La société marocaine se mobilise en faveur du "frère palestinien"

Plusieurs milliers de Marocains, notamment des lycéens, ont manifesté pacifiquement mardi dans les principales villes du royaume contre "l’agression criminelle de l’Etat sioniste d’Israël" et de leur "complice américain" contre le "peuple frère palestinien".

"Nous sommes venus dire à Sharon l’assassin que tous les jeunes Marocains sont prêts à aller se battre aux côtés de nos frères palestiniens", a déclaré à l’Associated Press, Salwa, une lycéenne de 17 ans qui manifestait dans la matinée avec plusieurs centaines de camarades brandissant des photos de Yasser Arafat ou des drapeaux palestiniens. Un rassemblement était par ailleurs prévu dans la soirée devant le consulat général des Etats-Unis à Casablanca.

Ces manifestations spontanées, tolérées par les autorités marocaines, se multiplient depuis une semaine alors que se prépare une manifestation nationale massive le 7 avril à Rabat.

"C’est tout le peuple marocain qui va manifester. Si nous ne sommes pas quatre millions dans la rue, je serai déçu", a déclaré mardi Khalil Soufiani, secrétaire général de l’Association marocaine de soutien à la lutte du peuple palestinien, organisateur de la manifestation.

Organisée par l’AMSLP, cette manifestation était soutenue par la quasi-totalité de la classe politique marocaine et la puissante mouvance islamiste légale ou tolérée.

"Nous irons à Al Qods (Jérusalem) même s’il faut un million de martyrs", a souligné Khalil Soufiani en citant le chef de l’Autorité palestinienne Yasser Arafat. "Nous dirons aussi que Bush est le complice de l’Etat sioniste, raciste et criminel."

Cette manifestation nationale était la première du genre autorisée au Maroc depuis celle qui avait rassemblé près de 200.000 personnes à Rabat en octobre 2000, alors qu’à Casablanca des slogans antisémites et des croix gammées avaient été brandis par des militants islamistes.

Le dirigeant de l’AMSLP a par ailleurs renouvelé mardi son appel à "un boycott général de tous les produits américains" pour dénoncer "le soutien inconditionnel et schizophrène" de l’administration Bush à Israël.

Cet appel au boycottage des produits américains, lancé à plusieurs reprises depuis la reprise de l’Intifada en octobre 2000, intervient alors que les Etats-Unis et le Maroc négocient actuellement un ambitieux accord de libre échange, le premier du genre avec un pays musulman. Lundi, une délégation des partis de la coalition gouvernementale a rencontré l’ambassadeur américain à Rabat, Margaret Tutwiler, pour lui remettre un "mémorandum".

Dans ce document, les politiques marocains affirment que "la position américaine n’est pas basée sur une vision équitable" du conflit israélo-palestinien. La diplomate américaine leur a répondu, selon le quotidien officiel "Le Matin", que "contrairement à ce qu’on pourrait croire, l’administration américaine n’a pas une influence directe sur Israël."

Comme tous les jours depuis près d’une semaine, la quasi-totalité de la presse marocaine consacrait mardi ses titres à la situation au Proche-Orient. "Le terrorisme d’Etat d’Israël est soutenu par Washington", "la barbarie sioniste s’abat sur la Palestine", titrait ainsi "L’Opinion" (organe du parti nationaliste Istiqlal).

Même tonalité dans la classe politique, où la "complicité" des Etats-Unis, avec lesquels le Maroc entretient des relations privilégiées, est régulièrement dénoncée. Abdelilah Benkirane, du Parti islamiste de la justice et du développement (PJD, représenté au Parlement) demande "un rappel pour consultation" de tous les ambassadeurs arabes à Washington, tandis que Mohand Laânser, du Mouvement populaire (MP, opposition), estime que "Bush a déçu tout le monde, y compris les amis de l’Amérique".

AP