Le flop des produits islamiques ?

5 mars 2008 - 23h14 - Economie - Ecrit par : L.A

Beaucoup de tapage pour si peu de résultats ? Lancés en grande pompe en octobre 2007, les produits « halal », dit alternatifs, étaient destinés à un avenir prometteur. Cinq mois plus tard, les résultats sont décevants : très peu d’établissements de crédit en commercialisent, et la demande n’est pas au rendez-vous.

En témoigne le nombre de clients ayant opté pour ces produits spéciaux. « Ils ne sont qu’une dizaine, tout au plus. Nombre d’entre eux disent être découragés par une offre qu’ils jugent onéreuse », est-il indiqué auprès d’une banque de la place. Ces « clients spéciaux » ne sont guère plus nombreux dans les autres établissements. Le flou autour de la fiscalité de ces produits n’est pas pour arranger les choses, comme en témoigne le coup de sonde réalisé par L’Economiste auprès du secteur. « Fiscalement, les produits alternatifs sont tout bonnement assimilés aux produits bancaires classiques », est-il précisé au sein de l’Association professionnelle des sociétés de financement (APSF).

Serait-ce donc la fiscalité appliquée qui serait à l’origine de ce flop ? Les spécialistes s’accordent à le confirmer. Même Khalid Alioua, président du directoire du CIH, lors de la présentation des résultats de sa banque a souligné « le peu de concrétisation dans ce domaine », causé par « la contrainte d’une réglementation fiscale supérieure, rendant ces nouveaux produits plus chers que ceux de la banque traditionnelle ». Pour lui, « il faudrait les mettre aux normes ».

Pour de nombreux experts, l’application de la TVA serait en grande partie à l’origine de cette situation. En effet, dans l’esprit des consommateurs, il existe une incompatibilité bien claire entre ces produits et ceux proposés d’ordinaire par la banque. Au sens classique du terme islamique, les produits alternatifs ne produisent pas d’intérêts, seule une marge bénéficiaire négociée au départ y est appliquée. Or, cette marge est soumise à la TVA. Ce qui indigne les quelques clients ayant opté pour ces produits spéciaux. « Non seulement, ils n’ont rien d’islamique car ils englobent une marge bénéficiaire (ndlr : contraire à la Charia islamique), mais ils sont plus chers que les produits bancaires classiques », s’exclame un client.

L’administration fiscale assimile ces nouveaux produits à n’importe quel service bancaire classique. A titre d’exemple, « Ijara » qui est le financement d’un bien sur les fonds propres de la société de crédit (pas d’origine bancaire), est assimilé par les Impôts à un produit de leasing (LOA). Il est donc soumis à une TVA de 20%. Néanmoins, il faut préciser que ce produit n’est pas un crédit avec un taux d’intérêt. La différence subsiste à ce niveau.

Pour ce qui est de la « Mourabaha », le problème est plus délicat. Ce mode de financement, contrairement à un crédit classique, permet au bénéficiaire de jouir d’un bien acheté par la société de financement, moyennant la fameuse marge bénéficiaire. Or dans un crédit traditionnel, la société de financement prête de l’argent au client pour qu’il procède lui-même à l’acquisition du bien. Il s’agit là d’un crédit affecté à un bien particulier. Pour le fisc, le produit « Mourabaha » est un crédit comme un autre, il est ainsi soumis à une TVA à 10%. Le problème subsistera une fois le bien cédé à l’emprunteur. La société de financement se retrouvera donc dans une situation de crédit de TVA. En effet, celle-ci ayant acquis le bien assorti d’une TVA à 20% et l’aura vendu sur la base d’un taux de 10%. Elle devra donc se faire rembourser le différentiel, c’est là où le bât blesse. Cela entraînera certainement des difficultés de remboursement des crédits de TVA comme c’était le cas pour la LOA.

En réponse, Nourredine Bensouda, le directeur général de l’Administration fiscale, lors de ses différentes sorties médiatiques de ce début d’année, a mis en avant la jeunesse de ces produits alternatifs au Maroc. « Il faut donc du temps pour pouvoir mettre en place une fiscalité adaptée, à l’instar de nos prédécesseurs dans ce domaine », a-t-il souligné.

Malgré ces problèmes, les banques ayant franchi le pas, ne semblent pas se décourager pour autant. Bien au contraire, elles comptent bien surfer sur la vague des produits « halal », compte tenu de leur fort impact à l’international. De fait, certaines envisagent de lancer des campagnes promotionnelles. Les autres banques suivront certainement.

