Conseil supérieur des MRE : le nouveau "beau-joli" est arrivé !

15 novembre 2006 - 14h17 - Economie - Ecrit par : L.A

A l’occasion du 31ème anniversaire de la Marche verte, Sa majesté Mohamed VI vient d’apporter une réponse pour le moins intelligente à la question de la représentativité des MRE au sein de l’édifice institutionnel marocain. Cela soulage les angoisses du segment le plus générateur d’innovation et de production de devises. La décision royale de créer un Conseil supérieur de la communauté marocaine constitue un tournant dans le devenir migratoire du Royaume. Chronique d’une longue histoire de quiproquos.

Dans le monde entier, l’émigration est considérée comme une défaite. Chez nous, elle est le signe de la réussite. Il n’existe plus un seul foyer marocain qui n’a pas tenté d’envoyer un ou plusieurs de ses enfants outre mer. Pourtant, donner du dos à son pays pour aller chercher l’accomplissement ailleurs est en soi une altération sérieuse du destin d’un peuple. Nos enfants iront jusqu’à livrer leur vies aux vagues et, pour certains, aux poissons carnivores. Malgré cette réalité, nous chantons sur tous les toits notre fierté d’avoir acculé plus de 10% de notre peuple à vivre hors de leur patrie.

TME, RME, MRE, puis MDM…des signes cabalistiques qui désignent cette tragédie culturelle, civilisationnelle, démographique et sociologique dont pâtit la fine fleur de notre population. La première génération d’émigrants a égaré son existence sur des aires culturelles qui se sont jouées de ses repères, de ses rêves et de sa jeunesse. La seconde génération a été acculée à sacrifier une part substantielle de sa dignité sud-méditerranéenne, arabe, musulmane, berbère…pour satisfaire aux règles de vie communes qui lui sont culturellement étrangères et dont l’accumulation historique leur échappe. Quant à la troisième génération, elle a émergé dans une réalité banlieusarde qui en a fait des parias aux yeux des populations européennes. « Il n’y a pas de quoi être fier. Nous avons été sacrifiés au triomphe de la galaxie occidentale. Tout ce que nos compatriotes attendent de nous, c’est notre fric. Nous sommes acculés à une intégration qui a fini par devenir une assimilation. Le pire est que les Marocains de l’intérieur continuent à nous considérer comme des OVNI ou plutôt des SVNI (sujets volants non identifiés). Ils se moquent de notre parler, de notre vécu, de notre look…tout en nous jalousant », affirme Khalil.

Le regard porté sur ces jeunes MRE est, en effet, pour le moins méprisant. D’autant que l’administration, les ONG et le commun des Marocains continuent à trimbaler une image périmée de l’émigré. On lui offre le paternalisme infantilisant quand il ne demande que le respect citoyen. « Cela s’apparente à une grande arnaque. Sur nos lieux de vie, nous ne rencontrons jamais la panoplie des organismes et autres organisations civiles ou officielles. Les consulats et les ambassades ne comptent pas un seul jeune MRE. Il n’y a là que des fonctionnaires totalement ignorants de notre quotidien de « rebeu ». Ils nous opposent une indifférence pétrie de suffisance. Nos rapports ne dépassent pas le document administratif. Rien qui puisse répondre à nos questionnements identitaires ne les intéresse. Ils sont généralement là pour ramasser le paquet en quatre ans. De quoi acheter un logement au bled. L’arnaque est visible à l’œil nu : « envoyez le fric et allez en dépenser au Maroc lors de vos vacances ; vos états d’âme nous importent peu ! », semblent-ils nous dire. D’ailleurs les délégations des banques marocaines se sont ruées sur des locaux attenant aux consulats », nous confie Abdelouahed.

