Internet ou les chemins du savoir

9 février 2007 - 00h41 - Economie - Ecrit par : L.A

Au Maroc, en cinquante ans, une génération au moins est passée de la planche coranique du “m’sid” à l’écran plat d’un ordinateur dont Google ouvre les portes des bibliothèques du monde.

Ecrire c’est trouver des zones de résonances et la lecture en est l’écho qui s’amplifie à souhait. Trouver son propre récit, telle est la quête du lecteur et aussi son bonheur. Tout le monde désire qu’on lui raconte, avec des mots, une histoire qui est souvent la sienne mais racontée autrement. C’est pour cela que le livre continue encore à exister malgré l’arrivée d’autres supports, d’autres conteurs, d’autres médias. La profusion et le fabuleux essor de ces derniers pourraient être moins un obstacle qu’un complément du livre et de la lecture.

Au Maroc, comme dans d’autres pays, nous avons accusé un retard dans les deux vecteurs de la transmission du savoir. Pire encore, le développement vertigineux du multimédia et la facilité à son accès et à sa manipulation sont en passe de zapper le livre et la lecture. Lorsqu’on sait que des élèves de moins de quinze ans, jusque dans des quartiers populaires, bidouillent des MP3, téléchargent sur Internet tout ce qu’il charrie, chattent comme des fous et maîtrisent ces outils à merveille, alors que l’instituteur ou prof du lycée sont souvent incapables d’installer une carte SIM dans leur portable, on a des soucis à se faire quant à la « légitimité » et la « crédibilité » du Maître.

Il est indéniable que nous assistons à un tournant dans le monde de l’information et de la transmission du savoir. Une génération technologique se calcule et devient obsolète en quelques mois. D’où ce formidable et incessant développement du numérique qui touche toutes les populations, même les plus modestes via l’informel et son corollaire le piratage. Une génération de « mutants » est en train de naître avec ses codes, son langage, sa vision globale et uniformisée du monde et elle est loin d’être ignorante. Comment dès lors combler le vide sidéral, c’est le cas de le dire, lorsqu’on sait que le gosse qui bidouille habilement sa machine ouverte sur le monde, chez lui et dans le cyber du coin, se retrouve, en classe, face à un tableau noir et un bout de craie ?

Le chantier est immense, le défi est énorme et le temps du multimédia se conjugue au futur proche. Tel est donc le dilemme pressant de la transmission du savoir et des supports de la connaissance : l’écrit est et restera la voie royale, mais par quoi faut-il commencer maintenant que tout le monde estime que l’ordinateur et Internet sont l’alpha et l’oméga de l’apprentissage et de la formation ? Au Maroc, en cinquante ans, une génération au moins est passée de la planche coranique du m’sid à l’écran plat d’un ordinateur dont Google ouvre les portes des bibliothèques du monde. Et si Allah est grand, le monde est si petit et vient à vous d’un coup de clic à dos d’une souris. Il est quand même plus confortable de vérifier une date, l’orthographe d’un nom ou le titre d’un livre assis sur sa chaise. Il y a quelque temps, on devait chercher ces petites informations pendant des heures ou des jours dans des livres égarés ou inaccessibles, des journaux bouffés par les mites, des dictionnaires introuvables dans des bibliothèques inexistantes. Il y a une bibliothèque nationale en construction à Rabat pour trente millions de Marocains. Alors qu’en quelques clics, vous disposez des sites des plus grandes bibliothèques du monde.

Vu ainsi, il y a certainement un immense travail à accomplir avant de se mettre en phase avec le monde tel qu’il avance trop vite. Mais les nostalgiques de la planche coranique et ceux du livre qui sent l’encre et le papier pour lequel des linotypes gémissantes ont fait couler à chaud des caractères pour raconter des histoires, peuvent aussi retrouver leurs illusions perdues. Les érudits arabes des temps andalous qui jonglaient avec les sciences et les lettres n’auraient pas boudé ce nouveau mode du savoir. Peut-être l’avaient-ils inventé à leur insu, eux qui passaient d’une discipline à l’autre, traduisant les textes grecs et latins, compulsant les connaissances et les savoirs qu’ils transmettront à d’autres savants venus du nord dans une formidable chaîne humaine de l’esprit. L’esprit, c’est ce qui importe et c’est ce qui libère. Lire, écrire, inventer sa fiction afin d’accéder à son propre récit. Qu’importe l’outil, le vecteur et le chemin. « L’important, c’est le cheminement », disait le poète. Et comme un écho, on citera encore une fois cette introduction au beau texte de Paul Valéry, intitulé La liberté de l’esprit : « C’est un signe des temps, et ce n’est pas un très bon signe, qu’il soit nécessaire aujourd’hui -et non seulement nécessaire, mais urgent, d’intéresser les esprits au sort de l’Esprit, c’est-à-dire à leur propre sort »

La vie éco - Najib Refaïf

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : Hi Tech - Informatique - Google Maroc - Internet

Ces articles devraient vous intéresser :

Au Maroc, des régions sans Internet

La faiblesse du réseau Internet et du débit dans les zones rurales et montagneuses et dans la province de Khénifra en particulier préoccupent la députée Saadia Amahzoune, du groupe du Rassemblement national des indépendants (RNI) à la Chambre des...

Internet au Maroc : des zones complètement oubliées

Certes, le Maroc a enregistré des avancées significatives pour garantir internet mais des défis majeurs restent à relever.

Google célèbre l’indépendance du Maroc

Pour célébrer le 67ᵉ anniversaire de l’indépendance du Maroc ce samedi 18 novembre, Google a créé un « doodle » aux couleurs de l’emblème national.

Le Maroc accélère sur la 5G en vue de la coupe du monde 2030

Le ministère de la Transition numérique et de la réforme de l’administration aura à charge la gestion des télécommunications lors de la coupe du monde 2030. Ainsi en a décidé le Comité marocain d’organisation du tournoi.

Maroc : la mode du mariage virtuel

Le mariage en ligne ou « mariage virtuel » est devenu une pratique en vogue au Maroc. Le phénomène suscite l’inquiétude des spécialistes en psychologie sociale qui s’interrogent sur la nature de ces relations humaines sans communication directe, et...

TikTok bientôt interdit au Maroc ? Le parlement s’apprête à trancher

La question de l’interdiction de TikTok, suggérée par plusieurs députés marocains, devrait être abordée lors de la prochaine session du Parlement marocain, qui débute en octobre.

Bonne nouvelle pour les automobilistes marocains

La Direction Générale des Impôts (DGI) vient de faire une fleur aux automobilistes marocains en ce qui concerne la Taxe Spéciale Annuelle sur les Véhicules (TSAV).

Le Maroc aura l’un des stades les plus avancés technologiquement au monde

Le stade Moulay Abdallah de Rabat s’apprête à devenir l’un des complexes sportifs les plus avancés au monde sur le plan technologique. C’est ce qu’a annoncé Zineb Benmoussa, directrice générale de l’Agence Nationale des Équipements.

5G, fibre, cloud ... les grandes ambitions du Maroc

Le gouvernement d’Aziz Akhannouch a dévoilé les grands axes clés de la stratégie nationale Digital Morocco 2030. Le Maroc nourrit de grandes ambitions pour l’économie numérique.

Lenteur d’Internet au Maroc : les critiques d’un député

Le député Ahmed Abbadi du groupe parlementaire du Parti du progrès et du socialisme (PPS) à la Chambre des représentants a dénoncé le faible débit de la connexion Internet dans plusieurs villes et régions du Maroc, imputant la responsabilité de cette...