’Shouf Shouf Habibi’ reviendra sur les écrans en février

22 juin 2005 - 11h56 - Culture - Ecrit par :

Mimoun Oaissa, l’acteur principal du fameux long-métrage néerlandais, "Shouf Shouf Habibi", tourne à nouveau 12 épisodes portant le même titre et qui seront diffusés sur la chaîne nationale, dénommée Vara en février prochain. A cœur ouvert, l’acteur nous dévoile un pan de sa vie artistique, et évoque les obstacles qu’affronte la plupart des jeunes néerlandais d’origine marocaine, tiraillés par le choix difficile : suivre la voie toute prête tracée par leur père, ou céder à la tentation inspirée par la vie occidentale ?

Est-ce que Ap, personnage principal de Shouf Shouf Habibi reflète-t-il vos propres préoccupations, ou traduit-il le portrait type du quotidien des milliers de jeunes néerlandais d’origine marocaine qui ne savent pas s’ils doivent emprunter le chemin de la modernité ou celui des traditions ?

Oui et non. Non, parce que je ne mène pas la vie de Ap. Je sais ce que je veux et je sais où je vais. Oui, si on observe profondément le thème du film, on va se rendre compte que les complications engendrées par l’environnement familial et social vécues par AP sont universelles.

Un jour ou l’autre, chacun de nous s’est retrouvé face au dilemme à travers lequel Ap est passé, se posant des questions invraisemblables qui ne sont pas uniquement une simple question de provenance de l’individu, néerlandais ou marocain.

A mon sens, c’est le rêve qui est le véritable moteur qui stimule l’être humain l’entraînant à vivre des périples continuels et rocambolesques, dont le but ultime est de voir la lumière. C’était exactement le cas de Ap, ce jeune néerlandais originaire du Maroc qui veut réussir dans la vie, et qui ignorait quel chemin emprunter.

L’égarement de AP qui a suscité une multitude d’incidents a été essentiellement impulsé par le trait de caractère de la majorité des jeunes qui est cette espèce d’impatience immaîtrisable qui altère leurs choix et leurs décisions.

Ap confrontait le dilemme d’un nombre considérable de la jeunesse de la communauté marocaine : suivre le chemin traditionnel tracé par les parents ou se détacher totalement du passé pour suivre les règles de son environnement moderne.

Effectivement, une grande partie du film a évoqué ce dilemme, et on pouvait clairement constater le déchirement de Ap qui sautait d’un métier à l’autre de plus sordide au plus ambitieux, mais sans aucun résultat. Il voulait absolument atteindre l’apogée rapidement. Seulement, il ne savait pas que cette impatience lui était nuisible, et qu’il lui fallait travailler dure et pendant de longues années pour exaucer ses rêves et s’illustrer dans la société.

Je crois que son mal de vivre n’est pas une condition unique ou singulière, mais lorsque l’on évoque l’immigration, la question de l’intégration s’impose et elle est universelle. A titre d’exemple, lorsque les Italiens ont immigré aux Etats-Unis, la communauté italienne a connu pratiquement la même pression pour s’adapter au contexte américain.

Même une partie des Néerlandais qui ont immigré aux Etats-Unis après la seconde guerre mondiale ont eu du mal à s’adapter complètement, et préféraient vivre en communauté, en préservant jusqu’à présent leurs traditions ancestrales comme la fabrication du fromage dans des villages reculés aux Etats-Unis.
Aujourd’hui, on crie sur les toits que les jeunes néerlandais d’origine marocaine ont du mal à s’intégrer dans la société. Mais, bien sûr que oui, pourquoi le processus serait-il différent ?

Il est clair que la deuxième génération est confrontée à de grands défis : l’intégration, l’éducation et qu’elle est moralement de sursoit tenue par le souci de donner des résultats satisfaisants ?

La première génération dont mes parents font partie, a fait des boulots très pénibles, comme des ouvriers dans les usines ou dans les mines. C’est bon, c’était leur choix et ils ont atteint leurs objectifs et réalisé leurs rêves. Nous, la deuxième et troisième génération, nous ne voulons pas travailler dans les usines. Nous avons été à l’école et à l’université et nous ciblons à décrocher des postes importants et surtout réussir dans la vie.

Il y a tous les jours des milliers d’études qui se font par divers organismes gouvernementaux et non gouvernementaux justes pour comprendre les mécanismes sociaux et humains de la communauté marocaine. Mais, croyez-moi, le préjudice est palpable même dans les milieux intellectuels qui réalisent ces enquêtes en entraînant avec eux leurs propres backgrounds qui sont très souvent erronés.

Quant à la logique qui souligne que le taux de criminalité est élevé dans la communauté marocaine, je pense que c’est une déduction simpliste de la réalité. Les gens qui empruntent le chemin illégal pour exaucer leurs objectifs sont souvent des gens qui ont été régulièrement rejetés par la société. Ils se sont dits, un jour ou l’autre, au fond d’eux, que puisque cette société leur a rendu leur quotidien invivable et dénué d’horizons, elle ne mérite à son tour, aucun respect.

Est-ce que c‘était difficile également pour vous d’être un comédien professionnel ?

D’une manière générale, le métier du comédien est très difficile, et je pense que cela n’a rien à avoir avec les origines de chacun. Quant à moi, je ne voulais pas me contenter de rester dans la catégorie où les gens du métier me plaçaient. J’ai travaillé très dur durant quatre ans à l’académie de l’art à tel point que mes professeurs me demandaient parfois de partir à la maison, je leur répondais que je ne pouvais pas car je voulais devenir le meilleur.

J’ai accepté toutes les propositions, j’ai fait des stages à New York et j’ai rejoint, ensuite, une troupe de théâtre néerlandaise, Toneelgroep Amsterdam.
Je savais que mes camarades avaient plus de chance à trouver plus facilement du boulot, car la plupart des gens du cinéma et du théâtre sont blancs que ce soit les auteurs, les techniciens ou les réalisateurs. Malgré ceci, j’ai refusé de me cantonner à faire des seconds rôles d’un moment à l’autre lorsqu’un réalisateur a besoin d’un serveur ou d’un nettoyeur, il a fallu que je trouve l’issue et faire mon métier.

Vous avez décroché le premier rôle dans le film " Shou Shouf Habibi " qui a été considéré comme le plus grand films néerlandais de l’année précédente.

Mon véritable grand rôle a été inéluctablement Ap, le héros de cette comédie qui a été fort heureusement un grand succès aux Pays-Bas, visionné par 320.000 personnes(trois cent vingt mille) et en Europe attirant les cinéphiles de toutes les communautés et de tous les âges.

Primo, depuis le titre "Shouf Shouf Habibi", on détecte que le film est drôle et on a intentionnellement choisi des mots facilement repérables, tant pour le public de la communauté marocaine que turque ou hollandaise.

Tout le monde connaît le terme Habibi (mon chéri) et Shouf Shouf (regarde) qui est un mot déployé par un homme candide lorsqu’il est impressionné par quelque chose qu’il n’a jamais vue.

Secondo, le film a été spécialement apprécié par les jeunes du Maroc, Suriname et Turquie car le casting a comporté des acteurs appartenant à plusieurs ethnies, et c’est justement le genre de combinaison que les cinéphiles aiment dans le cinéma américain.

Le résultat de cet engouement est que nous avions préparé une série télévisée de 12 épisodes, portant le même titre et les mêmes acteurs et qui seront diffusés sur le petit écran, mais dont les événements comporteront des sujets qui oscilleront entre la tragédie et la comédie.

Zineb El Ouardighi - Le Matin

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