Sale temps pour les Arabes en France

30 octobre 2002 - 09h36 - France - Ecrit par :

Sale temps pour les Arabes en France. Dès le réveil et avant même de tomber sur notre reflet dans une glace, la honte d’être nous tient à la gorge. Les médias jubilent et crachent les nouvelles encore fraîches du week-end.

Le maire de Paris Bertrand Delanoë poignardé par un certain Azedine Berkane : de l’Arabe et du couteau, l’arme blanche du basané, cette vieille métaphore camusienne nous rattrape en caleçon telle une malédiction inéluctable. Mais ça ne s’arrête pas là. Jamal, un sauvageon de 19 ans, dans un registre plus barbare, brûle vive Sohane, une beurette de 17 ans. Ailleurs, Mohammed Maghara est assassiné froidement du côté de Dunkerque, juste parce qu’il s’appelle Mohammed. Sans compter le désormais familier Zacharias Moussaoui dans sa prison américaine et les procès des présumés membres du GIA à Paris, et ainsi de suite.

Que faire avec cette avalanche culpabilisante ? Comment se tenir face à ce packaging ethnique du sordide ? Mettre du Lexomil dans son café du matin ? Serrer son fils dans ses bras un peu plus fort que d’habitude. Et après ? Où sont-ils les Arabes médiatisés du show-biz ; les Debbouze, les Zidane, les Sami Nacéri ou les Ben Jelloun super-explicateurs ? Peuvent-ils s’arrêter de nous divertir une seconde et user de leur aura médiatique pour nous sortir un peu de l’image de l’Arabe qui tue ou se fait tuer, l’Arabe qui brûle ou se fait brûler, qui vole, qui viole ?

La misérable vérité est là, compacte et diffuse. Elle est doublée d’un douloureux constat : l’impossibilité de se poser quelque part quand toute la place est prise ; soit par des délinquants, soit par des islamistes. Où peut-on donc caser la majorité des Arabes et des nés musulmans, qui par leur comportement et non par leur peau, ressemblent au reste des Français. Ceux qui consomment comme tout le monde, prennent une cuite le week-end, matent les seins à la télé et se fichent d’un Sarkozy faisant la bise à Dalil Boubakeur ; le soi-disant représentant de l’islam républicain. D’ailleurs, que signifie le projet de la mise en place d’une instance représentative des musulmans de France ? Comment cette instance peut-elle se proclamer représentative de plus de 5 millions de musulmans de France sachant que les statistiques ne font aucune distinction entre les pratiquants et les non-pratiquants, les pieux et les athées ?

Sale temps pour ceux et celles qui rêvaient de respirer entre deux cultures et de « pousser comme l’herbe au milieu », selon la magnifique formule d’Henry Miller. Au lieu de cela, ce qu’on constate, c’est un fossé symbolique qui se creuse, au fil des faits divers et des malentendus entre les Arabes et les autres. Le tableau annoncerait-il une dissociation progressive des couleurs ? De moins en moins de couples mixtes dans la rue, une séduction cloisonnée qui n’aurait d’aboutissement qu’entre compatriotes de même peau. Ou alors devons-nous craindre le pire, comme l’effrayant témoignage, rapporté dans ce journal même, de ce voisin de l’assassin de Dunkerque qui s’interroge « au moins, s’il en avait tué plusieurs, mais là, pour un seul... » (Libération du 9 octobre).

