L’étonnante résistance des monarchies arabes et l’exception Marocaine

14 janvier 2003 - 12h26 - Culture - Ecrit par :

D’origine récente, données pour dépassées, celles qui ont résisté aux putschs militaires des années 1960 ont encore de bons atouts, estiment les "Etudes de la Documentation française".

À l’heure où l’on évoque à demi-mot le rétablissement de la monarchie en Irak comme alternative à Saddam Hussein, la réflexion sur "les monarchies arabes" qui nourrit le dernier numéro des Etudes de la Documentation française tombe à point nommé.
Fruit d’un colloque qui s’est tenu au printemps 2001 à l’initiative de l’Institut français de relations internationales (IFRI) et de l’Institut des études stratégiques de l’université américaine de Princeton (IET), le dossier s’ouvre sur un constat : les monarchies arabes ont, dans l’ensemble, su résister aux tourments de l’histoire. On les disait condamnées, elles sont toujours debout. Certes, l’Egypte, l’Irak, la Libye, la Tunisie ou le Yémen ont opté pour la République dans des conditions plus ou moins douloureuses bien analysées dans la revue. Mais ailleurs la continuité l’a emporté : huit des vingt et un Etats de la Ligue arabe ont maintenu à leur tête un monarque.

Le bilan est remarquable si l’on songe qu’en un siècle les monarchies, qui constituaient naguère le droit commun des régimes politiques (exception faite du continent américain), ont été laminées un peu partout dans le monde. Seul le continent européen fait figure, lui aussi, d’exception, mais avec une différence essentielle, fait observer l’ancien président de l’Institut du monde arabe, Philippe Ardant : sur le Vieux Continent, le roi "règne mais ne gouverne pas", alors que dans le monde arabe "le roi règne et gouverne".

Cette stabilité est d’autant plus remarquable, notent Rémy Leveau et Abdellah Hammoudi, que les monarchies du Proche-Orient - à l’inverse de celle du Maroc - sont de création récente. Elles sont nées au lendemain de la Grande Guerre de la volonté des Anglais de remodeler à leur convenance l’ancien Empire ottoman. C’était a priori de mauvais augure. Pourtant, la montée du nationalisme arabe au sortir de la seconde guerre mondiale, conduite par une nouvelle génération d’enseignants et d’officiers, n’a pas eu raison de monarchies qui semblaient bâties sur du sable. Elles ont passé l’épreuve du feu contre tous les pronostics, comme elles feront mentir ceux qui, au début des années 1960, classaient les rois parmi les "élites déclinantes". "Qu’ils résistent au changement ou qu’ils prennent la tête de la modernisation, les monarques sont condamnés, aux yeux des penseurs de l’époque, rappellent MM. Leveau et Hammoudi. Ils ne peuvent prétendre bâtir des institutions efficaces, et leur alliance avec l’Occident contribue à miner leur pouvoir."

L’histoire a pris une autre direction et, par un retournement inattendu, le bilan des monarchies ne cesse d’être réévalué. "Elles ne paraissent pas à la longue plus malhabiles que les régimes autoritaires dans la gestion du développement. Elles peuvent même, du fait de leurs liens avec l’extérieur, valoriser la capacité du pays à capter les rentes et les soutiens politiques", font valoir les deux universitaires, pour qui elles "ne sont pas forcément les moins bien armées pour répondre aux défis engendrés par les transformations sociales et idéologiques qui voient aujourd’hui les islamistes reprendre, sous une autre forme, l’héritage du nationalisme arabe".

L’EXCEPTION MAROCAINE

Abondamment traité dans la revue, le Maroc est un condensé des monarchies arabes. Le pouvoir y est d’essence religieuse, et le roi, descendant du Prophète, "contrôle pleinement l’univers religieux", observe Malika Zeghal, du CNRS. Cette appropriation n’a pas empêché la contestation violente sous Hassan II, mais elle a bénéficié à son fils, Mohammed VI. "Le titre de commandeur des croyants est maintenant évoqué par des militants islamistes ou par des personnes sans appartenance politique qui soulignent la dimension religieuse de la légitimité de la monarchie", affirme Mounia Bennani-Chraibi, pour qui la monarchie chérifienne est devenue une "valeur refuge". "La monarchie, écrit l’universitaire en s’appuyant sur des enquêtes sociologiques, émerge comme une garantie de stabilité, voire de bien-être, comparativement aux autres pays arabes et musulmans."

