Le Roi Mohammed VIa présidé ce 14 septembre une réunion stratégique au Palais Royal de Rabat, focalisée sur l’activation d’un plan d’urgence relatif au récent séisme d’Al Haouz.
D’origine récente, données pour dépassées, celles qui ont résisté aux putschs militaires des années 1960 ont encore de bons atouts, estiment les "Etudes de la Documentation française".
À l’heure où l’on évoque à demi-mot le rétablissement de la monarchie en Irak comme alternative à Saddam Hussein, la réflexion sur "les monarchies arabes" qui nourrit le dernier numéro des Etudes de la Documentation française tombe à point nommé.
Fruit d’un colloque qui s’est tenu au printemps 2001 à l’initiative de l’Institut français de relations internationales (IFRI) et de l’Institut des études stratégiques de l’université américaine de Princeton (IET), le dossier s’ouvre sur un constat : les monarchies arabes ont, dans l’ensemble, su résister aux tourments de l’histoire. On les disait condamnées, elles sont toujours debout. Certes, l’Egypte, l’Irak, la Libye, la Tunisie ou le Yémen ont opté pour la République dans des conditions plus ou moins douloureuses bien analysées dans la revue. Mais ailleurs la continuité l’a emporté : huit des vingt et un Etats de la Ligue arabe ont maintenu à leur tête un monarque.
Le bilan est remarquable si l’on songe qu’en un siècle les monarchies, qui constituaient naguère le droit commun des régimes politiques (exception faite du continent américain), ont été laminées un peu partout dans le monde. Seul le continent européen fait figure, lui aussi, d’exception, mais avec une différence essentielle, fait observer l’ancien président de l’Institut du monde arabe, Philippe Ardant : sur le Vieux Continent, le roi "règne mais ne gouverne pas", alors que dans le monde arabe "le roi règne et gouverne".
Cette stabilité est d’autant plus remarquable, notent Rémy Leveau et Abdellah Hammoudi, que les monarchies du Proche-Orient - à l’inverse de celle du Maroc - sont de création récente. Elles sont nées au lendemain de la Grande Guerre de la volonté des Anglais de remodeler à leur convenance l’ancien Empire ottoman. C’était a priori de mauvais augure. Pourtant, la montée du nationalisme arabe au sortir de la seconde guerre mondiale, conduite par une nouvelle génération d’enseignants et d’officiers, n’a pas eu raison de monarchies qui semblaient bâties sur du sable. Elles ont passé l’épreuve du feu contre tous les pronostics, comme elles feront mentir ceux qui, au début des années 1960, classaient les rois parmi les "élites déclinantes". "Qu’ils résistent au changement ou qu’ils prennent la tête de la modernisation, les monarques sont condamnés, aux yeux des penseurs de l’époque, rappellent MM. Leveau et Hammoudi. Ils ne peuvent prétendre bâtir des institutions efficaces, et leur alliance avec l’Occident contribue à miner leur pouvoir."
L’histoire a pris une autre direction et, par un retournement inattendu, le bilan des monarchies ne cesse d’être réévalué. "Elles ne paraissent pas à la longue plus malhabiles que les régimes autoritaires dans la gestion du développement. Elles peuvent même, du fait de leurs liens avec l’extérieur, valoriser la capacité du pays à capter les rentes et les soutiens politiques", font valoir les deux universitaires, pour qui elles "ne sont pas forcément les moins bien armées pour répondre aux défis engendrés par les transformations sociales et idéologiques qui voient aujourd’hui les islamistes reprendre, sous une autre forme, l’héritage du nationalisme arabe".
L’EXCEPTION MAROCAINE
Abondamment traité dans la revue, le Maroc est un condensé des monarchies arabes. Le pouvoir y est d’essence religieuse, et le roi, descendant du Prophète, "contrôle pleinement l’univers religieux", observe Malika Zeghal, du CNRS. Cette appropriation n’a pas empêché la contestation violente sous Hassan II, mais elle a bénéficié à son fils, Mohammed VI. "Le titre de commandeur des croyants est maintenant évoqué par des militants islamistes ou par des personnes sans appartenance politique qui soulignent la dimension religieuse de la légitimité de la monarchie", affirme Mounia Bennani-Chraibi, pour qui la monarchie chérifienne est devenue une "valeur refuge". "La monarchie, écrit l’universitaire en s’appuyant sur des enquêtes sociologiques, émerge comme une garantie de stabilité, voire de bien-être, comparativement aux autres pays arabes et musulmans."
Plusieurs chefs d’Etat héritiers des coups de force militaires des années 1960 sont parvenus au même constat. Au soir de leur vie, ils n’ont eu de cesse de préparer leur succession au profit de leur progéniture. Ce fut le cas - avec succès - du président syrien Assad. Le numéro un libyen et son homologue égyptien paraissent prêts à lui emboîter le pas. "Cette dérive, conclut Philippe Droz-Vincent, constitue un symbole de l’affaiblissement extrême des régimes politiques arabes. La dérive monarchique de certains n’est pas l’indication d’un dynamisme retrouvé par ce biais -mais- l’indice d’un affadissement des régimes".
Jean-Pierre Tuquoi pour lemonde.fr
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