Paradis fiscaux marocains, des faveurs pour rien

22 février 2008 - 16h36 - Economie - Ecrit par : L.A

Les îlots fiscaux vivent leurs dernières années au Maroc. Le deadline est pour 2015. C’est la loi de Finances 2008 qui en a décidé ainsi. A cette date, plus aucun régime fiscal privilégié ! Un seul taux d’IS pour toutes les entreprises. Une harmonisation à 30% pour les 20 zones bénéficiant jusqu’ici d’un régime fiscal privilégié. A noter que ce taux est déjà applicable pour les autres régions du Royaume, en conformité avec la loi de Finances 2008. Mais qu’en est-il vraiment du régime privilégié ?

Depuis 1998, le décret n° 2-98-520, modifié et complété par celui de 1999 prévoit une imposition au taux spécifique de 17,5% pour 20 régions. Qu’est-ce qui justifie ce traitement de faveur ?

Pour Hamid Errida, expert-comptable au cabinet d’avocats et de fiscalistes, Garrigues Maroc, il s’agissait d’une incitation étatique pour impulser l’investissement dans ces régions. Peut-on mesurer l’impact d’une telle largesse ? Aucune statistique d’investissement régional n’est disponible.

Cependant, les indicateurs de production industrielle par région entre 1994 et 2004 (les plus récentes) n’affichent rien de significatif. La région de Guelmim-Es Smara a vu son activité industrielle stagner sur la période à 0,4% selon l’indicateur de production industrielle, de la Direction des études et des prévisions financières (DEPP).

Pour l’Oriental l’indicateur aura crû d’à peine 0,1% en passant de 3,6% en 1994 à 3,7% en 2004. C’est que mis à part l’argument fiscal, le choix d’implantation répond aussi à d’autres considérations, notamment géographiques et infrastructurelles.

Le régime de privilège fiscal est autrement plus pervers. Les rares opérateurs qui se sont installés (domiciliation pour la plupart) dans ces régions ne l’ont fait que pour bénéficier de la carotte fiscale, tout en profitant des autres marchés.

Premières restrictions

Cet avantage est compromis. Car, avant même la date buttoir de 2015, la loi de Finances 2008 décide que le régime fiscal privilégié en cours ne sera applicable qu’aux seules activités exercées « exclusivement » dans les régions concernées. Autrement dit, il ne suffit plus d’être domicilié dans une des régions et provinces privilégiées fiscalement pour bénéficier du taux préférentiel de 17,5%. L’opérateur économique doit y commercialiser également ses biens et services.

Toutefois, la mise en application de cette nouvelle mesure, se fera plus ou moins progressivement, selon les secteurs d’activité. Les premiers opérateurs à passer à la trappe sont les promoteurs immobiliers, opérant dans d’autres régions du Royaume. Ils ne bénéficient plus du taux préférentiel de 17,5%. Ce qui ne dissuade pas forcément tous les opérateurs. Preuve en est que des entreprises, dans ce secteur et dans bien d’autres, continuent de porter leur choix d’implantation sur Tanger.

C’est le cas de Omar Benhaddi, propriétaire d’Immo 2007 et implanté dans la ville du Détroit depuis tout juste cette année. Il se défend, « peu importe qu’il y ait ou pas des avantages fiscaux, nous sommes là pour générer du chiffre ». D’autres ont plié bagages dès la levée des avantages fiscaux. Pierre Mondet ne s’est pas fait prier. Présent à Larache depuis 2000 dans la distribution de produits alimentaires, il a levé l’ancre au lendemain de la suppression de ces avantages.

Progressivité pour l’industrie

En revanche, l’atterrissage se fera en douceur pour d’autres. Il s’agit notamment des entreprises industrielles bénéficiant d’un passage différé au taux normal. Elles se voient accorder ainsi un délai transitoire du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010 que ce soit pour le chiffre d’affaires réalisé in ou out situ. Dans cet intervalle, elles bénéficient du taux spécifique de 17,5%.

Au-delà, ces entreprises passeront au taux de 30% pour le chiffre d’affaires réalisé hors zones privilégiées. La part générée dans ces zones sera quant à elle soumise à un taux majoré de 2,5 points par an pour atteindre le taux plafond de 30% dès janvier 2016… Si les taux ne baissent pas d’ici là.

Une fleur est également faite aux entreprises exportatrices opérant dans ces régions. A noter, toutefois, le traitement spécial réservé aux entreprises établies à Tanger. Il est à savoir que les entreprises exportatrices basées dans cette province cumulent deux avantages fiscaux : la réduction d’impôt de 50% accordée du fait de leur localisation sur la base d’un IS à 35% et celle de même taux (50%), accordée à l’activité d’exportation, durant les cinq premiers exercices d’exonération. Désormais ce cumul sera limité au chiffre d’affaires à l’exportation réalisé entre le 1er janvier 2008 et le 31 décembre 2010. Concrètement, le taux de 8,75% alors applicable aux entreprises exportatrices installées dans la zone de Tanger passera à 17,5% à partir du 1er janvier 2011.

Sur les 20 zones, combien survivront à la fin des privilèges ? Difficile à dire, mais une région comme Tanger a déjà fait sa mutation en passant de statut d’îlot privilégié à celui de plateforme attractive pour les investissements. Ceux-ci ont crû de 9% entre 2006 et 2007 selon les statistiques du CRI Tanger Tétouan.

Fini le taux préférentiel pour la cotisation minimale

Depuis le 1er janvier 2008, la réduction de 50%, antérieurement en vigueur est reconduite pour l’IS à travers la fixation d’un taux explicite de 17,5% ou 8,75%, selon que l’on est une entreprise exportatrice et/ou présente dans un des 20 îlots fiscaux.

Cependant, précise la loi de Finances, aucune disposition fiscale n’est prévue pour la reconduction de la réduction de la cotisation minimale. Ce qui signifie en clair, que les entreprises bénéficiant du taux réduit de l’IS ne pourraient pas prétendre à une réduction de la cotisation minimale.

Elles devront désormais en assumer le plein taux, qui est de 0,5%. Pour rappel, avant le 1er janvier de cette année, certains secteurs d’activité ou régions bénéficiaient de la réduction de la cotisation minimale, qui s’appliquait systématiquement dans la même logique que la réduction de l’impôt sur les sociétés.

Source : L’Economiste - Bachir Thiam & Réda Harmak

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