Micro-crédits : les banquiers du Maroc d’en bas

2 janvier 2005 - 20h49 - Economie - Ecrit par :

Constructeurs d’ascenseurs économiques, éclaireurs du système bancaire ou encore incubateurs populaires… Les micro-crédits prennent de l’altitude.

En pleine campagne, à quelques kilomètres de Berrechid, une poignée de femmes se sont lancées dans le business de l’élevage. « J’emprunte de l’argent pour acheter des vaches, pour les nourrir. Une fois qu’elles prennent du poids, je les revends et je réinjecte la plus-value dans mon capital ». Les femmes roulent des mécaniques alors que leurs maris, tapis à l’ombre, les écoutent exposer leurs ambitions. À l’origine de cette mue sociale, la diffusion de micro-financements par la Fondation Zakoura. Plus loin, dans la même localité, un boucher explique comment l’accès au micro-crédit lui a permis de maintenir son commerce.

La valeur ajoutée de ce type de financement transcende l’arithmétique puisque le même boucher s’approvisionne auprès des femmes qui assurent l’élevage quelques kilomètres plus loin. C’est une véritable autonomisation économique qui se développe dans la région. L’exemple est édifiant. Il élève ce type de financement au statut d’outil de développement, d’émancipation économique de la femme et surtout de prévention de l’exode rural, véritable plaie économique et sociale du pays.

Plus au nord, dans la région de Sefrou, Amina Yabis, membre de la coopérative « Les cerises » confirme. « La disponibilité de micro-crédits a ramené au bled plusieurs personnes qui s’étaient ruées sur Casablanca à la recherche d’un travail ». Le succès du micro-financement au Maroc dépasse les attentes. Les institutions financières internationales s’y sont intéressées comme un moyen de promotion économique dans un pays où il faut présenter des garanties pour espérer décrocher un crédit. En d’autres termes, où l’ascenseur économique n’existe pas.

Un éclaireur pour le système bancaire

« Les banques, toutes les banques, nous appuient », se félicite Aziz Belmaâzouz, responsable de la Fondation Zakoura. En fait, le micro-crédit peut s’assimiler au banquier du Maroc d’en bas. Une couche sociale, parfois excentrée, au revenu insignifiant qui n’est pas économiquement rentable pour le secteur bancaire. « Nous connaissons bien nos clients, nous les accompagnons pour nous assurer de la bonne marche de leurs affaires », précise le même responsable. Et pour cause, si les organisations de micro-crédits recrutent des agents locaux, c’est aussi pour cultiver cette proximité, parler le même langage, s’assurer que le prêt ne sera pas consommé pour résoudre des problèmes familiaux. C’est ce qui expliquerait aussi la généralisation de prêt de courte durée, entre 6 à 12 mois. Le résultat est sans équivoque, le taux de remboursement dépasse les 90 %. Tout ce savoir cumulé permet aux organisations de revendiquer une meilleure expertise de ce type de « clients » et donc de mieux gérer ce risque. Si l’on considère que la majorité des banques financent les promoteurs du micro-crédit, on peut volontiers considérer qu’elles investissent dans leurs clients de demain. Des clients acquis, in fine… à moindre coût.

Aujourd’hui, la Fondation Zakoura, à elle seule, compte plus de 150.000 prêts actifs pour un encours de 170 millions de dirhams. Al Amana, le géant du secteur, gère, quant à lui, un encours de 350 millions de dirhams. Pour illustrer le succès de ce type de financement, il suffit de rappeler que trois années plus tôt, les bénéficiaires ne dépassaient pas les 125.000 pour une enveloppe de crédits distribuée de moins de 200 millions de dirhams. De l’avis de plusieurs spécialistes, l’explosion de la demande risque de s’amplifier. Les consultants du PNUD estimaient, en 2001, les bénéficiaires potentiels entre 500.000 et 1,2 million de personnes, soit 4 % de la population totale. Un chiffre qui paraît dérisoire si l’on considère que le taux de bancarisation au Royaume ne dépasse pas 20%.

Joindre l’utile à l’agréable

A la Fondation Zakoura, on insiste sur « la nécessité d’accompagner les bénéficiaires, non pas de les endetter futilement si le projet n’a pas de chance d’aboutir ». Cet accompagnement s’est matérialisé de façon patente pour l’extension de l’eau potable aux zones reculées.

