« Un bicot comme ça, ça ne nage pas », avait lancé le policier au Maghrébin. Ces propos racistes ont été entendus dans une vidéo enregistrée par un riverain au moment des faits, et diffusée par le journaliste Taha Bouhafs sur les réseaux sociaux. Le terme « “Bicot” a une connotation particulière même soixante ans après les faits. Quand on repêche quelqu’un, ces mots gardent toute sa signification », a souligné Loïc Pageot, procureur de Bobigny, rappelant qu’« un policier a un devoir d’exemplarité ».
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La victime, d’origine égyptienne, soupçonnée de vol de matériel sur un chantier, s’était jetée dans la Seine pour tenter d’échapper à son interpellation le 26 avril 2020. À la barre jeudi dernier, Samir Elgendy, assisté par une interprète, a expliqué qu’il était sorti « seul de l’eau » et qu’une fois sur la berge, les agents l’ont « tous frappé », avant de le mettre dans le fourgon où ils ont continué à lui porter des coups « tout au long du trajet vers le commissariat ». Le jeune homme de 29 ans affirme avoir eu « peur » de porter plainte, car il était en situation irrégulière.
« J’avais besoin de décompresser et faire marrer la galerie. C’était une blague de mauvais goût », s’est défendu le policier de 26 ans qui a utilisé le terme « bicot ». « Je regrette cette blague », a poursuivi l’agent pour qui « bicot » à l’époque des faits « n’était pas une insulte mais un mot familier comme “rebeu” ». Ses collègues ont aussi reconnu les propos racistes proférés envers le Maghrébin, évoquant « une blague », « un moment d’humour ». « On est des humains après tout », a plaidé l’un d’eux. « Vous êtes des fonctionnaires de police avant tout ! », lui a répliqué le procureur.
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L’avocat de la victime, Me Arié Alimi, a demandé au juge de « sanctionner cette parole raciste dans un pays où la parole raciste se libère ». Il a été soutenu par quatre associations antiracistes (Licra, MRAP, LDH, SOS Racisme) qui se sont portées partie civile dans cette affaire. Les avocats de la défense ont quant à eux plaidé la relaxe pure et simple des prévenus, dénonçant « une récupération politique » de l’affaire visant à « cracher sur l’institution policière ». Après quinze heures d’audience, le juge a mis le dossier en délibéré au 6 janvier 2022.
Dans le cadre de cette affaire, deux policiers ont été sanctionnés en octobre par le conseil de discipline de la Préfecture de police à trois jours d’exclusion ferme. Le Directeur général de la police nationale, Frédéric Veaux, a durci la sanction en allant à cinq jours d’exclusion ferme.