Pays Bas : "MSLM", le voile s’étoffe

8 mai 2007 - 00h57 - Monde - Ecrit par : L.A

Sur Witte de Withstraat, l’une des artères les plus branchées de Rotterdam, des mannequins sont en vitrine de la galerie Mama. Leurs tenues, élaborées, sont celles des jeunes filles d’origine turque ou marocaine qu’on peut croiser partout dans la rue : foulard islamique coloré, jupette par-dessus le jean, baskets dorées, tee-shirt fluide, mais pas trop moulant, de préférence à manches longues et sans décolleté.

Des stylistes néerlandais, d’origine étrangère ou non, ont contribué à l’exposition. Mada Van Gaans a notamment signé un sac à main qui fait fureur, une forme de cylindre découpée dans une matière proche du tapis de prière. Figurent aussi dans l’expo des produits de grande consommation choisis parmi les marques favorites des beurettes néerlandaises, Mango, H & M et Al Quds Jeans, une marque italienne de denim avec découpe spéciale aux genoux pour la prière.

« Glossy ». Pour l’occasion, la galerie Mama, spécialiste de la culture jeune depuis 1997, a aussi sorti un magazine « glossy ». Elle a pour cela réuni cinq étudiantes issues de l’immigration, et leur a donné les moyens de réaliser un magazine de très haute qualité. Pendant un an, Anny Sheikh, Bushra Sayed, Hasna Boutahiri, Soad Bouchentouf et Yonca Ozbilge ont réfléchi à ce qu’elles aimeraient voir dans les pages d’un féminin.

Résultat : beaucoup d’images, peu de textes, des séries de photos de mode léchées entrecoupées de reportages sur les filles de Téhéran ou celles d’Osdorp, un quartier d’Amsterdam.

Le marché potentiel est important : 45 % des élèves du secondaire, dans les quatre plus grandes villes du pays, relèvent de la catégorie « allochtones non occidentaux ». Autrement dit, la deuxième génération de l’immigration turque, marocaine, surinamaise et antillaise. Le titre du magazine, MSLM, joue avec les initiales des tailles « medium, small, large, medium », tout en contractant moslima ­ musulmane en néerlandais.
« Dans les rues des Pays-Bas, on voit souvent des filles musulmanes qui sont belles, mais que les médias et les magazines n’envisagent que sous l’angle des problèmes ou des différences », explique Natasa Heydra, commissaire de l’exposition. L’actualité ne la dément pas. Les autorités de La Haye s’apprêtent à abandonner un projet d’interdiction de la burqa, le voile intégral que portent les femmes afghanes, mais le foulard islamique est de plus en plus contesté. Dans les sondages, 75 % des Néerlandais sont pour son interdiction pure et simple dans les administrations. Le foulard est perçu comme un refus de s’intégrer depuis le meurtre du cinéaste Theo Van Gogh, le 2 novembre 2004, par un jeune islamiste d’origine marocaine. Depuis, les exemples positifs d’intégration ont du mal à se faire entendre. Le succès phénoménal de Shouf Shouf Habibi , une comédie néerlandaise sur l’intégration sortie en 2004, n’est jamais mentionné. Alors que le chômage frappe 20 % des Marocains des Pays-Bas (contre 5 % des Néerlandais), les réussites du rappeur Ali B. ou de l’écrivain Hafid Bouazza passent elles aussi inaperçues.

Collector. Sur toutes ces questions, MSLM n’a pas cherché à prendre position. En une, le magazine propose sans risque une « attitude mentale positive », entre « tradition et modernité ». Dans les pages centrales du magazine, des beautés blondes arborent ainsi foulards, lunettes noires et autres accessoires empruntés à leurs copines musulmanes. « C’est une idée géniale, se félicite Nadia, 22 ans, d’origine marocaine, étudiante en stylisme. J’aurais aimé plus de sujets sur les femmes d’origine étrangère qui se sont fait un nom ici, mais c’est déjà super d’être reconnue et valorisée. » Yasmina, vendeuse dans un magasin de vêtements C & A, regrette que « les mecs » soient totalement absents du magazine, qu’elle trouve sinon « grand luxe, impressionnant, mais sans doute pas viable financièrement ». Sarah Azough, employée de librairie, pense que ce numéro est un collector. « Après tous les bobards qu’Ayaan Hirsi Ali (ex-députée d’origine somalienne connue pour ses positions contre l’Islam, ndlr) a racontés sur nous, nous présentant systématiquement comme des femmes battues, on respire ! » L’engouement suscité par MSLM pourrait inciter la galerie Mama à donner une suite à ce premier numéro, pour l’instant tiré à 4 000 exemplaires et vendu 10 euros.

Infos

Libération.fr - Sabine Cessou

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : Pays-Bas - Religion - Mode

Ces articles devraient vous intéresser :

Maroc : L’incivisme des clients qui louent des caftans

Les boutiques de location de vêtements traditionnels au Maroc se plaignent de la négligence de certains clients qui retournent des pièces louées en très mauvais état.

Les Marocains fêteront-ils l’Aid Al-Adha cette année ?

Abderrahmane Mejdoubi, président de l’Association nationale des éleveurs d’ovins et de caprins (ANOC), dément les rumeurs selon lesquelles le cheptel national en ovins et caprins serait « très en deçà » de la demande pour l’Aïd Al-Adha 2025.

Cheikh Mohammed Al Fizazi critique vivement la série de Mohamed Bassou

Le président de l’Association marocaine de la Paix et de la Transmission, Cheikh Mohammed Al Fizazi, a critiqué le comédien Mohammed Bassou pour sa série « Si Al Kala » diffusée sur sa page YouTube pendant ce mois de Ramadan, estimant qu’il ne fait que...

La Nuit du destin ou laylat al qadr : la nuit sacrée qui dépasse mille mois

La nuit du destin est citée par le Coran comme étant meilleure que mille mois (83 ans et 4 mois). D’après le prophète Mohammed, cette nuit est l’une des nuits impaires des dix derniers jours du mois de Ramadan, soit celles du 21, 23, 25, 27 ou celle du...

Une journaliste franco-marocaine conteste l’interdiction du hijab sur la carte de presse en France

La journaliste franco-marocaine Manal Fkihi a annoncé son intention de contester la règle interdisant aux femmes voilées de porter le hijab sur la photo de la carte de presse française. Cette décision fait suite au refus de la Commission de délivrance...

Voici la date l’Aïd Al-Adha au Maroc selon les calculs scientifiques

Le premier jour de l’Aïd al-Adha au Maroc sera célébré le lundi 17 juin 2024, correspondant au 10ᵉ jour du mois de Dhou al-Hijja de l’année 1445 de l’Hégire. Cette annonce émane des calculs astronomiques effectués par des scientifiques.

Tatouage au henné : attention danger

La fin du Ramadan et la période de l’Aïd, pour les jeunes filles, une période propice pour mettre du henné sur les mains. Si certaines mères acceptent que leurs filles appliquent le henné, d’autres préfèrent se passer de cette pratique pour préserver...

Aid Al Fitr au Maroc : mercredi ou jeudi ?

Les calculs astronomiques prévoient la célébration de l’Aïd Al fitr au Maroc le mercredi 10 avril 2024, comme de nombreux pays arabes et européens, mais l’observation de la lune reste pour l’instant l’option privilégiée par les autorités religieuses...