Sale temps pour les Arabes. Quand ils ne sont pas malmenés par les flics, assassinés par les racistes ou souillés par des Azedine Berkane, ils ou elles sont les premières victimes de leurs compatriotes, comme l’indiquent le cas Sohane et le phénomène grandissant des « tournantes » dans les caves des HLM. Après le 11 septembre et après le score de l’extrême droite à la présidentielle, la conjoncture a ouvert plusieurs brèches. Des chercheurs soutiennent qu’entre islam et islamisme les passerelles sont organiques, comme d’autres, dans un autre registre affirment que du #### on passe directement à l’héroïne. Il ne manque plus que la preuve de l’existence d’un lien automatique entre Arabes et délinquance, banlieue et racaille. Car comment ne pas penser à cette profonde réflexion tirée des Particules Elémentaires de l’intraitable Houellebecq qui suggère que la violence est inscrite dans les gênes des Arabes : « Le soir tombait : quelques moutons terminaient leur journée. Eux aussi étaient stupides, peut-être encore plus que le frère d’Aïcha ; mais aucune réaction violente n’est programmée dans leurs gènes. »

Pourquoi nous obstinons-nous à ne voir dans l’immigration qu’une histoire de gagner sa vie et non pas de gagner la vie tout simplement. Emigrer, c’est aussi prendre le parti de la vie, au lieu de finir entre les murs étouffants du communautarisme et de la méfiance interethnique

Et c’est dans ce sens-là que le contrat entre l’émigré et la France est d’emblée un contrat éthique qui va au-delà d’un simple accès à « des formations et un apprentissage rapide de la langue » comme le suggère le « contrat d’intégration » annoncé par Jacques Chirac.

Liberation.fr

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : France - Racisme - Education

Ces articles devraient vous intéresser :

Maroc : un manuel scolaire aux couleurs "LGBT" fait polémique

Le Parti de la justice et du développement (PJD) a demandé le retrait des manuels scolaires dont les couvertures sont aux couleurs du drapeau LGBT.

Médecins maghrébins en France : l’exil comme solution ?

Après une percée au premier tour des législatives françaises, la perspective de voir le Rassemblement national (RN) présidé par Jordan Bardella, qui place l’immigration au cœur de la campagne électorale, remporter la majorité absolue le 7 juillet,...

Christophe Galtier : garde à vue pour discrimination raciale

L’ex-entraîneur de l’OGC Nice, Christophe Galtier, ainsi que son fils, John Valovic-Galtier, ont été placés en garde à vue ce vendredi dans le cadre d’une enquête portant sur des allégations de discrimination au sein du club.

Pénurie de médecins au Maroc : Le système de santé à bout de souffle

La pénurie de médecins persiste au Maroc. Par ailleurs, la réduction de la durée de formation en médecine suscite actuellement une vive protestation de la part des étudiants.

Au Maroc, les élèves fêtent la fin d’année scolaire en déchirant leurs cahiers

Au Maroc, des scènes des élèves déchirant leurs cahiers et livres pour annoncer la fin de l’année scolaire, se sont reproduites.

Maroc : des notes trop gonflées dans les écoles privées ?

Au Maroc, le phénomène des « notes gonflées » continue de sévir dans des écoles privées. C’est du moins le constat fait suite à la fuite de certains relevés de note sur les réseaux sociaux après la publication des résultats du BAC 2024.

Islam en France : le coup de gueule de Malik Bentalha

L’humoriste Malik Bentalha a exprimé son inquiétude grandissante quant à la situation des musulmans en France.

L’enseignement de la langue amazighe généralisé dans les écoles marocaines

Le ministère de l’Éducation nationale, du Préscolaire et des Sports vient d’annoncer son plan de généralisation de l’enseignement de la langue amazighe dans tous les établissements du primaire d’ici à l’année 2029-2030.

Maroc : l’enseignement de l’anglais au collège généralisé

L’enseignement de l’anglais sera généralisé dans les collèges au Maroc dès la rentrée scolaire 2023-2024, a annoncé dans une note Chakib Benmoussa, le ministre de l’Éducation nationale, du préscolaire et des sports.

Un Marocain tabassé par des videurs dans le nord de l’Espagne

Un jeune homme de 23 ans, médiateur culturel d’origine marocaine résidant à la Corogne, dans le nord-ouest de l’Espagne, a porté plainte, affirmant avoir été victime d’une agression racistede la part de deux videurs.