À 39 ans, le chanteur marocain Abdelhafid Douzi pourrait rapidement tirer un trait sur sa carrière musicale. Il a par ailleurs annoncé qu’il se retirait du jury de l’émission « Star Light », dédiée à la découverte de talents musicaux.
Le quatrième album de la bande casablancaise est son meilleur. Comme le troisième. Comme le deuxième. Chronique. Amis rockers, pas d’inquiétude. Réda Allali et ses boys n’ont pas trahi. Le quatrième bébé (famille nombreuse, veinards !) s’appelle El Gouddam, et ce n’est pas parce que c’est joli. Hoba va El Gouddam, toujours de l’avant, le groupe s’enfonce sur le chemin du rock. D’autres s’embourgeoisent, enfilent des pantoufles, atterrissent dans la variété. Hoba fait comme Hoba : du rock 100% marocain, mélange de tous les mélanges, chaâbi, allaoui, punk, un peu gnaoui, un peu big rock, parfois raï, cocktail de violon, de riffs et de grosse caisse. Ça glisse et ça roule, comme sur une autoroute sans péage. Cela fait rock !
Comme Trabando, El Gouddam démarre sur une sorte de flash d’infos.
Les nouvelles du front. “Il se passe quelque chose”, chante Allali en darija après le jingle de la RTM, version seventies. Comment cela s’appelle ? Radio Hoba. Oui, comme le This is radio Clash du plus grand groupe de rock non musulman. Hoba aime The Clash, c’est sûr. Dans les afters, entre amis, quand les yeux sont à moitié clos, les boys de Casa chantonnent timidement, un peu à la dérobée, Guns of Brixton. Là, pour la prochaine tournée El Gouddam, Hoba, comme nous l’a confirmé Allali, reprend pour de bon London calling, le grand classique des Clash. S’il vous plaît.
Stati en guest
Sinon, Réda Allali reprend le concept de F’hamator sur Hyati, et slamme, slamme. Tout le temps. Parfois, il hurle. Comme sur l’excellent Wakel chareb na3ess, en tandem avec le maître de la kamanja, Mister Stati himself. Joli croisement entre le rebelle d’Anfa et le moustachu à six doigts, qui tient son violon comme un nourrisson s’accroche à son biberon. On improvise, le reste est une question de vie ou de mort. Enfin, un peu. Allali explique : “Stati est venu, a joué sa musique, et quand on a écouté le résultat, c’était tellement bon que l’on a dû abréger des parties de guitare pour insérer du Stati, encore et encore”.
Jdoudna kanou S’hah ressemble à un manifeste. Nos grands-pères étaient forts, forts. C’est du moins ce qu’on nous a toujours chanté, à la télévision, à l’école, partout. Mais peut-être, oui, peut-être, que ces braves hommes n’étaient pas si forts. Avec des guitares Wah-Wah pour digérer, ça passe. Merci.
60% est un mid-tempo qui sonne comme du Zebda marocain. Il y a pire comme référence, non ? Mais ce n’est rien à côté du morceau suivant, Rabiâa. La chanson aurait dû s’appeler Mourad, du nom de son héros, 30 ans (de réflexion). C’est un scénario, une petite histoire, une tranche de vie écrite et chantée à la manière de Bruce Springsteen, anti-héros du New Jersey. Avec les guitares cristallines et l’harmonica en coin, période Nebraska et The River. L’une des meilleures plages du disque, assurément.
Le sept s’intitule Femme actuelle, c’est du Raïna Raï mâtiné de Khaled. Mais estampillé Hoba, hein. C’est Othmane qui chante, Allali fait son intéressant sur les chœurs, le morceau, textes et musique, est rafraîchissant comme un bonjour sans coup de klaxon pour polluer l’atmosphère.
La suite, Arnaque mondiale, commence par une ligne de dialogue sortie du Bon, la brute et le truand, le chef-d’oeuvre spaghetti de Sergio Leone avec Clint Eastwood dans le rôle du (pas si) bon. Parfaitement. “Le monde se divise en deux : ceux qui ont un pistolet chargé et ceux qui creusent”, dixit Eastwood. Manière de nous introduire à cette arnaque intellectuelle de l’axe du mal. L’Amérique ? Non, juste des individus plus ou moins en guerre contre les autres. Manichéen, réaliste.
Pour les retardataires, il y a toujours moyen de prendre le train à partir du 9ème titre, El Gouddam, pas le meilleur, simplement un bolide lâché sur la route. Mais bon, rappelons-le, c’est du rock. Déjà ça. Sinon, si vous restez sur votre faim, il y a le dixième et dernier sur la liste : Spoutnik. Radio Hoba déboulait sur un flash d’infos, Spoutnik est bercé par une bande-annonce droit sortie d’un Boeing… modèle seventies. Oui, encore. Voilà. Dix morceaux, dix réussites. Chacun choisit ses plages préférées, l’affaire est entendue. Sinon, les adeptes du piratage sur le Net n’ont qu’à aller sur le site wassprod.com pour télécharger tranquillement l’album, sans s’épuiser à pomper toutes les arrivées des logiciels de peer-to-peer. “La sortie physique de l’album est pour mai. En attendant, servez-vous sur la Toile, c’est gratuit”, annonce Réda Allali. Merci pour tout.
Source : TelQuel - Karim Boukhari
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