Les banques françaises perdent du terrain au Maroc

26 août 2008 - 23h56 - France - Ecrit par : L.A

Un effort d’investissement marginal comparé au trio de tête. Une réactivité tardive sur l’immobilier et la niche des MRE. Les filiales des banques françaises au Maroc dorment-elles sur leurs lauriers ? Un chiffre rend compte de la réalité du terrain. Les trois ténors du système bancaire marocain ont ouvert 210 agences en 2007 contre à peine 57 ouvertures pour les banques françaises.

A ce rythme, la part de 22% détenue par les étrangers dans les actifs des banques marocaines risquent de se réduire beaucoup plus vite que ne le prévoyait les rapports émis sur le secteur.

Ces indicateurs de la Banque centrale marocaine sont encore plus éloquents quand ils traitent des acteurs sur le plan individuel. L’on note ainsi que parmi les banques françaises, c’est Crédit du Maroc, détenue majoritairement (52%) par le Crédit Agricole, qui est la plus active des filiales françaises présentes sur le royaume en termes d’extension de réseau, avec un maximum de 30 agences ouvertes en 2007. Un effort qui se rapproche de celui de la BMCI (BNP Paribas) avec 27 agences, mais qui dépasse de loin celui de la SGMB, une institution qui n’a pratiquement pas ouvert d’agences au Maroc en 2007. Si la tendance persiste, les banques françaises, qui contrôlaient 47% des parts de marché du secteur en 2007, pourraient encore perdre du terrain.

Un mouvement quasi inéluctable

Pour le responsable documentation d’une grande banque de la place, « ce mouvement est quasi inéluctable : les banques marocaines consacrent plus d’efforts dans l’ouverture d’agences, engagées avant tout dans des efforts de bancarisation de leurs réseaux et d’extension en milieu rural. A l’inverse, précise-t-il, les banques françaises se cantonnent dans le milieu urbain, en ciblant de préférence une clientèle d’un certain niveau. » Il s’agit donc de deux dialectiques différentes, avec d’une part une institution voulant participer à l’effort national de bancarisation, et de l’autre une banque classique qui continue d’anticiper les besoins de ses clients PME-PMI, notamment en matière d’assurance et de crédit à l’export.

Vu sous cet angle, l’évolution de ces banques françaises est d’abord qualitative, orientée vers l’implémentation des nouveaux services pour les particuliers (produits d’épargnes sophistiqués) et pour les entreprises (assurance crédit à l’export). Laquelle de ces stratégies est la plus rentable ? Les avis sont partagés, mais, note un cadre du CIH, filiale du Groupe Caisse d’Epargne avec, au compteur, zéro agence ouverte en 2007, « les banques marocaines auront tendance à recruter plus facilement une clientèle rurale et périurbaine demandeuse de services bancaires de base. Mais quand récupéreront-ils leurs investissements ? » Une question qui trouve peu de réponses auprès de nos interlocuteurs du secteur, persuadés qu’un investissement effréné est naturellement source de profits et de collecte de dépôts non rémunérés, mais c’est aussi – du moins dans les premières années d’investissement – source de coefficient d’exploitation relativement élevé. C’est le cas de la BMCE, qui a ouvert 72 agences en 2007, soit 15 de plus qu’Attijariwafa Bank avec ces 57 agences. Notons enfin que la BCP reste en tête avec 81 agences ouvertes en 2007.

La belle mariée

De l’autre côté, poursuit le cadre du CIH, « les banques françaises qui sont présentes en général sur l’axe Casa-Rabat et les villes touristiques que sont Marrakech, Agadir, Fès et Tanger, compteront toujours sur une clientèle aisée qui fait des mouvements de compte élevés. Mais elles doivent investir certainement deux à trois fois plus dans la relation pour fidéliser le client et le conserver. » Au-delà des aspects techniques, l’expert et consultant Belkacem Boutayeb souligne aussi cette « donne culturelle des banques françaises qui n’ont pas encore compris que le Maroc est une plateforme idéale pour le Maghreb et l’Afrique subsaharienne. Il n’y a pas de politique agressive envers le client. Or, le label banque française à lui seul n’est plus aussi vendeur que par le passé. Le client est devenu une belle mariée qui s’offre au plus offrant. »

Sophistication

Ce goût de « sophistication » (un mot employé par un chargé de clientèle haut de gamme d’une agence située sur la corniche casablancaise) coûte cher en tout cas aux banques françaises qui n’arrivent plus à anticiper les grandes tendances du moment. Comment expliquer que dans l’immobilier la SGMB n’ait lancé ses offres qu’après coup, au beau milieu de la vague, que BMCI Finance n’ait pas encore pris son envol dans son rayon d’activité ? Avec deux fois et demie moins d’agences que leurs homologues marocaines, les filiales des banques françaises devront déployer autant d’efforts pour conserver leurs parts dans l’immobilier ou, intérêt tardif, capter quelques travailleurs marocains à l’étranger à la recherche de la meilleure offre.

Source : Les Afriques - Adama Wade

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