Les promoteurs immobiliers comptent sur la saison estivale et les Marocains résidant à l’étranger (MRE) pour sortir leur marché de sa stagnation. Ceux-ci figurent d’ailleurs parmi les bénéficiaires du nouveau programme de l’aide au logement.
Suite à la sortie de son ouvrage, “La fracture citoyenne” , Le Professeur Belguendouz a bien voulu accorder une interview aux lecteurs de La Nouvelle Tribune. Il y évoque l’évolution de nos systèmes politiques et surtout de l’encrage des MRE dans la société civile.
Qu’entendez-vous par "démarche progressive" a propos des citoyens marocains résidants à l’etranger ?
La formule est celle employée par le Ministère de l’Intérieur et les partis de la majorité gouvernementale. On la trouve dans leur communiqué commun du 16 juin 2006, sanctionnant le dialogue sur le projet de révision du code électoral qui allait être soumis au Parlement. L’accord s’est fait pour que, lors des prochaines élections législatives, les Marocains résidants à l’étranger ne puissent voter et être candidat que s’ils sont au Maroc et non pas dans les pays de séjour, à travers la création de circonscriptions électorales législatives de l’étranger, comme annoncé dans le discours Royal du 6 novembre 2005. En attendant la concrétisation de cette mesure, on va permettre aux jeunes Marocains nés à l’étranger de s’inscrire sur les listes électorales dans une des communes au Maroc, afin de pouvoir voter ou se porter candidat à l’intérieur au Maroc pour toutes les élections nationales, qu’elles soient législatives ou communales. Au même moment, on mettra en place le Conseil Supérieur de la Communauté marocaine résidant à l’étranger et c’est cette future institution qui déterminera les modalités, voir même l’opportunité d’avoir des députés de l’émigration, élus dans les pays d’accueil...
Officiellement, Il ne s’agit que d’un report justifié par la nécessité d’avoir une période provisoire de préparation des conditions matérielles et juridiques requises. La discussion ultérieure et les "arguments "avancés, ici et là, montrent en fait qu’il s’agit d’une véritable annulation et de la remise en cause d’un acquis solennellement annoncé.
Les tentatives de justification avancées par le Gouvernement et sa majorité ne sont que des alibis. Dire que l’on n’a pas eu le temps de se préparer est inexact. Déjà en 2002, sous le Gouvernement de l’alternance consensuelle dirigée par Abderrahmane Youssoufi cela avait été invoquée. Ce qui est en cause, c’est la paresse bureaucratique, le manque d’organisation et d’anticipation. Sinon, comment expliquer qu’en cette période même, l’émigration algérienne est appelée pour la troisième fois, à élire huit députés dans des circonscriptions à l’étranger, pour siéger dans la première chambre du Parlement algérien. Cet exemple à lui seul, montre par ailleurs la non-consistance d’une autre raison invoquée, à savoir que les pays de séjour interdisent ce genre de vote chez eux...
D’un autre côté, épingler seulement les cinq députés de l’émigration durant la période 1946-1992 pour dire, que leur expérience est totalement négative à tous points de vue, n’est-il pas excessif ? Et que dire alors de tout le parlement de l’époque ? Si on suit le même raisonnement, cela voudrait dire qu’il aurait fallu supprimer toute l’institution et non pas l’amender et assurer des progrès dans le cadre des avancées du processus démocratique...
Dire enfin que le discours Royal fondateur du 6 novembre 2005 ne visait pas les échéances de 2007 lorsqu’il a donné ordre au Gouvernement de prendre en considération le droit de vote et d’éligibilité à l’étranger, la création de circonscriptions électorales législatives à l’étranger, et de les intégrer dans la réforme du code électoral.
Vous évoquez dans votre livre une attitude incohérente des partis politiques, pouvez-vous être plus explicite ?
Soyons justes et objectifs. Il s’agit principalement des partis de la majorité qui avaient sillonné les pays d’immigration pour se préparer à ces élections et présenter des candidats dans les circonscriptions législatives de l’étranger. Mais avec le communiqué du 16 juin 2006, ils se sont soudain rétractés et décrédibilisés. Pourquoi ce changemnt soudain d’attitude ? La raison proviendrait-elle du fait qu’ils ont pu constater qu’ils avaient peu de chance de remporter des siéges en compétition et qu’il valait mieux ne pas faire de cadeaux aux votes barbus ou voilés, donnés potentiellement gagnants par certains rapports de services spéciaux ?.
