A Lille, les jeunes filles voilées vivent le lycée musulman comme une chance

19 février 2007 - 00h00 - Maroc - Ecrit par : L.A

Celui de Fatima est long et bicolore. Il couvre ses cheveux et sa poitrine. Elle le porte depuis qu’elle a 7 ans et il a failli lui coûter sa scolarité. "Jusqu’en 6e, j’enlevais mon voile en arrivant aux grilles de l’école, raconte la jeune fille. Puis, c’est devenu trop compliqué. J’ai fini le collège grâce aux cours par correspondance." Fatima est aujourd’hui scolarisée en 1re ES ( économique et social) au lycée Averroès de Lille, le seul lycée musulman de France, ouvert en 2003. "Vous n’imaginez pas mon soulagement quand je suis entrée ici : je peux porter mon voile, les enseignants me regardent comme une élève et non pas comme "une fille voilée" et je peux étudier tout en étant dans un environnement musulman. Seule chez moi, je ne suis pas sûre que j’aurais eu mon bac."

Comme Fatima, la plupart des 83 élèves d’Averroès, dont une écrasante majorité de filles, savourent leurs conditions d’études. "Comme beaucoup ici, j’ai toujours été dans le privé catholique car mes parents recherchaient un enseignement de qualité et de la discipline mais j’y étais la seule arabe", confie Sonia, une élève de seconde, ravie de pouvoir arborer son foulard noir et blanc serré sur le front.

Dons "exclusivement français"

"Nous suivons les programmes de l’éducation nationale, tout en respectant la religiosité des élèves. Les vendredis après-midi sont libérés pour la prière et nous proposons deux heures d’éducation religieuse, en plus des cours. Nous espérons passer sous contrat avec l’Etat au bout des cinq années d’existence exigées", explique Hassan Oufker, directeur du lycée. Ancien professeur de mathématiques dans le public, il a rejoint l’équipe il y a deux ans, soucieux de "participer à l’installation de l’enseignement privé et à l’intégration de l’islam en France".

Car, si la loi de mars 2004 qui interdit le port du voile à l’école publique, a rendu plus criante la nécessité d’ouvrir des établissements scolaires musulmans, la demande sociale monte depuis quelque temps. "C’est une évolution naturelle de la sociologie musulmane, analyse Amar Lasfar, recteur de la mosquée de Lille, qui a lancé le projet du lycée dès 1994. Après la construction de lieux de culte dignes, une population de 5 millions de personnes a besoin d’écoles. Et, avec Averroès, je ne fais qu’occuper le terrain que m’offre la laïcité."

Les promoteurs du lycée se placent en effet sur le terrain du droit des confessions à ouvrir des établissements sous contrat avec l’Etat. Depuis sa création, Averroès doit pourtant batailler contre les soupçons "d’intégrisme", aggravés par sa situation géographique. Littéralement intégrées aux bâtiments de la mosquée nichée derrière une façade en briques rouges, les classes partagent, avec la grande salle de prière réservée aux femmes, un étage du bâtiment. "Nous cherchons un terrain pour bâtir ailleurs et plus grand, confirme M. Lasfar. Car, le fait que nous soyons dans la mosquée alimente les fantasmes d’école coranique et de cours rythmés par la prière."

Les craintes de voir "la main de l’étranger" former de jeunes Français sont aussi balayées par M. Lasfar. Il assure que le budget annuel (450 000 euros) est financé par des dons privés "et exclusivement français". Pour la rentrée prochaine, quarante demandes ont déjà été enregistrées. Avec 75 % de réussite aux bacs S et ES en 2006, le lycée affiche une certaine fierté. D’autant que les filles ont pu passer les épreuves en conservant leur voile.

Le Monde - Stéphanie Le Bars

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