Le Front Polisario a salué la décision de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) annulant les accords de pêche entre l’UE et le Maroc, la considérant comme un « triomphe de la résistance ».
En vantant les charmes de Dubaï, centre commercial et touristique des Emirats arabes unis, un hebdomadaire français écrivait : « Au risque de traumatiser les incrédules, à Dubaï on peut vivre comme partout ailleurs sans tchador. Dans ce pays musulman, on peut boire de l’alcool dans tous les hôtels et s’éclater en boîte de nuit. Et s’il y a un endroit où les femmes peuvent se promener seules en toute sécurité, c’est bien ici. Il faut simplement se comporter en touriste responsable, en respectant les habitants et leurs traditions. »
Touria Tiouli, 39 ans, de nationalité française, née au Maroc, élevée et scolarisée en France, originaire de Limoges, divorcée, mère d’un garçon de 14 ans, est retenue à Dubaï par la justice émiratie depuis le 14 octobre. Elle n’a pas respecté les traditions qui commandent de ne jamais avoir maille à partir avec un Emirati de souche.
« Gens de confiance ». Le soir de son anniversaire, cette chargée de mission en marketing décide d’aller boire un verre du Coca-Cola, disent ses amis dans une discothèque huppée et cosmopolite du centre. Elle connaît bien l’endroit. C’est sa troi sième mission à Dubaï, elle parle couramment l’anglais et l’arabe. Elle connaît aussi le directeur de l’établissement, discute avec trois de ses amis qui lui offrent une consommation en début de soirée. Vers minuit, lorsqu’elle commande un taxi pour rentrer à son hôtel, les trois amis du directeur lui proposent de la raccompagner. « Elle ne s’est pas méfiée, ces hommes n’avaient pas cherché à la draguer, c’étaient des connaissances du patron de la boîte, donc des gens de confiance », explique une amie du comité de soutien à Limoges (1). Ils l’embarquent dans un quartier excentré, la violent à tour de rôle avant de la raccompagner à son hôtel au petit jour. Touria Tiouli hésite, puis finit par porter plainte, se croyant protégée par son statut de Française et ses liens professionnels avec la mission économique du consulat de France à Dubaï. « Je pleurais, et j’ai vite compris que mon récit n’émouvait pas du tout les policiers », raconte-t-elle à Libération, par téléphone.
Le lendemain, les policiers la convoquent pour un complément d’information, lui passent les menottes et la conduisent à la prison des femmes de Dubaï. Deux de ses agresseurs ont été interpellés, mais, sur la foi de leurs déclarations, c’est elle qu’on accuse : de s’être prostituée, d’avoir con sommé de l’alcool et d’être montée avec des inconnus en voiture. Elle est finalement inculpée de « relation sexuelle adultérine », un des interpellés ayant reconnu une relation sexuelle « consentie ». D’après une source proche du consulat, le troisième homme, celui qui n’a pas été interpellé, appartiendrait à une « très bonne » famille de Dubaï. Selon la charia, en vigueur aux Emirats arabes unis, toute relation sexuelle hors mariage est adultérine.
« Je ne dors plus. » Touria a passé cinq jours en détention. Le consulat français l’a fait libérer sous caution, mais elle n’a pas le droit de quitter le pays, son passeport est retenu par les autorités de Dubaï, en l’attente du procès. Elle risque six mois de prison, et ne prend pas cette menace à la légère : « J’ai peur, je ne dors plus. » L’Union des Français à l’étranger (UFE) lui a trouvé un hôtel-résidence, lui apporte une aide financière pour sa nourriture et ses frais médicaux. « Cette femme a subi un concours de circonstances malheureux. On est dans un pays musulman, même si elle est française, pour eux, elle est musulmane et marocaine », explique une des représentantes de l’UFE de Dubaï. Les origines marocaines de la jeune femme atténuent de fait la portée de la protection du consulat de France. « Et il faut savoir qu’aux Emirats, les autres Arabes, mais surtout les Maghrébins, sont considérés comme des sous-citoyens. Parmi cette sous-caste, les Marocaines ont la réputation d’être des prostituées, car beaucoup d’Emiratis se rendent au Maroc pour consommer des jeunes filles ou des jeunes garçons », explique un spécialiste du Golfe.
Les autorités françaises estiment avoir apporté à Touria Tiouli la protection à laquelle tous leurs ressortissants ont droit. Elles lui ont trouvé un avocat qui veut bien assurer sa défense, tous ceux de la ville contactés par ses proches ayant refusé. « Ses droits à la défense sont assurés », assure Paris, alors que, sur place, des compatriotes estiment que cette défense est toute formelle, les avocats locaux étant peu enclins à défendre une étrangère qui accuse un Emirati. A Paris, on pense qu’il faut éviter de faire de cette histoire « une affaire d’honneur national : il convient de ne pas heurter les sentiments religieux des Emirats ».
Relations tendues. En 1995, l’intervention de personnalités françaises Marie- Claire Mendès France et Gisèle Halimi dans l’affaire Sarah Balabagan, la petite bonne philippine condamnée à mort pour avoir tué son employeur qui voulait la violer, avait tendu les relations entre les deux pays. L’ambassade des Emirats en France avait publié un communiqué dans la presse française où il était rappelé que « dans cette affaire, on se réfère à la loi divine et à la charia. La justice aux Emirats arabes unis ne fait pas de discrimination de sexe, de race ou de religion ». En 1996, un chrétien libanais y a été condamné à un an de prison ferme et 39 coups de fouet pour avoir épousé une musulmane émiratie.
Cela fera bientôt trois mois que Touria Tiouli n’a pas vu son fils. Elle ne sait pas quand elle sera jugée. Personne ne parle plus du viol qu’elle a subi.
(1) roddeschmittb@aol.com
Libération France
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