
Face à la pénurie des livrets de famille dans certains services d’état civil, le ministre de l’Intérieur, Abdelouafi Laftit a annoncé l’adoption progressive des livrets de famille électroniques.
Saïda serre son sac à main tout contre elle. Attentive aux échanges de la présidente de l’audience et des quatre prévenus, elle ose à peine les regarder.
« S’ils sont punis aujourd’hui, je me barre de chez moi », s’affole-t-elle. « J’aurais trop honte ! »
Sous respirateur, son père, Chaïb, fait soudain signe que sa bouteille d’oxygène est épuisée. La présidente, Anne Hussenet, s’enquiert immédiatement de son état. Chaïb la rassure. Les trois autres prévenus s’en rapprochent, afin de mieux veiller sur lui.
Il y a sa femme Aïcha à sa droite, son fils Mohamed à sa gauche et Yacine, l’un de ses amis. Il leur est reproché d’avoir enlevé puis séquestré Saïda à deux reprises. Les 13 février et 21 mars 2002. Le tout avec menaces et violences.
« L’alerte est donnée le 22 mars à midi par le patron de Saïda », raconte la présidente. « Quand les policiers se présentent au domicile familial, ils la découvrent dans un piteux état. »
Visiblement choquée, elle leur explique qu’elle souhaite s’en aller. Ils la conduisent à l’hôpital, où l’on reçoit sa déposition.
Saïda leur dit alors qu’elle est promise en mariage à un cousin au Maroc. Elle raconte que sa jeune sœur vient d’accoucher sous X. Elle évoque surtout la peur de son grand-frère Mohamed qui veut régenter son existence.
Ce qui explique qu’elle ait décidé de quitter le domicile familial et de s’installer en région parisienne avec Pierre, son petit ami.
« Il ne s’est rien passé ! »
« Le 13 février, Mohamed et Chaïb font cependant irruption dans leur appartement », raconte Anne Hussenet. « Ils forcent Saïda à rentrer. »
Mohamed lui met une claque avant de la rouer de coups de bâton. « On l’emmènera conséquemment à l’hôpital où un mensonge sera inventé : Saïda tombée dans les escaliers. »
Le 21 mars, après une seconde « fugue », elle est « cueillie » à la gare de l’Est par son frère et Yacine. « Sur le chemin du retour, Mohamed l’asperge de bombe lacrymogène et la frappe », rapporte la présidente. Il s’empare aussi de son sac à main et déchire ses papiers d’identité.
« Quand elle arrive à la maison, ses frères veulent lui raser les cheveux. Ce qu’ils ont déjà fait à une autre sœur quand elle avait fugué. »
Lorsque Pierre est entendu, il confirme les faits. Menacé par Mohamed, il refuse cependant de porter plainte.
« Il a menti », assure Saïda qui tremble comme une feuille. « C’est moi qui lui ai demandé de le faire pour pouvoir rester avec lui. On a tout mis sur le dos de mon frère. »
« Aujourd’hui, vous avez décidé d’avoir cette contenance », la coupe la présidente, « mais il y a d’autres éléments dans le dossier qui laissent à penser que les faits se sont bien produits ».
« Il ne s’est rien passé », insiste Saïda, « depuis mars je suis chez mes parents qui m’aident à payer mes dettes et me donnent à manger ».
Substitut du procureur, Olivier Royer parle « de voyage dans le temps » et « d’anachronisme ambulant au sein de la famille ». Il requiert une condamnation de principe, mais en laisse le choix au tribunal « parce que je veux protéger Saïda ».
L’affaire a été mise en délibéré. Le jugement sera rendu le 5 novembre.
S.B. pour l’Union
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