Plusieurs chefs d’Etat héritiers des coups de force militaires des années 1960 sont parvenus au même constat. Au soir de leur vie, ils n’ont eu de cesse de préparer leur succession au profit de leur progéniture. Ce fut le cas - avec succès - du président syrien Assad. Le numéro un libyen et son homologue égyptien paraissent prêts à lui emboîter le pas. "Cette dérive, conclut Philippe Droz-Vincent, constitue un symbole de l’affaiblissement extrême des régimes politiques arabes. La dérive monarchique de certains n’est pas l’indication d’un dynamisme retrouvé par ce biais -mais- l’indice d’un affadissement des régimes".

Jean-Pierre Tuquoi pour lemonde.fr

Bladi.net Google News Suivez bladi.net sur Google News

Bladi.net sur WhatsApp Suivez bladi.net sur WhatsApp

Sujets associés : Hassan II - Mohammed VI - Histoire

Ces articles devraient vous intéresser :

Tollé après la caricature du roi Mohammed VI par Charlie Hebdo

Le Conseil National de la Presse (CNP) a fermement condamné ce qu’il qualifie d’«  acte criminel odieux » du journal français Charlie Hebdo, l’accusant de s’attaquer directement au Roi Mohammed VI.

La voiture marocaine “NamX” s’attaque au marché américain

NamX, le constructeur automobile fondé par Faouzi Annajah, débarque aux États-Unis ! Après avoir fait ses armes en Europe et au Maroc, l’entreprise s’attaque au marché américain avec sa technologie révolutionnaire : des capsules d’hydrogène.

Le roi Mohammed VI ordonne de réformer le Code de la famille

Le roi Mohammed VI fait de la promotion des questions de la femme et de la famille sa priorité. Dans ce sens, il a adressé une correspondance au chef du gouvernement Aziz Akhannouch relative à la révision du Code de la famille.

Maroc : le roi Mohammed VI annonce des aides directes aux plus pauvres

Le Roi Mohammed VI, dans un discours prononcé à l’ouverture de la session parlementaire, a fait part de l’introduction d’un programme d’aide sociale à la fin de l’année 2023.

Marche verte : le roi Mohammed VI adresse un discours à la nation ce soir

Le roi Mohammed VI adressera ce lundi 6 novembre un discours à la Nation à l’occasion du 48ᵉ anniversaire de la Marche Verte, annonce le Ministère de la Maison Royale, du Protocole et de la Chancellerie.

Visite de Macron au Maroc : Rabat contredit Paris

La visite du président français Emmanuel Macron au Maroc, évoquée par la cheffe de la diplomatie française, Catherine Colonna, dans une interview, « n’est pas à l’ordre du jour et n’est pas programmée », a affirmé une source gouvernementale marocaine à...

Une chaîne marocaine accusée d’offense au roi Mohammed VI

La chaîne de télévision d’information en continu marocaine, Medi 1 TV est sous le feu des critiques des Marocains qui l’accusent d’avoir offensé le roi Mohammed VI.

Réforme du Code de la famille au Maroc : vers une égalité parfaite hommes femmes ?

Le roi Mohammed VI a adressé mardi 26 septembre une Lettre royale au Chef du gouvernement, annonçant une révision approfondie du Code de la famille (Moudawana), près de 20 ans après celle opérée en 2004.

Le roi Mohammed VI accélère les préparatifs de la Coupe du Monde 2030

Le Roi Mohammed VI a présidé mercredi un Conseil des ministres au Palais Royal de Rabat, principalement dédié aux préparatifs du Maroc pour l’organisation de la Coupe du Monde 2030.

Plan de sauvetage des monuments marocains après le séisme

Le ministre de la Jeunesse, de la culture et de la communication, Mohamed Mehdi Bensaid, a assuré vendredi de la forte implication de son département dans le plan de reconstruction des sites historiques touchés par le séisme.