Jamais, depuis 1954, les Pays-Bas n’avaient été un pays de si forte émigration. En 2005, 110 250 résidents ont quitté le pays des polders, alors que 91 000 nouveaux immigrants s’y sont installés. Signe particulier de cette nouvelle vague migratoire : la moitié des candidats au départ ne sont pas des Néerlandais. Selon les statistiques officielles, 4000 Turcs, 4000 Antillais et 2600 Marocains sont repartis dans leur pays d’origine en 2004.
« Partir, c’est la grande discussion du moment, confirme Abou Menebhi, à la tête d’Emcemo, l’une des principales associations marocaines d’Amsterdam. Même les jeunes qui sont nés ici et qui ont de bons diplômes n’ont plus que cette idée en tête. » Le chômage, qui frappe 27% des actifs dans la communauté marocaine contre une moyenne nationale de 6,3%, n’explique pas tout. « Dans la vie quotidienne, à la télévision, le climat s’est dégradé, poursuit Abou Menebhi. De nouvelles mesures sont sans cesse annoncées par Rita Verdonk, la ministre de l’Intégration, explicitement dirigées contre les étrangers. »
Depuis sa nomination, en 2003 dans l’actuel gouvernement de centre-droit, Rita Verdonk, 50 ans, a multiplié les tours de vis. Après avoir annoncé l’expulsion de 26 000 déboutés du droit d’asile, cette ancienne directrice de prison, membre du Parti libéral (VVD), s’est employée à freiner l’immigration.
A partir du 1er mars, les demandeurs de visas à longue durée pour les Pays-Bas devront ainsi passer un test payant de langue et de culture néerlandaise dans leur pays d’origine. Tous les étrangers arrivés après 1975 aux Pays-Bas devront se plier, eux aussi, à des examens de « citoyenneté ». Les personnes naturalisées, elles, devront prêter un « serment de solidarité » à leur nouvelle patrie, à partir du 1er octobre 2006, au cours d’une cérémonie officielle de remise de leur passeport. Dernier projet annoncé : un code de conduite à destination des étrangers, leur demandant entre autres de parler néerlandais dans les lieux publics.
« Rita de fer »
Toutes ces mesures ont nourri un sentiment d’exclusion. Un profond ressentiment antimarocain s’est manifesté après le meurtre du cinéaste Théo van Gogh par un jeune islamiste néerlando-marocain, le 2 novembre 2004. Le rejet, cependant, paraît plus durement ressenti dans les communautés noires. Selon une étude publiée en août dernier par le bureau d’études Intelligence Group, de plus en plus d’Antillais (78%) et de Surinamais (53%) âgés de 15 à 35 ans estiment appartenir à la catégorie des « étrangers » plutôt qu’à celle des « Néerlandais ».
De son côté, Rita Verdonk a vu sa politique payer : sa cote de popularité n’a fait qu’augmenter, atteignant 57% d’opinions positives dans les sondages. Surnommée « Rita de fer », la ministre de l’Intégration incarne le glissement à droite qui s’est produit aux Pays-Bas après les attentats du 11 septembre 2001. La ministre a d’ailleurs admis avoir emprunté à la droite populiste, qui gère la ville de Rotterdam, sa nouvelle idée d’un code de conduite pour les étrangers.
Source : 24heures ( Suisse )