Au Maroc, la criminalité sous toutes ses formes est maitrisée, assure le ministère de l’Intérieur dans un récent rapport.
Elle serait tombée du balcon en jouant. Elle aurait été tellement maltraitée qu’un jour elle a fini par sauter par le balcon. Elle avait quatorze ans, selon les uns, seize selon ses employeurs. Elle était bonne à tout faire, esclave dans le Maroc du XXIème siècle et des premières élections libres.
Aujourd’hui elle est morte. Son corps a nécessité une autopsie et l’affaire de cette enfant morte dans des conditions suspectes est suivie par plusieurs associations de défense des droits de l’enfant. La justice, quant à elle, n’a pas encore tranché sur ce énième cas de décès suspect de petite bonne.
Mais quel que sera son verdict, jamais justice ne sera faite à cette fille, morte en vendant sa force de travail à un âge où on est supposé aller à l’école. Jamaisjustice ne sera faite, parce que dans cette histoire, tout le monde est complice : les employeurs, les parents, la société et la loi. La misère aussi, mais pas seulement. Nous vivons dans un pays où une bonne est souvent considérée comme une espèce de sous-être dénué de tout sentiment et de sensibilité. Et l’éducation de ce sentiment de mépris pour les employées de maison est quasiment culturelle.
Dans le "fait-divers"de la petite bonne morte suite à une chute d’un balcon d’un quartier huppé de la capitale, celle-ci aurait demandé à des employeurs de la laisser rentrer chez ses parents. Sans succès. Bien au contraire, ils auraient exigé d’elle une obéissance totale et un silence absolu, même lorsqu’ils la battaient à coups de ceinture. Cet état d’insulte à sa dignité d’être humain l’a tué.
On ne saura jamais si elle a sauté de ce balcon, si elle a glissé en tentant d’échapper à un coup de ceinture ou si encore elle est tombée en jouant avec les enfants de ses employeurs. Au fond, cela n’a d’importance que pour ses proches, ceux qui ont sans doute envie de savoir ce qui s’est réellement passé ce jour-là. Car, le fond du problème est ailleurs. D’ordre éducatif, comme on l’a déjà souligné, et il n’est, à cet effet, jamais inutile de rappeler quele Maroc est signataire de la Convention onusienne des Droits de l’Enfant, mais juridique aussi. Surtout.
Parce que pour que soit mis fin à cette véritable gifle aux droits de l’enfant, il faut que l’Etat prenne ce problème en charge. Qu’une loi soit promulguée pour que les bonnes n’ayant pas atteint leur majorité ou au moins 16 ans, soient interdites d’emploi dans les maisons. Que toute digression à cette loi, qu’elle vienne des parents, des entremetteurs ou des employeurs sera sanctionnée par une peine de prison. C’est aujourd’hui à la justice de faire ce travail de salubrité publique. Pour que cesse , une fois pour toutes, cette honte qui pèse sur notre pays.
Libération Maroc
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