Call centers : 30.000 emplois et 3 MDH de chiffre d’affaires

7 novembre 2007 - 12h14 - Economie - Ecrit par : L.A

Le réveil sonne à quatre heures du matin pour Ayoub. Rapidement il se prépare pour prendre le minibus réservé au transport du personnel du centre d’appel où il est employé. Sa journée de travail commence à 5 heures du matin et se termine à 10h en été et de 6h à 11h en hiver, décalage horaire avec l’Europe oblige. A l’arrivée, un café avalé rapidement agrémenté d’une cigarette pour s’échauffer la voix, et le travail de prospection commence.

Les fichiers de clients à démarcher sont disponibles. Les logiciels prédictifs facilitent le travail et épargnent la corvée de composer le numéro de téléphone. Cela évite de tomber sur de faux numéros, ce qui facilite la tâche. Les call centers sont un secteur à haute valeur ajoutée et aussi bien les équipements que les logiciels sont du tout dernier cri. Mais, côté opérateur, rapidement, la voix s’altère, les oreilles bourdonnent et le stress lié à la crainte de ne pas atteindre les objectifs le prend à la gorge.

Ayoub a vingt-deux ans et n’a pas de diplômes. Mais il ne manque pas d’atouts. Une langue « bien pendue » et une bonne maîtrise de la langue française lui ont permis de commencer à travailler dans l’un des nombreux « call centers » qui poussent comme des champignons. Il est employé en tant que télévendeur. « Ce n’est pas l’idéal mais c’est mieux que de rester au chômage », explique le jeune homme. Pour d’autres, la démarche a été totalement différente.

C’est le cas de Youssef, titulaire d’un bac +5 en informatique de gestion, diplôme qui ne lui a pas permis d’intégrer le monde du travail. Du moins pas pour le moment, explique-t-il. De ce fait, sa formation ne lui sert pas réellement dans son travail actuel : « Généralement, on me demande de faire de l’assistance technique. Par exemple assister un client dans le branchement et le démarrage de son appareil commandé. Ce n’est pas à proprement parler un challenge ! » Pour certains, l’aubaine se transforme en désillusion au bout de quelque temps. En effet, les métiers des centres d’appels se limitent en général à l’émission ou à la réception d’appels ou les deux. Dans le premier cas, il s’agit de prises de rendez-vous pour des commerciaux qui vont ensuite aller chercher la commande auprès du client, de gestion d’agenda de la force de vente située localement, en France généralement, ou encore de vente à distance.

Un téléopérateur génère un chiffre d’affaires annuel de 17.000 euros

Pour ce qui est de la réception d’appels, il s’agit des commandes reçues pour les opérateurs de télécommunications locaux ou internationaux pour faire face aux réclamations, aux commandes ou aux renseignements. « De toutes les manières, il s’agit d’un métier intéressant et valorisé », estime, pour sa part, Mohammed Slimani, DG de Strategy Call. Pour cet entrepreneur, les téléopérateurs sont à 80% des femmes, ces dernières ayant le contact plus facile. Selon lui, le salaire fixe est égal au double du Smig et constitue un formidable ascenseur social et outil d’émancipation féminine.

Toujours est-il que le secteur devient de plus en plus un gros pourvoyeur d’emplois, avec 30 000 salariés dont 17 000 téléopérateurs. C’est que le secteur est toujours rentable. La preuve, il a généré, pour le seul exercice 2006, un chiffre d’affaires de 3 milliards de DH, sachant qu’un téléopérateur génère en moyenne un chiffre d’affaires annuel de 17 000 euros. Mais si ces chiffres peuvent paraître importants, les professionnels expliquent que les marges bénéficiaires commencent déjà à fondre et ce pour deux raisons principales. D’abord, la montée de la concurrence, du fait que de nombreux entrepreneurs se sont lancés dans les centres d’appel, appâtés par l’argent et par mimétisme. Résultat immédiat : la baisse des prix.

Bac+2, Bac+4 et moins de 25 ans !

D’autre part, lorsque de grands groupes se sont installés, ils ont drainé les meilleures compétences avec des salaires plus attractifs, donc un coût plus élevé. « Le cœur de métier reste les ressources humaines », explique le DG d’un centre. En effet, contrairement à ce qu’on pourrait penser, dans le secteur, tout est immatériel. Comme pour toute activité de service, la richesse de l’entreprise réside donc dans les ressources humaines. « On investit en formation en permanence », explique un professionnel. En effet, à chaque fois que le centre travaille sur un nouveau projet, un nouveau produit, il est obligé de former ses téléopérateurs pendant au moins une semaine aux nouvelles spécificités pour être à même de répondre aux questions d’une nouvelle clientèle.

Et qui dit ressources humaines dit, bien sûr, recrutement, sélection et, surtout, recherche des bons profils. Aujourd’hui, près de 50% des téléopérateurs sont des Bac+2 à Bac+4, âgés de moins de 25 ans, généralement recrutés pour les postes de juniors. Les autres se recrutent chez les moins de 30 ans aux postes de téléopérateurs seniors ou experts. Rares sont les opérateurs de plus de 30 ans. Cependant, il en existe d’autant plus que le salaire est motivant puisqu’il peut monter à 6 500 voire 7 000 DH en additionnant les primes et des possibilités d’évolution dans les entreprises structurées. Un opérateur peut ainsi devenir chef d’équipe et gérer une dizaine de personnes. Par la suite, il peut devenir chef de projet et piloter un dossier en assurant tout seul la relation directe avec les donneurs d’ordres, ou encore chef de plateau et devenir un manager au sens propre du terme. Au final, pour la majorité d’entre eux, c’est un moyen comme un autre de faire carrière.

D’autant plus que, et contrairement à ce que pensent certains, le turnover ne semble pas poser de problèmes majeurs puisque, selon les professionnels, la main-d’œuvre est abondante. « Pour peu qu’il y ait une reconnaissance du travail fourni et de bonnes conditions de travail, les employés n’ont pas de raison de quitter le service. A moins que ce ne soit pour un meilleur salaire ou une meilleure position ».

Driss Amrani, chef de plateau dans le centre d’appel Cerdis, qui compte 80 positions, estime à 15% son turnover, c’est-à-dire que 15% en moyenne de ses téléopérateurs partent chaque année, sachant qu’ils sont remplacés. Un niveau de remplacement qui ne semble pas l’inquiéter outre mesure d’autant plus qu’il peut être plus élevé dans d’autres centres surtout les plus grands, comptant 100 positions et plus.
Bien entendu, le turnover devrait, selon les professionnels, baisser avec la restructuration du secteur qu’ils prévoient pour 2008, au moment où nombre de petits call centers devraient être absorbés par les grands.

Noredine El Abbassi

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Sujets associés : Délocalisation - Croissance économique - Emploi - Offshoring

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