Tanger hantée par Barrada

14 octobre 2007 - 00h48 - Culture - Ecrit par : L.A

Yto Barrada hante sans relâche les rues de sa ville, Tanger. Dans son précédent travail, "Le Projet du détroit", elle avait les yeux tournés vers le large et l’appel des sirènes européennes. Cette fois, ses yeux - et son appareil photo - sont braqués sur le sol.

Le sujet de ses images n’est pas toujours évident à repérer : ce champ banal où paissent des moutons est en fait couvert d’Iris tingitana, ou iris de Tanger, une fleur bleue en voie de disparition. "Elle a la mauvaise idée de fleurir en dehors de la saison touristique", explique l’artiste.

Le Maroc moderne, sécurisé et aseptisé, néglige ses plantes indigènes, leur préférant les palmiers, les géraniums rose bonbon et les golfs à la pelouse impeccable. Craignant que le Maroc du futur "ressemble à un autre Dubaï", Yto Barrada a donc lancé un projet photographique doublé d’une action citoyenne : dans la grande tradition des "guérillas paysagères" des années 1970 à New York, elle lance dans les friches urbaines des petites bombes de papier remplies de graines qui recoloniseront l’espace.

Une façon de militer pour la préservation des espèces, mais aussi contre la privatisation de l’espace public. Elle sourit : " Nous prenons très au sérieux cette petite plaisanterie. Bien sûr, c’est moins le résultat qui est important que l’action pédagogique."

A la Galerie Polaris, l’artiste présente des images lumineuses et sensibles, capturées dans les lieux encore préservés de l’urbanisation : terrains vagues, friches ou chantiers. Elle a aussi placé, sur une carte de Tanger, toutes les espèces menacées et leur nom latin. Un petit film montre des botanistes passionnés, en admiration devant des trésors invisibles aux yeux des gens normaux.

Et dans le grand parc de Perdicaris, la photographe a saisi une splendide apparition : deux jeunes faunes tressant des couronnes en fleurs jaunes d’oxalis.

Le Monde - Claire Guillot

Iris tingitana, la botanique du pouvoir, Galerie Polaris, 15, rue des Arquebusiers, Paris-3e. Jusqu’au 30 octobre.

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