Femmes et issues de l’immigration, est-ce un handicap ?

9 mars 2008 - 20h30 - France - Ecrit par : L.A

« Femmes et issues de l’immigration »... un double handicap sur le marché de l’emploi en France. Pourtant, nombre d’entre elles se mobilisent, s’organisent et résistent. Elles sont avocates, ingénieures, ou chefs d’entreprise. Elles ont une trentaine d’années, certaines travaillent, d’autres montent leurs projets, leur point commun ? Elles ont grandi en cité et veulent véhiculer « une autre image de la femme maghrébine ». Une image très souvent caricaturée à leurs yeux.

Elle court, elle court Schéhérazade, et pas facile d’attraper cette ingénieure d’affaires, toujours entre deux rendez-vous, ou deux appels téléphoniques. Si depuis, l’âge de 18 ans, Shéhérazade a enchaîné divers petits boulots alimentaires, elle manège désormais une équipe d’une dizaine d’ingénieurs au sein d’un cabinet parisien, et croque la vie à pleines dents : « rien ne me fait peur, j’ai le goût des initiatives, j’aime prendre à bras le corps des projets et les mener jusqu’au bout » avoue l’énergique jeune femme. Et il lui en faut de l’énergie : des journées à rallonge du lundi au samedi, des longs trajets entre son domicile à Nanterre et son bureau à Chatillon et d’innombrables rendez-vous extérieurs. Un rythme infernal, motivé par sa volonté de « sortir des stéréotypes ».

C’est son père qui a poussé cette jeune tunisienne de 33 ans à viser plus haut. Grande et mince, Shéhérazade qui s’imaginait plutôt hôtesse de l’air, se voit rétorquer que c’est à peine mieux que « serveuse dans les airs ». Pour son père, sa fille doit privilégier « l’épanouissement intellectuel ». Une recommandation, que garde toujours à l’esprit de Shéhérazade. « Contrairement aux clichés, mes parents étaient très attentifs à notre éducation et m’ont inculqué très tôt le sens des responsabilités », confesse cette aînée de trois sœurs. Ce qui lui permet de mener de front : « la gestion au quotidien d’une équipe, démarcher des nouveaux clients et recruter des nouveaux collaborateurs »

Montée à Paris en 2005, « crise du logement oblige », cette native d’une cité de Canteleu, se retrouve à nouveau dans une cité à Nanterre, « où tout se passe très bien contrairement aux clichés ». Aujourd’hui elle bouillonne de projets et s’est promis de conquérir le « Paris informatique ».

Une détermination partagée par Amèle, jeune avocate, originaire de la cité Le Carré à Bondy en Seine-Saint-Denis. « Je ne suis pas la petite beurette fragile décrite par Fadela Amara, moi ce serait plutôt pugnace et tenace », s’insurge Amèle. Des adjectifs qui donnent une assez juste vision de son parcours : une orientation en BEP comptabilité en fin de troisième, un bac STT comptabilité mention bien, et l’envie de suivre des études de droit, « pour défendre la veuve et l’orphelin ». Un choix vivement critiqué par son professeur de droit qui malgré ses excellentes notes, lui prédit un échec certain, au motif que lui-même « a raté trois fois le concours d’entrée au barreau ». Sectorisée d’office à la fac de Saint-Denis, elle inonde de courrier le secrétariat de la Sorbonne, qu’elle rejoint à la rentrée. Une victoire de courte durée, car elle doit supporter les quolibets de ses camarades de cours qui n’ont de cesse de lui répéter « qu’elle n’y arrivera pas ». Des railleries qui n’entament en rien sa résolution de devenir avocate. Ce qui est chose faite aujourd’hui, à 29 ans, elle vient de prêter serment et sa grande fierté est d’avoir intégré un cabinet des beaux quartiers parisiens, dans lequel, elle ne ménage pas sa peine « je peux finir à 20h ou 1 heure du mat tout dépend du boulot. Etre formée, cela implique forcément un investissement personnel. »

Et si elle a emménagé dans la capitale parce qu’elle « n’en pouvait plus de faire 1h de trajet le matin », elle retourne pratiquement tous les week-ends à Bondy retrouver son père et son frère, avec lesquels elle entretient de « très bons rapports ». Par envie de changer les regards et les mentalités, elle compte « s’investir en politique à court terme ».

Ces femmes qui entreprennent

En France, le chômage augmente deux fois plus vite pour les femmes que pour les hommes. A cela s’ajoutent des discriminations liées à l’origine sociale et ethnique. C’est donc pour contourner ces obstacles que les femmes, animées par « la rage de réussir », sont de plus en plus nombreuses à créer leur société.

Selon une étude du Fond d’action sociale, ces femmes entreprennent pour « accéder à un statut social bien plus qu’à un statut à proprement économique, synonyme de puissance financière. Il s’agit pour elles d’être indépendantes et non de s’enrichir ».

C’est le cas de Halima et Kheira, elles ont chacune fait le pari de monter leur entreprise, « pour se prouver quelque chose ». Toutes deux, de tempérament « indépendantes », veulent « s’affranchir de la relation patron-salariée » et « garder un lien avec leur pays d’origine ».

Si Halima a fait le choix de créer une école de formation paramédicale entre la France et le Maroc, Kheira, elle, a décidé de monter une société d’importation de produits naturels, Ambrinature.

Remarquée par l’émission "Challenger" (sur 2M, la chaîne marocaine) qui a pour but d’aider les jeunes ressortissants marocains à créer leur entreprise, Halima figure parmi les 5 finalistes, dont elle est la seule femme. Un motif de fierté pour cette infirmière de 35 ans, originaire d’une cité de Chalon-sur-Saône, qui a bataillé ferme pour réussir. Partie mener en Espagne ses études, elle multiplie les boulots pour prouver à ses parents qu’ils ont eu raison de lui faire confiance. Une expérience qui a forgé son caractère.

Hantée par la mort de sa cousine lors de son accouchement « alors qu’elle n’avait rien de grave, une hémorragie post natale presque banale… », Halima qui avoue ne « pas être Zorro ou Superwomen » décide de mettre ses compétences au service de son pays d’origine mais en gardant un lien avec la France. Un difficile numéro d’équilibriste qu’elle exécute depuis son enfance : « Mes sœurs et moi, on se disait qu’on était schizo, après les cours, on allait au café, on faisait rien de mal mais on savait qu’on n’avait pas le droit d’être là. Puis on rentrait à la maison, on mettait notre pyjama et on aidait notre mère. » Une Halima aujourd’hui plus sereine qui admet prendre « le bon côté de chaque culture ».

Un état d’esprit partagé par Kheira. Cette jeune femme voilée, qui a grandi dans une cité de Sèvres, s’est lancé pour défi de « briser les tabous autour des femmes en hijab et en donner une image positive, loin des clichés misérabilistes ». Parfois, raconte-t-elle hilare, « on imagine que je débarque d’une coopérative du Maroc ». Elle n’hésite pas pour vendre ses produits à solliciter les comités d’entreprise et démarcher dans les salons. Une initiative bien perçue par son parrain de l’association « Entreprendre sans frontières » qui reconnaît qu’elle « brise un tabou et pousse au débat ».

Source : Saphir News - Nadia Hathroubi-Safsaf

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