L’Islam, les banlieues et la République

10 octobre 2011 - 18h00 - France - Ecrit par : Jalil Laaboudi

Vingt cinq ans après l’enquête qu’il avait réalisée sur l’Islam en France, intitulée "Les banlieues de l’islam", le politologue Gilles Kepel, qui pensait que le référent religieux des musulmans allait se diluer avec la deuxième génération d’immigrés, s’étonne du renforcement et de la diversification de l’Islam des banlieues, qui s’y est "développé en l’absence de la République".

Dans l’enquête "Banlieue de la République", menée à Clichy et à Montfermeil pour le compte de l’Institut Montaigne, six ans après les émeutes de 2005, le politologue français raconte le destin fascinant de ces banlieues, où l’on assiste à l’émergence d’une jeune classe politique assumant son identité républicaine, démocrate, voire musulmane.

Gilles Kepel ressort plutôt optimiste de sa plongée à Clichy et Montfermeil. Même si ces deux villes de 60.000 habitants forment toujours une société "fragile, fragmentée et déstructurée", elles "recèlent un très grand potentiel pour le pays tout entier" et constituent "le défi du prochain président de la République".

L’identité musulmane, devenue une "compensation au sentiment d’indignité sociale, politique et économique" des habitants de ces banlieues, où les réussites individuelles sont rares, apparaît par exemple à travers "l’extraordinaire développement du halal", un "marqueur de l’identité extrêmement fort qui traduit la place de l’éthique religieuse dans les comportements".

"La revendication identitaire des Musulmans est une manière de demander son intégration dans la société, pas forcément de rompre avec elle" explique encore Gilles Kepel au Monde.

L’enquête menée par Gilles Kepel et cinq autres chercheurs reflète "une prise de conscience locale" sur le fait qu’une partie de l’électorat est désormais musulmane. Les élites locales issues de la diversité veulent "peser dans le débat politique" et sont aujourd’hui "au cœur de la transformation sociale du pays".

Les prochaines élections municipales et législatives connaîtront probablement l’émergence de candidats d’origine africaine ou maghrébine, alors qu’au niveau national l’on assiste plutôt à une tentative de création d’un vote antimusulman, d’après le politologue.

La laïcité peu présente dans le vécu quotidien de ces cités, est perçue par ces communautés comme une norme extérieure, une contrainte acceptée mais respectée. Sa refondation apparaît aux yeux du politologue français comme "un enjeu politique majeur pour la réussite de l’intégration sociale".

Aujourd’hui, malgré l’effort impressionnant en matière de "rénovation urbaine entrepris dans ces banlieues, le sentiment dominant reste celui d’une relégation", constate Kepel. Pour que la jeunesse des banlieues puisse s’en sortir, l’éducation dès la petite enfance apparaît comme l’unique solution, sinon les efforts de l’Etat n’auront servi à rien du tout.

Pour Xavier Lemoine, Maire de Montfermeil interviewé par Atlantico, le fait de soutenir la thèse de Gilles Kepel, serait se tromper sur la nature exacte de l’Islam, qui est "plus qu’une religion, un système politico-religieux ayant pour prétention de réguler l’intégralité de la vie publique et privée de ceux qui appartiennent à sa communauté", dont les revendications ont tendance à croître très rapidement en fonction de son poids démographique.

La République n’a pas failli dans ces quartiers, estime Xavier Lemoine, qui reconnaît des dysfonctionnements, mais estime que "l’enjeu dans ces banlieues est en réalité d’ordre culturel, voire cultuel" et se "traduit par un rapport de force avec les pouvoirs publics de plus en plus difficile à contenir".

"L’Islam dans la culture française prend aujourd’hui toute sa place" explique à son tour Malek Boutih, secrétaire du Parti socialiste en charge des questions de société, à Atlantico. Pour lui "la réislamisation des populations issues de l’immigration est plutôt un marqueur de l’intégration et la montée de l’Islam n’est pas symptomatique de la crise des banlieues".

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