Belgique : blocage de l’ascension sociale pour les immigrés

31 janvier 2005 - 18h52 - Belgique - Ecrit par :

La Gazette du Maroc : comment se concrétise la discrimination à l’embauche en Belgique ?

Rachid Madrane : Aujourd’hui, à Bruxelles comme en Flandres et en Wallonie d’ailleurs, la segmentation du marché du travail selon les catégories nationales ou allochtones est bien réelle. Si l’on se réfère à une récente étude de l’université catholique de Louvain, on constate que les ressortissants masculins marocains continuent à travailler dans l’industrie, et principalement dans les secteurs pour lesquels ils avaient été recrutés à l’époque.

Les plus jeunes n’ont guère changé de secteurs. Ils produisent la main-d’œuvre pour ces secteurs, mais parfois avec un indice de concentration plus faible. Les femmes marocaines quant à elles se retrouvent aussi dans les secteurs industriels (textile, confection, …) mais principalement dans la catégorie du travail intérimaire (service aux entreprises ), les hôpitaux, les soins de santé et les services sociaux. A noter aussi et c’est significatif, qu’il ressort également de l’étude que les “nouveaux Belges” n’abandonnent guère les secteurs où les travailleurs immigrés travaillent habituellement. Alors qu’ils pourraient bénéficier de droits égaux à ceux des Belges autochtones et accéder aux emplois publics (administration, enseignement…), il restent de façon manifeste sous-représentés dans ces secteurs. Ce n’est que dans le secteur “hôpitaux/soins de santé” à Bruxelles qu’une percée est manifeste. L’ethnostratification du marché du travail bruxellois est donc bien réelle. La position des Belges de souche est bien meilleure que celle des ressortissants marocains et avec eux les Turcs ou des populations africaines.

Peut-on donc réellement parler d’une volonté de blocage de l’ascension sociale pour les immigrés ?
Je pense que oui, il y a manifestement une sorte de “plafond de verre” qui bloque l’ascension sociale de nombre de nos concitoyens d’origine étrangère, notamment Marocains, discriminés en raison de leur patronyme, de la couleur de leur peau ou de leur appartenance supposée à un groupe ethnique. Ils sont exclus de pans entiers de la sphère économique et de l’administration publique et lorsqu’ils parviennent à entrer, ils sont en général surdiplômés ou utilisés dans des fonctions subalternes largement en-deçà de leur niveau d’études. Sans vouloir généraliser, il y a encore des secteurs importants de la fonction publique qui n’ont pas encore réalisé le changement sociologique et démographique de ce pays. Heureusement, les choses évoluent positivement ici et là mais trop lentement à mon goût. Aujourd’hui, les députés d’origine étrangère représentent, cependant, un poids politique important et nous sommes bien décidés à faire changer les choses d’autant plus que c’est inscrit dans la déclaration gouvernementale.

Vous avez proposé la rédaction d’une "charte de la diversité" à l’image de celle établie en France. Cette charte n’est-elle pas en contradiction avec "la politique de préférence communautaire" au niveau de l’UE ?
Je ne le pense pas. L’idée est de sensibiliser les responsables des ressources humaines à la diversité. C’est symbolique mais c’est important. Il s’agit de faire prendre conscience des enjeux économiques et sociaux de la diversité. En France, 40 entreprises tant publiques que privées (Axa, Adecco, Radio France, France télévision, SNCF, Canal+, Schneider électrique, IBM, Total, RATP, Carrefour, Casino, Peugeot-Citroën,…) ont signé la charte de la diversité. Elles se sont engagées à former et sensibiliser les dirigeants et les collaborateurs des ressources humaines aux enjeux de le non-discrimination, promouvoir l’application du principe de non-discrimination sous toutes ses formes et dans toutes les étapes de gestion des ressources humaines, enfin chercher à refléter la diversité de la société et notamment sa diversité culturelle et ethnique aux différents niveaux de qualification.