Depuis 1996, un partenariat liant la fondation à l’ONEP consistait à assurer la formation de futurs entrepreneurs afin d’externaliser certaines tâches. En clair, former ses futurs sous-traitants. Plus de 350 micro-entreprises ont été créées à cet effet, des sociétés employant entre 3 à 7 personnes chacune, sous-traitant des charges comme les tests de la pureté de l’eau, la détection des fuites et même le raccordement des ménages aux réseaux de l’ODEP. Pour l’établissement public, la sous-traitance permet d’améliorer sa réactivité, diminuer ses charges. Une convergence d’intérêts qui illustre la logique économique, une expérience qui fait pétiller les responsables de l’organisation lorsqu’ils se réfèrent à leurs produits star, le crédit-eau. « Aujourd’hui, on travaille avec la Lydec et l’ONE ». Une étude d’impact sur le micro-crédit est en cours d’élaboration, ses conclusions risquent d’en étonner plus d’un.

L’Observateur

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : Banques - Prêt - Berrechid

Ces articles devraient vous intéresser :

Maroc : les crédits "Halal" dopent l’immobilier

Les crédits immobiliers “Halal” accordés aux ménages marocains ont connu une hausse considérable, atteignant 23,1 milliards de dirhams à fin juin contre 20,3 milliards de dirhams à la même période de l’année précédente, indique Bank Al-Maghrib dans une...

Une classe moyenne marocaine en plein essor, vraiment ?

Au Maroc, les ventes de voitures ont connu une forte augmentation au cours de la dernière décennie, passant de 111 000 unités en 2011 à plus de 161 000 unités en 2023 par an, soit une progression d’environ 45 %. La même tendance est notée en ce qui...

Appel à mettre fin à l’échange d’informations fiscales des MRE

L’Organisation démocratique du travail (OMT) a vivement critiqué la politique gouvernementale à l’égard des Marocains résidant à l’étranger, pointant du doigt une approche jugée superficielle et occasionnelle, particulièrement lors de l’accueil des MRE...

Banque Populaire au Maroc : l’argent des clients se volatilise

De nombreux clients de la Banque populaire ont été surpris il y a quelques jours de voir leurs soldes à zéro sur l’application mobile de la banque. Un problème technique qui a suscité de vives inquiétudes parmi ces derniers.

Société Générale Maroc officiellement racheté

La Société Générale a annoncé vendredi 12 avril la cession de ses filiales marocaines, Société Générale Marocaine de Banques (SGMB) et La Marocaine Vie, au groupe Saham pour un montant total de 745 millions d’euros. Cette opération s’inscrit dans le...

Le Maroc traque les circuits financiers illégaux

Le Maroc muscle sa lutte contre les circuits financiers illégaux. L’Autorité nationale du renseignement financier (ANRF) vient de publier son rapport annuel pour l’année 2023, et les chiffres témoignent d’une intensification des efforts déployés pour...

Un coup de pouce bienvenu pour les commerçants marocains

Suite à la directive de Bank Al-Maghrib (BAM) publiée le 25 septembre 2024, qui plafonne désormais le taux d’interchange domestique à 0,65%, le Centre monétique interbancaire (CMI) a été contraint de s’aligner.

L’Europe cherche à bloquer les transferts des MRE

Face à la hausse continue des transferts de fonds des Marocains résidant à l’étranger (MRE) vers le Maroc, l’Union européenne s’apprête à prendre une directive pour réduire ces transferts via les banques marocaines implantées en Europe.

Le dirham marocain prend de la valeur par rapport à l’euro

Le dirham s’est apprécié de 0,12% vis-à-vis de l’euro et s’est déprécié de 0,34% face au dollar américain entre le 01 et le 07 février 2024, selon Bank Al-Maghrib (BAM).

Le dirham se renforce fortement face à l’euro

La devise marocaine s’est appréciée de 0,44% face à l’euro et s’est dépréciée de 0,69% vis-à-vis du dollar américain, au cours de la période allant du 02 au 08 mai. C’est ce que précisent les indicateurs publiés par Bank Al-Maghrib (BAM).