En réalité, les gouvernements successifs marocains n’ont jamais pris le temps de remettre en question leur approche de la « chose immigrée ». Les transferts pleuvent et cela suffit à leur bonne conscience. Plus le chiffre de ces transferts augmente, moins le désir de voir ce qui se passe derrière est présent. Durant des décennies, les fameuses « amicales de TME » ont sévi en connivence avec les représentations diplomatiques et consulaires. Plus tard, lorsque la question de la place de l’islam dans les sociétés européennes a émergé, les gouvernements marocains investirent le champ culturel des pays d’accueil par organisations islamiques interposées. Le fameux épisode de la taxe halal sur la viande a révélé l’activisme irresponsable du duo Basri-Mdaghri au sein du paysage islamique français.

Aujourd’hui, à l’ère de la collusion criminelle entre la mafia de la drogue et celle des pateras, l’Etat marocain s’est trouvé démuni de tout moyen d’assainissement du champ migratoire parce qu’il a longtemps refusé de revoir sa copie en la matière. Le ministère chargé des MRE et la Fondation Hassan II continuent à moudre le vent, consacrant des fonds substantiels à des actions désuètes pour ne pas dire futiles : Nul accompagnement des retours définitifs de nos jeunes compatriotes revenus d’ailleurs n’est juridiquement et institutionnellement standardisé et mis en place ; l’enseignement adapté à ce segment de Marocains est honteusement laissé à la seule discrétion des institutions françaises établies sur le territoire national ; la justice est sourde aux appels d’ouverture vers ce même segment ; les autorités locales, en dehors de la journée annuelle piteusement consacrée aux MRE, se contrefoutent des attentes réelles de ces derniers ; l’administration les pompe jusqu’à la moelle pour délivrer les documents les plus basiques…

Du coup, nombre d’entre ces « Marocains d’ailleurs » a rebroussé chemin pour échapper au mépris systématique. « Venez investir et fermez vos gueules ! » tel semble être le credo des responsables locaux et nationaux. Les recours ne sont pas fiables et les tribunaux sont peuplés d’ignares qui, sortis du traintrain bureaucratique, opposent la nullité des procédures engagées par les MRE spoliés. Même les avocats, majoritairement arabisants, posent un regard vorace et méprisant sur ces « zmagria » qui empêchent la machine corruptive de tourner en rond. Le cas d’Omar Loubiri, condamné à trois mois de prison avec sursis, uniquement pour avoir bloqué le paiement d’une prestation non-conforme à sa commande est riche en enseignements. Son avocat n’a pas déposé une demande de décision judiciaire destinée à bloquer la somme auprès de sa banque ; le procureur a vite assimilé le litige à un simple chèque sans provision. Quelle surdité mentale et, surtout, quelle légèreté ! Se jouer ainsi de la dignité des citoyens les plus performants, les plus entreprenants et, pour tout dire, les plus patriotes, est pour le moins inqualifiable. Pourtant, ces auxiliaires de justice et ces magistrats ne peuvent ignorer le fait que l’apport des MRE est au Maroc ce que le pétrole est à nos voisins algériens. La soustraction des cinq milliards de bons dollars transférés par les MRE à la balance des paiements marocains équivaudrait à décréter la faillite de l’économie marocaine. Pourtant, rien n’est prévu pour la représentativité institutionnelle ni même pour la simple écoute de nos concitoyens les plus méritants.

