Les premiers détails de la réforme de la caisse de compensation

1er juillet 2008 - 13h04 - Economie - Ecrit par : L.A

Nizar Baraka a tenu parole, du moins partiellement. Dès son arrivée à la tête du ministère des affaires économiques et générales (MAEG), il avait fait de la réforme de la Caisse de compensation son action majeure. Au terme d’un travail qui a duré plusieurs mois, les réflexions se sont peu à peu structurées et les équipes en charge du dossier ont fini par s’entendre sur un premier schéma global. La réforme, contrairement à ce que l’on aurait pu penser, ne sera pas globale mais plutôt segmentée et par palier. C’est ainsi que les premières mesures concrètes seront annoncées incessamment.

Parmi celles-ci, des sources au ministère en citent trois. Elles concernent le sucre et la farine nationale de blé tendre (FNBT). Ainsi, dans les semaines qui viennent, les sacs de FBNT écoulées dans le commerce de détail porteront le prix de vente visible en gros caractères. « Aujourd’hui, on parle de la FNBT mais elle est introuvable ou quand le commerçant en a, il ne la vend pas au prix réglementaire », explique-t-on au ministère des affaires économiques.

Ce ne sera plus le cas. Mais la mesure, bien qu’elle fasse l’unanimité, requiert quelques menus réglages avant d’être rendue publique. En effet, qui dit estampillage des sacs dit coût supplémentaire. Or ce coût, « il faut que l’on sache qui est la partie qui va le supporter », indique un haut cadre du ministère qui précise que « ce ne sera pas le consommateur final de toutes les manières », le département souhaitant vraisemblablement que ce soient les minotiers qui le prennent en charge.

Des réunions sont encore prévues pour les prochains jours entre les différents ministères concernés et les professionnels pour se mettre d’accord sur la question. Toujours pour la FNBT, une autre grande mesure, touchant cette fois-ci les quotas accordés chaque année aux différentes régions est arrêtée. Comme l’expliquent les mêmes sources, « ces quotas, décidés par une commission interministérielle en début de chaque année, sont restés inchangés depuis plusieurs années ». Or, en étudiant de près la question, l’on se rend compte d’une grande aberration : d’importants contingents de FNBT sont accordés à certaines régions beaucoup moins pauvres que d’autres qui héritent de quantités dérisoires.

Les équipes du ministère des affaires économiques se sont livrées à un exercice simple mais très concluant : il a suffi de confronter la carte de distribution des quotas avec la nouvelle carte de la pauvreté disponible depuis 2005, sur laquelle d’ailleurs se basent les actions de l’INDH, pour que l’on se rende compte de l’écart entre ceux qui devraient théoriquement recevoir une farine subventionnée et ceux qui la reçoivent réellement. Pourquoi un tel dysfonctionnement ? Sans rentrer dans le détail, les cadres du ministère expliquent que « derrière ce système de quotas, il y a des situations de rentes, des personnes qui, pour leurs propres intérêts, ne voudraient pas que cela change ».

Mais apparemment, Nizar Baraka est décidé à faire bouger les choses et très rapidement. Dès le 1er juillet, la répartition des contingents de FNBT sera révisée pour faire le rééquilibrage. Lequel rééquilibrage sera justement fait sur la base de la carte de la pauvreté. Une première depuis des années. Enfin, pour le sucre, le ministère a décidé également d’appliquer la même mesure en matière d’affichage des prix de manière à éviter les abus au niveau du commerce. Les paquets et pains de sucre porteront clairement la mention du prix.

Seulement 10% de la farine subventionnée achetée par les boulangers sert à faire du pain Cette première série de décisions s’appuie en réalité sur le système du ciblage. « En affichant les prix de manière transparente sur les produits subventionnés et en révisant la répartition des produits sur la base de la répartition de la pauvreté, nous ne faisons en fait que s’assurer d’un meilleur ciblage dans le sens où les produits doivent être vendus aux prix convenus et aux populations les plus nécessiteuses », explique-t-on au ministère.

Ce n’est pas tout. Ce travail de ciblage ira plus loin. Une réflexion est en cours pour instaurer la même approche pour les professionnels. Exemple : rien n’empêche d’accorder aux boulangers des quotas de farine pour faire en sorte que les prix du pain soient maîtrisés. Selon des estimations faites par le MAEG, 10 % de la farine achetée par les boulangers sert à faire du pain, le reste va à d’autres produits (viennoiseries, gâteaux...). En d’autres termes, « nous ne subventionnons pas le pain uniquement mais tous les autres produits, ce qui n’est pas normal ».