Toujours est-il que cette dramatisation et la mise en avant de cet aspect "sécuritaire" d’un autre ordre est inacceptable d’un point de vue démocratique. Si on accepte cette logique, cela voudrait dire que des élections ne sont organisées que si on est sûr à l’avance que les résultats sont à l’avantage de la majorité en place...
Dans les débats parlementaires concernant la révision du code électoral, les partis de la majorité non seulement n’ont pas introduit d’amendements au projet gouvernemental, ils ont combattu avec férocité ceux qui ont été présentés par certains partis de l’opposition, en l’occurrence le PSU et le PJD, tendant à prévoir la création de circonscriptions électorales législatives à l’étranger et de pouvoir voter à l’étranger.
Relevons aussi certaines incohérences de l’UC et surtout du PND dont les dirigeants s’étaient également beaucoup déplacés, pour avoir des siéges de députés de l’émigration. Au moment du vote concernant les amendements présentés séparément par le PSU et le PJD, aussi bien en commission qu’en séance plénière, leurs députés se sont abstenus.
Au niveau de la Chambre des Conseillers, Seul le groupe du syndicat CDT a présenté des amendements en faveur du droit de vote et d’éligibilité des citoyens marocains dans des circonscriptions à l étranger, mais sans succès....
Vous prononcez-vous encore pour l’élection des députés marocains représentant les MRE ?
Le débat n’est pas clos et il ne faut pas l’occulter ou le considérer comme tabou. Il faut au contraire en discuter de manière responsable, en parler de façon sereine et réfléchie. L’essentiel est d’argumenter, de convaincre et non pas de tenter d’empêcher le débat ou d’asphyxier la réflexion. Il s’agit pour le gouvernement d’appliquer des décisions déjà prises par S.M Le Roi qui a rendu justice aux citoyens marocains à l’étranger, en leur restituant le droit de vote et d’éligibilité confisqué par le Gouvernement depuis 1992. C’est un droit constitutionnel fondé notamment sur l’article 8 de la constitution approuvé en 1996 par référendum, ...
Prenons le Gouvernement au mot. Lui qui parle de "démarche progressive", quelle est alors la suite ? Quelles sont les mesures qui vont être prises et quand ? Il est nécessaire en effet d’avoir un échéancier précis, une réelle lisibilité et visibilité. Ceci suppose que dès que les mesures complémentaires seront prises, notamment l’établissement de listes électorales à l’étranger et la réalisation d’un découpage rationnel des circonscriptions, on change le code électoral actuel, pour permettre le vote à l’étranger au niveau législatif. De même ,que l’on modifiera la loi organique concernant la Chambre des Représentants pour créer des circonscriptions électorales législatives à l’étranger et l’on pourra alors, s’il y a la volonté politique, de rattraper le retard en organisant des élections exceptionnelles, au lieu d’attendre ... 2012.
Bien entendu, il faut tenir compte de l’évolution de l’immigration marocaine dans les pays d’accueil et sa forte implication à différents niveaux, et toute la question est de savoir comment gérer de manière harmonieuse des appartenances multiples. Mais, la citoyenneté active dans les pays d’accueil, ne s’opposent nullement à exercer pleinement ses droits citoyens par rapport au Maroc, y compris les droits politiques qui sont intimement liés à la nationalité marocaine. Concevoir l’exercice de la citoyenneté ici et là-bas, n’est pas faire preuve de communautarisme, ni contribuer à la déferlante identificateur bien s’opposer ou parasiter l’intégration dans les pays de séjour.
Partant de là, la nationalité ne suppose pas une hiérarchie ou qu’une des nationalités (celle du pays d’accueil), est décrétée supérieure à l’autre (celle du pays d’origine comme le Maroc), ou que l’une des nationalités doit se plier à l’autre dans une sorte d’échelle des valeurs, de classement d’importance.
Comment s’est passée la réouverture excecptionnelle des listes électorales pour les MRE ?
Clarifions d’abord les choses. La réouverture exceptionnelle des listes électorales du 5 avril au 4 mai 2007, a touché également une partie de la communauté marocaine résidant à l’étranger. Il s’agit de l’application de la nouvelle loi permettant aux jeunes Marocains nés à l’étranger de s’inscrire dans une des communes au Maroc, avec le droit de pouvoir voter ou bien de se porter candidat aussi bien pour les élections communales que pour les législatives au Maroc. On ne dira jamais assez le sens positif, plein de symbole et de signification de cet acquis pour les jeunes générations nées à l’extérieur du territoire national. Bien que presque tous aient la nationalité du pays d’accueil, il était très important que le Maroc donne un contenu concret à leur nationalité marocaine, à travers la reconnaissance effective des droits politiques (vote et éligibilité). C’est une réponse également à certains gouvernements qui demandent que le Maroc renonce à reconnaître à ces jeunes leur nationalité marocaine. Cependant, dans la pratique, et en attendant les statistiques officielles, il semble selon plusieurs témoignages ,que les résultats sont minimes. Il faudrait très certainement les analyser de manière sérieuse pour en tirer tous les enseignements nécessaires. Mais d’ores et déjà, plusieurs voix se sont élevées pour dire qu’il faut avoir tout son temps et les finances nécessaires pour venir voter au Maroc.
