Retraite : Faillite annoncée pour 2019

8 février 2008 - 13h17 - Economie - Ecrit par : L.A

La CMR (Caisse marocaine des retraites) est menacée de faillite en 2019. Ce sont donc près de 900.000 fonctionnaires affiliés (civils et militaires) qui pourraient se retrouver sans retraites « si rien n’est fait ». Les problèmes de trésorerie se manifesteront, eux, dans trois ans. C’est le constat que fait la Cour des comptes dans son rapport « brûlot » sur l’état de la gestion des établissements publics. Le silence de la CMR qui ne fait « aucune observation particulière » sur cette partie confirme la gravité du diagnostic.

Difficultés, laxisme, gestion hasardeuse, erreurs, détournements, absence de contrôle, insuffisance…La Cour ne fait pas dans la langue de bois. Le vocabulaire utilisé pour qualifier la situation de la CMR est, pour le moins, sévère.

Si l’on se réfère au constat relevé par la Cour des comptes, la CMR va très mal. Plusieurs causes à la faillite annoncée. Mais au-delà des données structurelles, la gestion de tous les jours est, elle aussi, mise en cause. Elle a occasionné des pertes qui se chiffrent en millions de dirhams. « Des placements hasardeux » dans des actions de la BNDE et de Managem qui ont causé 92 millions de dirhams de perte. La CMR, qui aurait dû se débarrasser des actions BNDE au moment où celle-ci enregistrait des résultats négatifs de plus de 3 milliards sur les exercices 2001 et 2002, avait fait le choix de conserver ces titres jusqu’à ce que l’assemblée générale extraordinaire de la Banque de décembre 2003 décide l’annulation définitive de ces actions. Environ 70 millions de dirhams partis en fumée. Plus de 22 millions de dirhams : ce sera la moins-value liée à la vente des actions de Managem. « La CMR a vendu au moment où le cours était à son plus bas », relève la Cour des comptes.

3 millions de dirhams détournés

Pour la Caisse, « aucun gestionnaire d’actif, aussi compétent soit-il, ne peut prétendre gagner à tous les coups » et « l’appréciation de la performance du gestionnaire doit être globale ». Globalement, par le biais des placements, la CMR a gagné 524 millions de dirhams nets et 3 milliards en plus-values latentes, soit une performance de 90%.

Les détournements se chiffrent à plus de trois millions de dirhams. Il y en a eu deux à Salé et à Rabat. Les auteurs ont exploité des failles au niveau du système d’information qui, observe la Cour des comptes, « ne constitue pas une priorité pour les responsables de cet organisme ».

Des pensions indument versées du fait du non-contrôle des décès des pensionnés ou des remariages des veuves. Près de 28 millions de dirhams « offerts » sans droit et, pis, qui ne sont pas recouvrés auprès des héritiers. Certains cumulent indument les pensions : près de 10 millions de dirhams de pertes non réclamées.

L’attribution de marché n’échappe pas au laisser-aller ambiant. « Il a été constaté que certaines conventions sont établies par la Caisse sans être au préalable soumises à l’approbation du Conseil d’administration », note le rapport de la Cour des comptes. De plus, « des dispositions de la réglementation des marchés ne sont pas respectées dans certains cas, dont le plus important en termes financiers est celui relatif à la construction du nouveau siège ».

L’enveloppe de ce marché s’élève à 145 millions de dirhams. Ce chantier, adjugé par la société Cogeba, devait initialement durer 15 mois pour être livré au mois de juin 2005. L’entreprise était mêlée à l’affaire du projet Hassan II à Casablanca dont Abdelaziz Lâafoura était un des principaux accusés.

Aucune politique de formation

Fin janvier 2008, le nouveau siège n’est toujours pas fonctionnel. Les charges générées par ce retard se chiffrent à plus de 2 millions de dirhams par an.

Toujours dans le chapitre de ce qui ne va pas (on se demande qu’est-ce qui va à la CMR) l’on retrouve les aspects liés à la gestion des ressources humaines. « Prédominance des recrutements sur titre et plan de formation insuffisamment défini ». C’est comme cela que la Cour des comptes intitule ce chapitre. Concrètement, les recrutements sur concours font figure d’exception (vraiment exceptionnelle) au profit des « tests professionnels ». « Cela réduit les opportunités de recherche des profils les plus appropriés pour les besoins de la Caisse et n’assure pas l’égalité d’accès à l’emploi ».

Quant à la formation, le rapport note que, malgré la présence de toute une structure dédiée, la stratégie de la CMR dans ce domaine reste « insuffisamment définie » et « ne répond pas aux besoins spécifiques de cet établissement ». Si ce n’est pas de la gabegie ça…

L’Economiste - Nabil Taoufik

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : Administration - Faillite - Cour des comptes

Ces articles devraient vous intéresser :

Les fonctionnaires marocains abusent-ils de leurs avantages ?

L’association marocaine pour la protection des biens publics invite le ministère de l’Intérieur à mettre fin à l’utilisation à des fins personnelles des véhicules de l’État par les élus et fonctionnaires publics.

Maroc : Pénurie inquiétante de livrets de famille

Anticipant sur la forte demande de livrets de famille à l’approche de la saison du retour des Marocains résidant à l’étranger (MRE), le ministère de l’Intérieur mobilise les inspecteurs de l’état civil au niveau des préfectures dans les différentes...

Taxis : le Maroc veut tourner la page du chaos

Au Maroc, le ministre de l’Intérieur Abdelouafi Laftit a décidé de mettre fin au chaos des chauffeurs de petits et grands taxis à travers la mise en place de mesures administratives et organisationnelles mais aussi la prise de mesures coercitives à...

Maroc : clap de fin pour Jumia Food

Les Marocains ayant l’habitude de commander via Jumia Food devront dorénavant se diriger vers un concurrent. L’entreprise vient d’annoncer la fin de son service au Maroc.

Cartes Jawaz : la chasse aux abus des fonctionnaires est lancée

L’Inspection générale de l’administration territoriale (IGAT) veut en finir avec les utilisations abusives du système prépayé « Jawaz » par des fonctionnaires, notamment en dehors de leurs heures de service et à des fins personnelles. Dans ce sens,...

Voyager en Europe : les nouvelles règles qui concernent aussi les Marocains

Les voyageurs marocains et d’autres nationalités sont appelés à respecter des règles strictes concernant les liquides et les gels dans les bagages à main qui entrent bientôt en vigueur dans les aéroports de l’Union européenne (UE).

Des hauts responsables marocains privés de vacances

La Fête du Trône célébrée le 30 juillet de chaque année contraint les responsables de l’administration territoriale, en l’occurrence les walis et les gouverneurs, à écourter ou reporter leurs congés personnels à août ou septembre.

Maroc : du changement pour les transactions immobilières

Au Maroc, des modifications ont été apportées à certaines dispositions du Code des droits réels, notamment l’article 4. Voici ce qui va changer pour les transactions immobilières.

Maroc : les parlementaires traqués

Au Maroc, le bureau de la Chambre des représentants renforce la traque contre les députés absentéistes en faisant installer des caméras de nouvelle génération dans l’enceinte de l’institution.

Immobilier au Maroc : des changements pour le transfert de propriété

Au Maroc, le transfert de propriété ne se fera plus comme avant, la loi de finances 2025 ayant revisité les conditions applicables à l’inscription des actes et conventions à l’Agence Nationale de la Conservation Foncière, du Cadastre et de la...