Vous avez réfuté, dans votre intervention, le système des quotas dans l’accès au travail. Quelles seraient les conséquences d’une telle approche ?
En tant que socialiste et internationaliste, je refuse les quotas car c’est une approche communautariste. Par ailleurs, dans le modèle anglo-saxon qui développe les quotas, on a constaté que dans la population afro-américaine ce système des quotas favorise d’abord et avant tout la classe bourgeoise. Je pense qu’il faut des actions positives et volontaristes et je suis plutôt favorable à des quotas territoriaux. Favoriser l’engagement des jeunes issus des quartiers défavorisés plutôt que des d’origines marocaine, turque ou autre. C’est l’inégalité sociale qu’il faut combattre. Les pauvres vivent les mêmes problèmes quelle que soit leur nationalité ou leur origine.

La Gazette du Maroc

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : Belgique - Intégration - Emploi - Immigration

Ces articles devraient vous intéresser :

Une lettre particulière d’Amine et de Yasmine à Emmanuel Macron

Dans une correspondance, Amine et Yasmine, deux enfants de huit ans expriment des inquiétudes quant à l’avenir de Casino Saint-Étienne où travaillent leurs parents et demandent au président de la République française Emmanuel Macron de sauver le groupe.

Ouverture exceptionnelle de la frontière entre le Maroc et l’Algérie

La frontière entre l’Algérie et le Maroc a été exceptionnellement ouverte cette semaine pour permettre de rapatrier le corps d’un jeune migrant marocain de 28 ans, décédé par noyade en Algérie.

Statut d’auto-entrepreneur au Maroc : après l’euphorie, le flop ?

Lancé en 2015, le statut auto-entrepreneurs semble ne plus être une solution à l’informel et au chômage. Le bilan en est la parfaite illustration.

Investissements massifs au Maroc, 76,7 milliards de dirhams, 20 000 emplois

La Commission nationale des investissements a donné son aval à une série de 21 projets. L’investissement global de ces projets s’élève à 76,7 milliards de dirhams, l’équivalent de 6,98 milliards d’euros, selon un communiqué officiel du gouvernement.

Spirit Aerosystems renforce ses effectifs marocains

Après une pause en 2021, les recrutements ont repris au Maroc chez l’Américain Spirit Aerosystems, leader mondial de la fabrication des aérostructures pour l’aviation civile et militaire. Déjà de dizaines de personnes recrutées.

La police marocaine recrute

La Direction générale de la sûreté nationale (DGSN) a annoncé un grand concours de recrutement de plusieurs grades au sein du corps de la police. Le concours aura lieu le 16 juillet à Rabat et dans d’autres villes si nécessaire. Au total, 6 607...

Les Marocains partiront à la retraite plus tard

Le Maroc s’est engagé dans la voie de réforme de son système de retraite visant à rétablir l’équilibre financier des régimes. Et l’une des principales dispositions du nouveau texte est le relèvement de l’âge de départ à la retraite à 65 ans. La...

Voici le nombre de fonctionnaires civils au Maroc

Les données inscrites dans le rapport sur les ressources humaines accompagnant le projet de loi de finances (PLF) de l’année 2023 indiquent que le Maroc compte 565 429 fonctionnaires civils cette année.

27 000 Marocains ont quitté le Maroc en 2022 pour travailler à l’étranger

Quelque 27 000 Marocains ont quitté le pays en 2022, selon le ministre de l’Inclusion économique, de la Petite entreprise, de l’Emploi et des Compétences, Younes Sekkouri. Ce sont des départs réguliers via des canaux officiels.

Royal Air Maroc recrute

Royal Air Maroc (RAM) a lancé via sa filiale Atlas multi services (AMS), une opération de recrutement de personnel navigant commercial au Maroc. Le dernier délai de l’appel à candidatures est fixé au 1ᵉʳ décembre prochain.