Pour ces inscriptions, les consulats du Maroc ont joué un rôle facilitation en recevant les demandes pour les transmettre, par le biais des Affaires Etrangères au ministère de l’Intérieure, qui les achemine aux commissions compétentes pour étudier les demandes. Contrairement à ce qui a été écrit ici ou là, y compris à travers des communiqués consulaires ou d’ambassades marocaines à l’étranger, il n’y a pas eu réouverture des listes électorales dans les consulats. Ces derniers n’ont aucun pouvoir pour accepter ou rejeter ces demandes. Ils ne font qu’aider à la transmission rapide de ces demandes au Maroc par DHL. Ceci veut dire qu’il n’y a pas eu réellement une mise à jour en même temps des listes électorales en prévision justement de futures élections législatives à l’étranger. Pourtant, l’occasion aurait pu être saisie, si le Gouvernement voulait donner un réel sens à la "démarche progressive".
De plus, cette absence d’ouverture des listes électorales dans les consulats est d’autant plus incompréhensible qu’en l’état actuel de la législation marocaine, les MRE ont le droit de vote en cas de référundum. Celui-ci est dans l’air pour plusieurs raisons et son organisation à l’étranger nécessite, bien entendu, des listes électorales saines et mises à jour.
Quelle est votre conception du futur conseil supérieur de la communauté marocaine résidante a l’étranger ?
La concrétisation de cette réforme est fort attendue par les citoyens marocains à l’étranger.
Mais le conseil ne peut nullement remplacer une représentation politique au Parlement. Le fait qu’il soit présidé par le Souverain, est une garantie de crédibilité et de sérieux. Quant au mode de composition et pour sa partie MRE, c’est le critère démocratique et transparent qui devrait, de notre point de vue, prévaloir. Là aussi, le débat public doit avoir lieu, pour déterminer le mode d’exercice de cette démocratie et contribuer ,à côté d’autres démarches très importantes en cours, à trouver la meilleure formule.
On ne peut par exemple, à propos des MRE, réfléchir ou discuter sur leur implication citoyenne, ici et là-bas, et leur participation, sans ramener aussi cette participation de manière fondamentale, par rapport à la participation institutionnelle au Maroc. Le maître mot est : pas de tabou, pas de sujet interdit à la réflexion et au débat public responsable. L’essentiel est que tous les scénarios possibles et réalistes soit discutés dans le cadre d’un dialogue ouvert et franc, d’un échange serein et constructif.
Un petit commentaire sur l’élection de Nicolas Sarkozy ?
Le suffrage universel a décidé souverainement et démocratiquement du résultat avec un très fort taux de participation, qui dénote le haut degré de civisme des Français. Ces élections sont d’abord et avant tout leurs affaires, mais elles nous concernent aussi indirectement quelque part, étant donnée la proximité et la densité des relations humaines en particulier. Les immigrés dans la France sarkozienne vont-ils être traités à l’archer élyséen et stigmatisés comme de la racaille ? On a vu, comment en matière d’immigration, lors de la campagne présidentielle, sa démarche s’est située plus à droite que l’extrême droite. C’est ainsi qu’il a pu rallier à lui et séduire une bonne partie de l’électorat lepéniste. La fin justifie t-elle les moyens ? Comme on prête au vainqueur la grande qualité d’avoir de la suite dans les idées, de traduire les discours dans les faits, de passer de la parole aux actes et de tenir les engagements pris, alors toutes les inquiétudes sont fondées, surtout celles qui sont liées à la lutte contre l’immigration dite clandestine...
Parmi les chanteurs qui ont été ses fervents supporters, figure un certain Faudel ... On comprend mieux maintenant pourquoi, il y’a quelques années, il est venu au Maroc pour nous chanter et livrer aux MRE le message suivant :"Ici vous êtes chez vous...."
S’agissant maintenant des relations futures entre le Maroc et l’Union Européenne, le successeur du déjà regretté Jacques Chirac, estime que nous aussi les Marocains, Nous avons une tête de Turcs ?
La Nouvelle Tribune - Fatim-Zahra Tahiri
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