Le Maroc mise sur la qualité et sa proximité avec l’Europe

8 mars 2006 - 20h37 - Economie - Ecrit par : Bladi.net

Penchée sur sa table de travail, elle fait glisser le tissu sous ses doigts et le coupe au fur et à mesure. Le dos, les manches, les poches... Le vêtement apparaît peu à peu. Il s’agit d’une veste qui, dans quelques jours, partira pour l’Europe rejoindre les rayons de Carrefour, Pimkie ou Zara. En dépit d’une crise amorcée à la fin des années 1990, le textile reste le premier employeur industriel au Maroc (205 000 personnes) et représente 40 % des exportations du royaume.

L’année 2005 a connu, avec la fin de l’Accord multifibres, une sérieuse alerte. "On a limité les dégâts, rien de plus. Nous n’avons fait que repousser l’échéance de deux ans. Je reste inquiet", souligne Karim Tazi, directeur général de l’Association marocaine des industries du textile et de l’habillement (Amith).

Cours d’alphabétisation

Ce jeune patron, lui-même à la tête de Richpond, entreprise de fabrication de literie, ne cache pas son amertume face au "cynisme" des importateurs européens. "Du jour au lendemain, beaucoup ont abandonné leurs fournisseurs marocains - certains depuis plus de quarante ans - pour passer leurs commandes en Asie. Et on veut nous faire croire au dialogue Euromed !", soupire-t-il. L’inquiétude des industriels marocains est d’autant plus grande que la Bulgarie et la Roumanie, avec leur faible éloignement et leur main-d’oeuvre bon marché, représentent un danger encore plus grand que les pays asiatiques.

Mohammed Alaoui, fondateur et directeur d’une PME de 120 personnes, La Ville Productions, assure avoir compris la leçon. "Mon maître mot, c’est la qualité. Et ça passe par la formation", explique-t-il. Ses employés - des femmes dans 99 % des cas - sont fortement incités à suivre des cours d’alphabétisation. "Au début, certaines ouvrières n’étaient pas capables de coudre une étiquette à l’endroit : elles ne savaient pas lire. Quand elles sont devenues chefs de section et ont doublé leurs salaires, elles ont compris l’intérêt de cette formation !", raconte M. Alaoui.

L’objectif de ce petit patron est de sortir de la sous-traitance. D’ici juin, il espère être passé à la cotraitance pour 20 % de sa production. Le commanditaire lui enverra les modèles, lui se chargera de trouver les tissus.

Il est aidé par l’accord de libre-échange signé entre le Maroc et la Turquie et entré en vigueur le 1er janvier 2006. Les industriels marocains peuvent ainsi importer du tissu en provenance de la Turquie, le transformer et le réexpédier en Europe en franchise de douane. Tous le disent : c’est une véritable "bouffée d’oxygène".

L’autre motif d’espoir, c’est l’accord de libre-échange signé avec les Etats-Unis, lui aussi entré en vigueur en janvier, avec un an de retard. Il attire les investisseurs étrangers, séduits à l’idée de pouvoir exporter librement leurs produits textiles outre-Atlantique. Ainsi, l’américain Fruit of the Loom et l’italien Legler viennent-ils de décider d’ouvrir des usines au Maroc.

L’avenir ? Il réside, selon Karim Tazi, dans la "réactivité". "Les deux saisons par an, c’est fini. Le consommateur européen veut désormais des nouveautés tout au long de l’année. Il faut donc que nous collions à la mode du moment", souligne-t-il, en rappelant que la chance de son pays réside dans sa proximité avec l’Union européenne. Pas de délais d’acheminement, à l’inverse des pays asiatiques. Le Maghreb reste favori pour "les petites séries" à la mode. L’Asie, elle, pour les grandes séries "basiques".

Florence Beaugé - Le Monde

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Sujets associés : Textile - Union européenne - Accord de libre échange

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