Si le Maroc en est à ses premiers pas, les organismes islamiques dans le monde sont en pleine maturité. En effet, le marché connaît une progression significative (15% par an). Elles sont plus de 400 institutions financières réparties dans 75 pays. Celles-ci détiennent actuellement plus de 800 milliards de dollars d’actifs. De plus, il faut rappeler que les clients de ces banques islamiques se composent en grande majorité de clients non islamiques, compte tenu de leur compétitivité par rapport aux produits classiques. A titre d’exemple, la branche malaisienne de la Koweït Finance House compte 60% d’emprunteurs qui ne sont pas guidés par la foi musulmane.

Marketing agressif

Aux Etats-Unis, plusieurs institutions ont mis en place des procédés pour vulgariser le recours à ces produits. Le Dow Jones a, par exemple, créé un indice de placement islamique.

De son côté, l’université d’Harvard a lancé en 1995 un Projet de finance islamique (IFP), mené par un groupe qui étudie et analyse la croissance de la finance islamique. Enfin, l’Etat allemand de Saxe a émis un bon à taux flottant de 100 millions d’euros répondant aux règles de la Charia.

Source : L’Economiste - M.A.B.

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : Religion - Politique économique - Banques - Prêt - Crédit Immobilier et Hotelier - CIH - Halal - Finance islamique

Ces articles devraient vous intéresser :

En Espagne, l’appel du roi Mohammed VI divise

À Melilla et Ceuta, l’appel du roi Mohammed VI, commandeur des croyants, à ne pas sacrifier de moutons pendant l’Aïd Al-Adha cette année, reçoit un écho favorable mais certaines voix se font entendre.

Le Maroc propose un nouveau programme religieux aux MRE

En raison du contexte politique négatif en Europe, le ministère des Habous et des Affaires islamiques entend réviser sa politique d’encadrement religieux des Marocains résidant à l’étranger (MRE).

Aïd el-Fitr 2025 : quelle date au Maroc ?

Les calculs astronomiques prévoient la célébration de l’Aïd Al fitr au Maroc le lundi 31 mars 2025, contrairement à plusieurs pays arabes et européens, mais l’observation de la lune reste pour l’instant l’option privilégiée par les autorités...

La Nuit du destin ou laylat al qadr : la nuit sacrée qui dépasse mille mois

La nuit du destin est citée par le Coran comme étant meilleure que mille mois (83 ans et 4 mois). D’après le prophète Mohammed, cette nuit est l’une des nuits impaires des dix derniers jours du mois de Ramadan, soit celles du 21, 23, 25, 27 ou celle du...

Quand débute le ramadan au Maroc ?

Le ministère des Habous et des Affaires islamiques va annoncer courant la semaine prochaine, la date de l’observation du croissant lunaire au Maroc, prévue le dimanche 29 Chaabane 1445 H après le coucher du soleil, correspondant au 10 mars 2024. Ainsi,...

Ramadan et grossesse : jeûner ou pas, la question se pose

Faut-il jeûner pendant le Ramadan quand on est enceinte ? Cette question taraude l’esprit de nombreuses femmes enceintes à l’approche du mois sacré. Témoignages et éclairages pour mieux appréhender cette question à la fois religieuse et médicale.

Le dirham marocain prend de la valeur par rapport à l’euro

Le dirham s’est apprécié de 0,12% vis-à-vis de l’euro et s’est déprécié de 0,34% face au dollar américain entre le 01 et le 07 février 2024, selon Bank Al-Maghrib (BAM).

Agression sauvage d’une femme voilée dans un magasin LiDL à Marignane

Le Conseil français du culte musulman (CFCM) réagit à « l’agression raciste et antimusulmane dont a été victime une femme de 42 ans en situation de handicap, portant un voile et récemment affaiblie par un traitement de chimiothérapie. » L’organisation...

Le Maroc prépare une réforme économique majeure

Au Parlement marocain, Abdellatif Jouahri, Wali de Bank Al-Maghrib (BAM), évoque l’importance de la réforme du régime de change.

Maroc : attention à la pénurie de cash

À quelques jours de la célébration de l’Aïd al-Adha, bon nombre de Marocains redoutent une pénurie de liquidités dans les guichets automatiques bancaires (GAB).