L’islamisme marocain entre partage du pouvoir et terrorisme

6 octobre 2003 - 18h04 - Maroc - Ecrit par :

La montée de l’islamisme au Maroc, dont témoignent aussi bien les bulletins de vote que la découverte de réseaux intégristes, fait apparaître une mouvance divisée entre l’aspiration au partage du pouvoir et la tentation de la révolte, voire du terrorisme.

Plus de quatre mois après les attentats-suicide du 16 mai qui ont fait 45 morts, dont 12 kamikazes, à Casablanca (100 km au sud de Rabat), les autorités s’efforcent de distinguer "bons" et "mauvais" islamistes en laissant s’implanter les premiers dans le paysage politique du royaume tout en poursuivant une répression sans merci contre les seconds.

Des élus du parti islamiste de la Justice et du Développement (PJD) viennent d’arriver pour la première fois à la tête de municipalités marocaines, après les élections communales du 12 septembre où ils avaient pourtant présenté un nombre réduit de candidats.

"Nous ne faisons plus peur aux Marocains qui ont, en bien peu de temps, appris à nous connaître", affirme un responsable du PJD, ajoutant que son parti s’efforçait de "rassurer les pouvoirs publics comme les investisseurs étrangers".

Après de laborieuses tractations politiques qui ont suivi les communales, des islamistes ont pris la tête des conseils municipaux de plusieurs villes moyennes, comme notamment dans la cité impériale de Meknès (est), berceau de la monarchie alaouite.

Le PJD a annoncé son intention de faire de cette ville un "modèle de bonne gouvernance", prenant date implicitement pour de futures échéances politiques et s’inscrivant dans une logique de conquête démocratique, comme son homonyme de Turquie parvenu au pouvoir lors des législatives du 3 novembre 2002.

Les adversaires du PJD, à commencer par l’Union socialiste des forces populaires (USFP) - l’un des principaux soutiens de gouvernement de Driss Jettou - ont taxé d’hypocrisie ces islamistes politiques qui arborent la barbe et souvent le costume trois pièces.

Ils les accusent d’avoir fait le lit des intégristes en dénonçant les "dérives occidentales" de la société marocaine, et d’être "moralement responsables" de l’apparition de la violence, et en particulier des attentats de Casablanca.

Le passage à l’acte de l’intégrisme radical, jusqu’alors cantonné dans les prêches et dans une abondante littérature islamiste, a donné lieu à une vaste enquête et à la mise au jour de réseaux terroristes qui préparaient, selon la police, des attentats dans tout le royaume.

Ces révélations, et les grands procès qui se poursuivent contre des centaines d’intégristes, notamment les membres présumés de l’organisation "Salafia Jihadia", semblaient devoir porter un coup sévère à l’aile politique du camp islamiste.

C’est le calcul que faisaient le pouvoir et les partis traditionnels, déjà échaudés par la percée du PJD aux législatives de septembre 2002, où il était devenu la première force d’opposition parlementaire.

Mais les suites du scrutin communal à mis fin à cet espoir, confirmant l’influence croissante d’un PJD soucieux de sérieux et de respectabilité, devenu fin négociateur politique. Ses succès en milieu urbain - pas limités aux quartiers périphériques déshérités - en ont fait un interlocuteur incontournable dans bon nombre de communes.

Les partis traditionnels, et singulièrement ceux de la coalition gouvernementale, ont offert de leur côté le spectacle de leurs rivalités internes et n’ont pas su faire respecter la discipline de vote du camp majoritaire.

Le Journal Hebdomadaire (indépendant), a publié une analyse selon laquelle la monarchie aurait décidé de tirer les conséquences de cette nouvelle donne politique. Un renversement d’alliances gouvernemental au profit des islamistes lui fournirait un meilleur point d’appui pour contrôler l’islam radical.

En forme de réponse, le secrétaire général adjoint du PJD, Saâd Eddine Othmani a assuré à l’AFP que l’entrée du PJD dans un gouvernement marocain "n’est pas discutée au sein du parti". Mais il a veillé à ne pas fermer la porte : "le jour où une proposition de participation nous sera soumise, a-t-il ajouté, les instances du parti l’étudieront".

AFP

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : Terrorisme - Religion - Elections - Attentats de Casablanca

Ces articles devraient vous intéresser :

Il y a 13 ans, Imad Ibn Ziaten était assassiné par Mohamed Merah

Toulouse accueille ce mardi 11 mars l’hommage national aux victimes du terrorisme. Latifa Ibn Ziaten, dont le fils Imad a été assassiné par Mohamed Merah il y a treize ans, est une figure active de la lutte contre la radicalisation et de la promotion...

Coup de filet au Maroc contre une cellule terroriste planifiant des attaques

Cinq individus, âgés entre 22 et 46 ans, soupçonnés d’appartenir à l’organisation terroriste Daesh et de préparer des attentats contre des installations vitales et des institutions sécuritaires, ont été arrêtés par les forces de sécurité marocaines.

Fin de la collecte d’argent dans les mosquées marocaines

Au Maroc, le conseil du gouvernement a récemment approuvé un projet de décret relatif à l’organisation des opérations de collecte de dons auprès du public et à la distribution d’aides à des fins caritatives. Il ne sera plus possible de collecter des...

Les MRE pas près de voter

Interpellé par un groupe parlementaire sur le droit des Marocains résidant à l’étranger (MRE) à participer aux élections au Maroc, Abdelouafi Laftit, ministre de l’Intérieur a répondu sans détour.

Début de Ramadan au Maroc : décision ce dimanche

Les Marocains sont fixés ce dimanche 10 mars sur le début et la fin du ramadan. Quand commence le mois sacré au Maroc ?

Les Marocains fêteront-ils l’Aid Al-Adha cette année ?

Abderrahmane Mejdoubi, président de l’Association nationale des éleveurs d’ovins et de caprins (ANOC), dément les rumeurs selon lesquelles le cheptel national en ovins et caprins serait « très en deçà » de la demande pour l’Aïd Al-Adha 2025.

Ramadan 2024 au Maroc : voici le montant de la Zakat

Le Conseil supérieur des Oulémas a fixé, il y a quelques jours, le montant minimum de la Zakat Al Fitr au titre de l’année 2024/1445.

Le chanteur Ihab Amir au cœur d’une polémique

Une réponse du chanteur Ihab Amir à un de ses abonnés Instagram suscite la controverse au Maroc.

L’Aïd al-Adha annulé au Maroc : réponse ferme d’un érudit marocain

Face aux critiques des observateurs extérieurs opposés à l’annulation l’Aïd al-Adha au Maroc, Cheikh Mustapha Benhamza, membre du Conseil supérieur des oulémas du royaume, apporte des éclaircissements.

Voici les dates de début et de fin du ramadan au Maroc

Les dates de début et de fin du mois sacré de ramadan au Maroc sont désormais connues.