L’idée, nouvelle, serait donc qu’on mette à la disposition des boulangers les quantités de farine subventionnées dont ils ont exactement besoin en fonction de leur niveau de production et que, pour le reste des produits, ils achètent de la farine mais non subventionnée cette fois-ci. Compliqué ? « Pas du tout, rétorque un haut responsable au ministère des affaires économiques, d’autres pays comme la Tunisie l’ont déjà fait avant nous », fait-on remarquer.

Il s’agira en fait d’appliquer pour les boulangers le prix réel de la farine et de leur verser la subvention pour le quota concernant le pain. Le même raisonnement est mené pour le transport. Aujourd’hui, l’augmentation des prix du gasoil, on le sait, se propagent souvent à d’autres secteurs à travers le transport.

Quand on augmente le prix du gasoil, les prix des fruits et légumes, celui du ticket du bus, les tarifs de taxis, ceux du transport par autocar suivent aussi et de manière disproportionnée par rapport à la hausse du coût du carburant... Entre autres idées explorées aujourd’hui, celle de délivrer à ces transporteurs, qu’ils soient publics ou privés, de marchandises ou de personnes, des cartes avec des forfaits équivalant à la subvention correspondant à leur consommation en gasoil, ce qui revient, en fait, à une aide directe.

De cette manière, la subvention sur le gasoil pourrait, par exemple, se limiter aux seuls transporteurs de sorte à ce qu’ils ne répercutent pas les hausses de manière démesurée et sauvage sur le client final. Au cours des premières réunions de réflexion à ce sujet, l’autre idée avancée serait de ne délivrer ces cartes qu’aux transporteurs dûment agréés, structurés, connus. Ce qui, certainement, aura l’avantage d’écrémer le marché puisque les transporteurs non structurés seront de facto éjectés du système puisque non subventionnés donc non compétitifs.

Selon des sources bien informées, des réunions sont à venir avec le ministère du transport dans la perspective de pouvoir utiliser le fonds de 400 MDH que Karim Ghellab voulait consacrer à l’accompagnement de la modernisation du secteur.

« Ce ne sont là que des pistes encore qu’il faudra affiner », rappelle-t-on, toutefois, au ministère des affaires économiques. 3,5% du PIB, un niveau optimal pour la compensation Ces premières mesures, même si elles peuvent paraître terre-à-terre, permettront certainement de rééquilibrer sensiblement la situation. Mais le gros de la réforme reste à venir. Car, c’est le mécanisme de compensation en lui-même qui pose un problème de fond. En 2008, le budget de la Caisse de compensation atteindra probablement 36 milliards de DH voire 40 milliards, si l’envolée du baril se poursuit.

« 4,5% du PIB, c’est intenable », s’exclame un haut responsable gouvernemental pour qui l’Etat ne peut pas indéfiniment subventionner à tout-va. Et c’est la question centrale à laquelle est consacré un autre grand chapitre de la réforme en préparation. Là aussi, la réflexion, dit-on, est très avancée et déjà un premier schéma semble faire le consensus : un système de subvention à deux étages. L’idée, simple, consiste d’abord à se mettre d’accord de manière périodique, à l’occasion peut-être de chaque Loi de finances, sur un niveau du PIB à ne pas dépasser en termes de subvention.

On parle de 3,5%. A l’intérieur de cette cagnotte, il existerait deux grandes masses : l’une sera dépensée sous forme d’aides financières directes allouées aux ménages les plus nécessiteux et l’autre financera la subvention des prix des produits comme cela se fait aujourd’hui. Comment fonctionnera la nouvelle machine ? En fait, il y aura chaque année une enveloppe estimée, pour l’instant, à une dizaine de milliards de DH, qui sera distribuée directement aux 800 000 ménages les plus nécessiteux.

Le reste du budget de la compensation sera dépensé pratiquement selon le même schéma actuel. La nouveauté dans cette approche : une fois le niveau maximal de la subvention par rapport au PIB arrêté et convenu, si entre-temps des événements font que les prix augmentent et que cela dépasse ledit niveau, l’Etat augmentera tout simplement les prix suivant un système d’indexation à définir par la suite. En somme, une sorte de subvention à forfait plafonné. « Un tel système, si on l’utilisait aujourd’hui, nous aurait permis d’augmenter un peu les prix de certains produits subventionnés tout en sachant que les ménages à faibles revenus, eux, ont une aide qui leur permettrait d’amortir le choc ».

Le tout est de savoir comment fera-t-on pour recenser les ménages éligibles à l’aide ? Qui le fera ? Des questions qui renvoient forcément vers la question du ciblage. Au ministère des affaires économiques, on ne s’en inquiète pas outre mesure : « Si d’autres pays qui ne sont pas pourtant des modèles en matière de gouvernance locale ont appliqué et réussi de tels dispositifs, pourquoi le Maroc n’y arriverait-il pas ? » .

Source : La vie éco - Saâd Benmansour

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