Le procès de Chakib, illégal et drogué

11 décembre 2007 - 12h09 - Maroc - Ecrit par : L.A

La 23e Chambre du tribunal correctionnel de Paris vendredi. Huit comparutions immédiates, autant d’histoires. Voici l’une d’entre elles.

Il a l’air d’un oisillon qu’on surprend dans son nid, Chakib. Le corps chétif, les traits creusés, l’air ahuri, il scrute le président du tribunal des deux billes noires qui lui servent d’yeux. Le 5 décembre dernier, il a été interpellé alors qu’il tendait des plaquettes de Skenan (morphine, NDLR.) et de Subutex à des individus près de la gare du Nord. Outre cette infraction, la justice reproche à cet ancien toxico né il y a 36 ans au Maroc d’être en situation irrégulière sur le territoire.

"En vous voyant, j’ai eu un flash", commence le président du tribunal Jean-Paul Albert. Après un regard vers le prévenu, il poursuit le nez sur le dossier de Chakib : "Et oui, en mars, vous aviez été condamné par cette même chambre, pour les mêmes faits, qui s’étaient déroulés au même endroit. A l’époque, vous aviez également été contrôlé positif au cannabis, à la cocaïne, aux opiacés et aux cachets. "Euh, maintenant, je ne prends plus de Skenan", précise Chakib. "Ah d’accord, vous ne prenez plus que du Subutex", note le président. Il s’interroge : "Sinon, vous n’avez pas de famille en France ?" Chakib : "Ah si mon père est enterré dans le Nord". Un silence, et le prévenu précise : "Là-bas, y a aussi ma mère, mon frère et mes sœurs..." Le président : "Mais les contacts ont été rompus". Chakib :"Oui car j’étais un peu plus à fond avec la drogue".

"Je vais me soigner, j’en ai marre d’être comme ça"

Tout en feuilletant les pages du dossier de Chakib, le président soupire, embêté : "Votre casier judiciaire est une vraie catastrophe, 21 condamnations." Chakib opine, tel un petit garçon grondé "Oui c’est vrai". Le président poursuit sa lecture : "La première remonte à 1982 et depuis, chaque année, ou presque, vous êtes condamné. Vous entrez en prison et vous ressortez. Le gros problème en plus, c’est que depuis une nouvelle loi est passée". Et le président de lui expliquer tel que depuis le 10 août 2007, la loi des peines planchers fixe une peine minimale au prévenu en état de récidive. " Là en plus vous êtes SDF, vous dormez où ?", poursuit Jean-Paul Albert. D’une voie fluette, Chakib répond : "Chez la mère de ma copine". "Mais pour mangez ?", s’interroge le président. "Ma copine travaille Et des fois, je travaille, je fais les carreaux..." "Et pour votre suivi médical ?", presse Jean-Paul Albert. "Quel suivi ?", s’étonne Chakib. "Celui de votre toxicomanie, répond patiemment le président. La drogue vous n’avez pas arrêté ? "Si", susurre Chakib. "Ben non, vous avez encore été contrôlé positif là", regrette le président. "Oui, mais seulement de temps en temps...", se défend Chakib.

"Le prévenu est atteint par ce poison que sont les produits stupéfiants, estime la procureure. Pour satisfaire sa consommation, il commet des délits. Les seuls moments où il ne consomme pas et où il ne commet pas d’infraction, c’est en détention..." L’avocate de Chakib prend la parole : "On n’a jamais fait de cadeau à mon client. C’est pas un mauvais bougre vous savez, dit-elle en interpellant la cour. Tous les matins, il se trimballe avec son sceau pour laver des vitres. En plus, il a de la famille en France donc il est inexpulsable. Il m’a dit tout à l’heure qu’il allait agir pour régulariser sa situation. A ce moment-là, il pourra s’en sortir, travailler, se faire soigner". Pour sa défense, Chakib, explique, billes noires implorantes : "Je ne vais plus jamais recommencer, je vais me soigner, j’en ai marre d’être comme ça". Il écope de quatre mois ferme. Comme lors de sa dernière comparution. Devant la même chambre, pour les mêmes faits.

TF1 - Amélie Gautier

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