En vérité, toute cette affaire a mal commencé au lendemain de l’indépendance : des sergents recruteurs sont venus, comme en terra nullus, examiner, à la manière des vétérinaires auscultant le bétail, les biceps, les triceps et la dentition de nos compatriotes embarqués sur des camions par paquets de cinquante pour être téléportés sur les chantiers de la reconstruction de l’Europe dévastée par la guerre. Depuis, la même politique de traque de leurs revenus est suivie avec application. Cette génération étant aujourd’hui en voie d’extinction, ses descendants subissent la même incandescence doublée de paternalisme malsain. Malgré le constat d’un tel forfait cinglant, pour ne pas dire d’une forfaiture, les plus « illuminés » de nos gouvernants osent crier victoire ! Victoire sur le bon sens, en vérité. Car, le fait même d’applaudir à la dévitalisation de notre peuple après l’avoir piteusement abandonné au racisme et à la xénophobie des droites et autres extrême-droites nord-méditerranéennes constitue un forfait des plus honteux. Un peuple ne peut être fier de l’abandon de sa composante la plus dynamique. Les « Marocains d’ailleurs » ne veulent pas du souk organisé à la faveur de leur transit. Ils ne veulent pas des émissions audiovisuelles démagogiques et infantilisantes construites dans l’urgence sinon dans l’ignorance totale de leurs aspirations les plus légitimes. Les requêtes et les demandes d’enquêtes réceptionnées par le ministère des MRE et la Fondation Hassan II sont sanctionnées par des espèces de bordereaux d’envoi types qui trouvent leur issue finale dans les poubelles des administrations et des ministères publics. De deux choses l’une : soit cette portion de notre peuple est toujours considérée comme des nôtres, et il faut alors daigner l’écouter et enfin cesser de réfléchir en son lieu et place, soit elle ne représente qu’un tiroir-caisse bon à combler les déficits publics, et il faut avoir le courage de le lui signifier. Continuer à lui chanter les berceuses d’un nationalisme périmé sans consentir à lui donner la parole, c’est proprement lui dire notre mépris et insulter son intelligence.

Par ailleurs, le cortège des jeunes et moins jeunes MRE qui ont regagné le Royaume pour y investir et s’y investir attend toujours d’être, sinon remercié pour son courage entrepreneurial, du moins écouté au registre de sa loyale et pragmatique réinsertion. Ils sont, en effet, quelques 200.000 à avoir franchi le pas du retour définitif à la patrie d’origine. Aucune étude n’a été entreprise à ce jour pour quantifier et qualifier cet apport incommensurable à l’économie et à l’emploi dans notre pays. Des états généraux ont-ils été organisés à cet effet ? Un colloque national ? Oualou de chez oualou ! Un haut responsable a même eu l’outrecuidance – que dis-je ? l’insolence – de péter cette phrase immonde : « Les Marocains vivent toute l’année sans les « facances ». Ils peuvent très bien s’en passer ! » Que mérite un tel langage irresponsable ? Le conseil de discipline ? Une gifle ? Un crachat sur le visage ? Le mépris et l’interdiction définitive de toucher à la chose publique !

Les élections législatives approchent. Qu’avons-nous aménagé pour inclure les voix de nos compatriotes restés là-bas ou retournés dans leur pays ? Que vaut la représentativité d’un parlement qui exclue de son enceinte plus de 10% des citoyens ? Qu’est-ce que cet Etat aspirant au droit qui ne reconnaît point institutionnellement ses enfants les plus entreprenants ?

« Nous ne nous laisserons pas « bouffer » comme l’ont été nos pauvres parents. Nous réhabiliterons leur mémoire et feront reconnaître solennellement leurs sacrifices par la Nation toute entière. Nous gardons foi en nous-mêmes et en Sa Majesté qui a eu le courage d’annoncer publiquement sa volonté d’accorder la transmission par la femme marocaine de sa nationalité. Deux pas géants sur la voie de notre intégration pleine et entière dans le pays de nos racines », assure Fouad. « Un pas autrement plus historique est bien celui d’assurer la représentativité pleine et entière des MDM au cœur même de la configuration institutionnelle marocaine. Merci Sidna d’avoir répondu aussi magistralement à une si longue attente ! », conclut-il.

Le choix de confier au Conseil consultatif des droits de l’homme la responsabilité de mettre en musique la décision royale de bâtir la charpente du Conseil supérieur de la communauté marocaine constitue est beau. Joli coup ! Le « beau joli » est arrivé. Bienvenue !

La Gazette du Maroc - Abdessamad Mouhieddine

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