L’arnaque des demandeurs de visa

Ras-le-bol du manque de respect pour la dignité humaine, des centaines de demandeurs de visa se sont accrochés, mardi, aux portes du consulat général d’Italie, refusant de quitter les lieux avant de régler leurs dossiers. En effet, la majorité des personnes pensent que la situation des files d’attente devant le consulat d’Italie est de plus en plus dégradante.

"Nous faisons la queue, comme des moutons, pendant plusieurs nuits en vain", affirme cette femme qui veut rejoindre son mari à Rome. "Les services consulaires se moquent de nous. Ils convoquent un grand nombre de personnes qu’ils ne peuvent gérer", ajoute Haj Mohamed qui monte la garde depuis deux jours devant le consulat.

Plus de 700 personnes se rassemblent quotidiennement devant les portes du consulat général d’Italie à Casablanca pour déposer leurs dossiers ou légaliser des documents. Seulement, l’attente peut durer jusqu’à cinq à six mois avant d’obtenir un nouveau rendez-vous. En hiver comme en été, les demandeurs de visa pour l’Italie sont toujours en attente. Ils font désormais partie des enseignes de la rue Hassan Souktani. " Cette situation est dégradante.[...]

Peut-être que cette situation chaotique arrange M. le Consul, comme l’annonce ce jeune homme, dont le contrat de travail va prendre fin avant qu’il ne franchisse le seuil du consulat. En effet, certaines personnes font de ce chaos une manne intarissable d’argent.

" Chacun joue sa propre carte pour se faire du beurre ", affirme ce Mellali qui a perdu plus de 10.000 DH pour légaliser des documents administratifs. Et d’ajouter que l’immigration clandestine est moins chère et plus humaine que cette situation abaissante. Ainsi, un dossier qui coûte normalement 350 DH peut atteindre jusqu’à 12.000 DH.

Les révoltés ont confirmé à l’unanimité qu’un réseau, composé de policiers, traducteurs et fonctionnaires du consulat, ne fait entrer que les personnes qui paient. " Pour accéder aux services consulaires, il faut que tu débourses entre 1.600 et 7.000 DH ", nous confie cette jeune femme. Les tarifs varient selon les services, rétorque sa voisine sur un trottoir en face du consulat. Et les femmes pressées de rejoindre leurs maris sont des vraies vaches à traire pour cette mafia de visa.

Ici, le temps et la patience se monnaient. Chaque service a son prix, à partir de la place dans la file d’attente, qui coûte 100 DH, jusqu’à l’obtention du visa. Les manifestants ont également dénoncé le comportement des employés au sein du consulat. " On nous traite avec une telle supériorité, comme si nous étions des mendiants ", explique ce vieil homme. " Il ne suffit pas qu’ils ont égaré mon dossier mais en plus, on me l’annonce avec agressivité ", ajoute-t-il. Il paraît que pour certains pays européens, à partir du moment où on devient demandeur de visa, on passe au rang des sous-hommes.

Des témoins nous ont aussi rapporté que les citoyens se font extorquer des bijoux et de l’argent dans la rue du consulat. " Lundi dernier, des jeunes ont rattrapé un cambrioleur qui a volé 12.000 DH à une femme devant la porte du consulat ", ont affirmé des habitués de la rue Hassan Souktani.

D’un autre côté, les voisins du consulat se plaignent du bruit et du désordre permanents. "Il est impossible de dormir ou de se reposer avec les cris de ces gens qui se regroupent jour et nuit", nous révèle une vieille dame qui habite dans la rue Kassem Amine.

Et d’ajouter que même les étudiants et automobilistes ont du mal à se frayer un chemin au sein de cette foule. La situation des demandeurs de visa pour l’Italie devient, en effet, désagréable pour tout le monde. Face à ce constat, la police ne peut qu’essayer de disperser les gens alors que le consul s’abstient de toute déclaration. " M. le consul vous affirme qu’il n’a pas l’autorisation de donner des déclarations à ce sujet.

Il faut juste savoir que c’est le seul consulat d’Italie qui existe au Maroc", nous a fait savoir la responsable de communication du consulat. Est-ce vraiment une raison pour autoriser un tel chaos et une telle dégradation humaine ?

Nadia Ouiddar - L Matin