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C’est vers la fin février, au plus tard à la mi-mars que Abbas El Fassi dévoilera sa feuille de route. L’exercice n’est pas simple puisqu’il s’agira de compiler les plans d’actions des différents départements et de les fusionner. La preuve, une grande équipe à la Primature ne fait que cela depuis début janvier. Au sein du gouvernement on reconnaît volontiers que le temps presse et on est conscient qu’il faudra très rapidement donner du concret, surtout que la déclaration faite par le Premier ministre devant le Parlement remonte tout de même au 24 octobre dernier.
Mais déjà quelques indiscrétions commencent à filtrer sur les orientations générales que compte prendre le gouvernement pour les années à venir. A en croire un proche de Abbas El Fassi, cette fois-ci, on promet que les grands dossiers restés en suspens durant des années seront rouverts et de manière sérieuse.
C’est le cas de la justice. Lors de la dernière réunion avec les représentants de la CGEM, le Premier ministre en a fait part et le ministre de la justice, Abdelouahed Radi, a même fait un exposé succinct des pistes. Tout porte à croire que le dossier devrait connaître une avancée substantielle.
Identifier les dysfonctionnements liés à la charte communale en vigueur depuis six ans
Ainsi, et comme l’explique une source gouvernementale, des réformes seront entreprises très rapidement dans le sens d’une véritable indépendance du pouvoir judiciaire. Entre autres mesures envisagées, la distinction entre les attributions du ministère, au sens administratif du terme, et la tutelle du corps des magistrats. En plus clair, il s’agira, par exemple, d’ôter au ministère le pouvoir de sanction dont il dispose vis-à-vis des juges pour le donner au Conseil supérieur de la magistrature. Ce dernier deviendra donc - il devait le faire depuis longtemps - la seule instance à même de nommer, muter, sanctionner les magistrats, mettant ainsi fin à l’emprise de l’exécutif sur le judiciaire.Autre mesure programmée : la création d’une agence à qui sera confiée exclusivement la gestion des prisons.
Deuxième grand chapitre pour lequel le gouvernement promet un plan d’action rapide : la gouvernance. Un volet qui manifestement sera le plus consistant puisqu’il regroupe des questions comme la gestion locale, la déconcentration, les instances élues, les relations avec le Parlement... Dans ce chapitre, le gouvernement décide donc de s’attaquer à la problématique de la gestion locale, sachant que l’un des leviers d’action annoncé dans la déclaration devant le Parlement était la Région. « Oui nous sommes décidés à donner corps à la politique de région », affirme-t-on à la Primature pour répondre à ceux qui y voyaient une simple annonce impossible à mettre en œuvre tant, sur le terrain, les freins sont nombreux et les situations complexes.
C’est justement par ce bout que le gouvernement entend aborder la question : la réforme de la gouvernance locale qui « passera inéluctablement, explique-t-on, par une refonte de la charte communale ». D’ailleurs, une première série de réunions est déjà enclenchée entre le ministère de l’intérieur (via la direction générale des collectivités locales) et les partis politiques. En gros, la réforme se propose d’abord d’évaluer la charte actuelle, en vigueur depuis six ans, et identifier les dysfonctionnements.
Ces derniers, selon un membre du gouvernement, se résument en trois points. D’abord, l’unicité de la ville, une des principales nouveautés de la charte, semble ne pas avoir fonctionné comme on le souhaitait. En effet, avec du recul, on se rend compte aujourd’hui que donner un pouvoir absolu au président du conseil (le maire) n’était pas une bonne idée. Dans beaucoup de villes, des présidents de conseil habilités à décider des projets et des investissements pour toutes les communes de la ville ont exercé leurs attributions au détriment des arrondissements. Solution : il faut réformer la charte dans le but de donner plus d’autonomie aux arrondissements au moyen de délégations de pouvoirs à leurs présidents.
Mais ce n’est pas tout. La charte souffre aussi de l’inadéquation du découpage communal. Certaines communes ont été créées de toutes pièces, pour des raisons électorales entre autres, alors qu’elles n’ont aucune viabilité économique ni sociale. Résultat, des communes pauvres, sans moyens, maintenues sous perfusion à travers le Budget de l’Etat. Solution : revoir le découpage en regroupant certaines communes, en éliminer d’autres, éventuellement en créer de nouvelles. Enfin, toujours pour la charte, le gouvernement se propose de revenir sur le mode de scrutin actuel et de voir s’il permet de faire émerger des élites locales représentatives des populations.
Redonner une crédibilité aux instances élues
Car, pour le gouvernement, l’un des principaux défis aujourd’hui est de « redonner de la crédibilité à toutes les instances élues ». A ce niveau, en plus des conseils des villes, il y a le Parlement. Là aussi, le gouvernement se propose de revoir sérieusement le fonctionnement entre l’exécutif et les deux Chambres. « Il faut réhabiliter les élus dans leur rôle et donner plus de pouvoirs aux deux Chambres », annonce un ministre qui fait remarquer que cela a déjà commencé. « Nous avons passé cette année des textes de loi qui étaient proposés par les parlementaires ». Au-delà, le gouvernement souhaite que « désormais les comptes soient rendus d’abord aux Parlementaires et nous nous efforcerons d’en faire une pratique constante ». Allusion est faite, entre autres, au fait que, de plus en plus, c’est la presse qui joue davantage ce rôle en interpellant l’exécutif sur les grandes questions. « Nous respectons la presse mais cette dernière doit jouer son rôle de quatrième pouvoir et le Parlement le sien ».
Ce qui nous amène à un autre volet sur lequel le gouvernement semble vouloir aller très vite : la reddition des comptes. On annonce ainsi que les propositions de textes sur la déclaration du patrimoine en sont presque à la phase finale. Mieux, le gouvernement revient sur la polémique soulevée au sujet de la prétendue exclusion des ministres de cette mesure. « Non, les ministres ne seront pas exclus de la déclaration et dès que les textes seront approuvés, nous nous engageons à ce que le Dahir régissant les membres du gouvernement soit rapidement modifié dans ce sens ».
On ne peut que se réjouir de toutes ces déclarations, sauf que leur mise en œuvre ne pourra pas se faire avant plusieurs mois. Or, aujourd’hui, la pression au quotidien se fait de plus en plus forte : hausse des prix, contraintes budgétaires, poursuite des programmes déjà en marche... Bref, des problèmes concrets pour lesquels entreprises, opérateurs et citoyens attendent, à juste titre, des solutions et des résultats immédiats.
« Depuis la nomination du gouvernement, nous avons tout fait pour aller plus vite que d’habitude », se défend un ministre istiqlalien. La preuve : « Les décrets d’attributions des ministères ont été publiés en moins d’un mois alors que, par le passé, il fallait attendre au moins deux à trois mois, voire plus ». Notre interlocuteur nous rappelle également des dossiers chauds sur lesquels le gouvernement n’a pas attendu des réformes : la Caisse de compensation, le système de subvention du blé, la baisse des taux de l’IS mais également les synergies entre les différents départements ministériels au niveau des régions.
Au final, que peut-on retenir de tout cela ? Que le gouvernement est assurément conscient de la délicatesse de la conjoncture actuelle, de ses contraintes et de la nécessité d’agir très vite. Qu’il s’est engagé fermement à entamer les réformes sur des dossiers épineux.
Maintenant, il faudra encore attendre quelques semaines pour avoir une idée plus claire sur la feuille de route qui comportera, espérons-le, des objectifs chiffrés et des timings précis de sorte que le Parlement (et la presse aussi !) puisse faire une évaluation objective.
La vie éco - Saâd Benmansour
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