sous l’eau. Latifa n’a pas survécu. Le crime a été maquillé en accident.

Un an et demi après les faits, toutes les personnes présentes sont en liberté.

Au procès, Aznagui, celui qui s’est proclamé Cheikh mais qui n’en a pourtant pas les qualifications selon Fouad, s’est dit en paix avec sa conscience tandis que son acolyte Xavier, celui qui a pratiqué cet exorcisme fatal, lui, se dit prêt à recommencer s’il le faut.

Rien n’a changé et c’est bien ce qui inquiète Fouad. « Des gens, des femmes, des enfants écoutent ce type. Mais ce qu’il prêche, ce n’est pas l’Islam ».

« Est-ce qu’il faudra un autre drame pour que l’on réagisse ? », interroge Fouad qui s’insurge contre le fait qu’aucune instance musulmane officielle ne se soit manifestée lors du décès de sa soeur.

Michaël Kaibeck - La Dernière Heure

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : Belgique - Faits divers - Droits et Justice

Aller plus loin

Maroc : 20 ans de prison pour un exorcisme ayant entraîné la mort

Une peine de 20 ans de prison a été requise au tribunal de Meknès à l’encontre de deux femmes accusées d’avoir tué leur soeur durant une séance d’exorcisme. La même...

Pays-bas : un enfant Marocain victime d’exorcisme

Des peines allant jusqu’à 5 ans de prison viennent d’être requises par un tribunal aux Pays-Bas à l’encontre d’une femme et d’un couple de Marocains accusés d’avoir fait...

Ces articles devraient vous intéresser :

Maroc : un magistrat sévèrement sanctionné

Le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire vient d’ordonner la révocation d’un juge exerçant dans un tribunal de première instance, condamné pour corruption. Le magistrat a été pris en flagrant délit, alors qu’il recevait la somme de 500 dirhams de la...

Poupette Kenza : compte Instagram désactivé après des propos « antisémites »

L’influenceuse aux plus d’un million d’abonnés sur Instagram, Poupette Kenza, se retrouve au cœur d’une vive controverse après avoir tenu des propos jugés antisémites. Dans une story publiée le 15 mai 2024, elle affirmait sans équivoque son soutien à...

Vers une révolution des droits des femmes au Maroc ?

Le gouvernement marocain s’apprête à modifier le Code de la famille ou Moudawana pour promouvoir une égalité entre l’homme et la femme et davantage garantir les droits des femmes et des enfants.

La chanson « Enty » de Sâad Lamjarred devant la justice

Le compositeur Mohamed Rifai a assigné DJ Van en justice à cause de la chanson « Enty » interprétée par Saad Lamjarred en 2014.

Des Marocains célèbrent la fin des accords de pêche avec l’Europe

Sur Facebook, de nombreux internautes marocains et des spécialistes des relations maroco-européennes affichent leur satisfaction après la décision de la Cour de justice annulant les accords de pêche entre l’Union européenne (UE) et le Maroc.

Maroc : Vague d’enquêtes sur des parlementaires pour des crimes financiers

Une vingtaine de parlementaires marocains sont dans le collimateur de la justice. Ils sont poursuivis pour faux et usage de faux, abus de pouvoir, dilapidation et détournement de fonds publics.

Maroc : Une vague de racisme contre les mariages mixtes ?

Des activistes marocains se sont insurgés ces derniers jours sur les réseaux sociaux contre le fait que de plus en plus de femmes marocaines se marient avec des personnes originaires des pays d’Afrique subsaharienne. Les défenseurs des droits humains...

Sentiment d’insécurité au Maroc : un écart avec les statistiques officielles ?

Au Maroc, la criminalité sous toutes ses formes est maitrisée, assure le ministère de l’Intérieur dans un récent rapport.

Corruption au Maroc : des élus et entrepreneurs devant la justice

Au Maroc, plusieurs députés et élus locaux sont poursuivis devant la justice pour les infractions présumées de corruption et d’abus de pouvoir.

Les cafés et restaurants menacés de poursuites judiciaires

Face au refus de nombreux propriétaires de cafés et restaurants de payer les droits d’auteur pour l’exploitation d’œuvres littéraires et artistiques, l’association professionnelle entend saisir la justice.