Les mamans des bidonvilles ou vivre la précarité au quotidien

2 février 2008 - 14h52 - Maroc - Ecrit par : L.A

« Dans les quartiers populaires, il n’y a que la solidarité populaire. » Membre du Samu social de Casablanca dont les maraudes sillonnent la ville, Souad Ettaoussi sait ce qu’il en coûte d’être une mère dans un bidonville au Maroc. Qu’elles soient chefs de famille (un peu moins de 20 % d’entre elles sont veuves ou divorcées) ou non, ces mamans défavorisées se retrouvent le plus souvent à faire de longues journées de travail saisonnier. Elles sont vendeuses au souk, ouvrières, artisanes ou domestiques, avec des revenus bien moindres que les déjà bien maigres 700 dirhams (60 €) mensuels gagnés en moyenne par les foyers des bidonvilles.

Ces travailleuses suivent en majorité la tendance à la baisse de la natalité dans l’ensemble du royaume (environ 2,5 enfants par femme). Mais près d’un tiers d’entre elles ont tout de même de cinq à sept enfants. Malgré un taux de scolarisation de leurs enfants assez élevé, proche de la moyenne nationale, le casse-tête demeure pour elles la garde des plus petits.

« Les crèches publiques sont quasi inexistantes, hormis certaines crèches communales ouvertes quelques heures par jour, ce qui fait des horaires ingérables pour ces mères », explique Souad. Quelques associations éparses, comme la Ligue pour la protection de l’enfance, tentent toutefois de pallier ce vide. L’aide des voisins et de la famille élargie se révèle un recours naturel et traditionnel.

Près des deux tiers des mères sont analphabètes

Il est plus difficile, en revanche, de remédier à la précarité sanitaire de ces mamans. « Régulièrement, je rencontre des femmes enceintes et des mères qui n’ont jamais vu de médecin », s’alarme Souad. Théoriquement, pourtant, l’accès aux soins dans les bidonvilles est possible. « Dans chaque quartier, il existe un centre de santé, et un autre de planification familiale », explique ce membre d’une association d’aide aux mères célibataires. Ces centres sont ouverts au rythme d’une consultation gratuite par semaine. Les consultations sont assurées par un généraliste qui prescrit des médicaments ou des rendez-vous chez les spécialistes en hôpitaux. Les habitants y renoncent d’ordinaire, car c’est en général trop cher.

De plus, dans ces quartiers, près des deux tiers des mères viennent de la campagne et sont analphabètes. « Même si nombre d’entre elles ont une contraception, elles l’utilisent mal et n’ont pas de suivi. En revanche, une grande majorité a tendance à se ruer chez un guérisseur, ou un marabout. »

Cette culture est tenace. Elle fait des ravages en termes de mortalité maternelle et infantile, surtout en milieu rural, mais encore plus dans les quartiers pauvres. À l’échelle du Maroc, près de 60 % des naissances ne sont pas assistées médicalement mais par des qablat (accoucheuses), et 227 femmes meurent en couches pour 100 000 naissances. Toujours au niveau national, 40 bébés sur 1 000 meurent avant l’âge d’un an.

C’est également vers des « faiseuses d’anges » que des femmes ou mères démunies vont se tourner pour un avortement (triplement interdit au Maroc par la religion, la loi et la société). Les risques de séquelles sont extrêmement graves, quand il n’y a pas décès. Selon une étude menée dans une association d’aide aux mères célibataires à Casablanca, qui reçoit plusieurs centaines d’entre elles par an (venues des campagnes et quartiers pauvres), les trois quarts des pensionnaires ont reconnu avoir précédemment essayé d’avorter pour échapper à l’opprobre social.

La Croix - Cerise Maréchaud

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