Le ministre de l’Intérieur français relance le débat sur l’immigration

11 septembre 2002 - 10h24 - France - Ecrit par :

Alors qu’une nouvelle manifestation de clandestins s’est déroulée samedi 7 septembre à Paris, le ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy, a profité d’un déplacement à Auron, dans les Alpes-Maritimes, pour recadrer la position du gouvernement et fixer clairement les limites des concessions qu’il avait faites deux jours plus tôt.

« La France a besoin d’immigrés mais la France ne peut ni ne doit accueillir tous les immigrés », a-t-il souligné, comme en écho à la célèbre phrase de Michel Rocard : « La France ne peut accueillir toute la misère du monde. » Et de poursuivre : « Mon idée est qu’il ne doit exister que deux catégories d’étrangers.

D’une part, ceux qui ont vocation à s’intégrer en France et à qui nous devons donner les moyens de sortir de la clandestinité ; d’autre part, ceux qui n’ont pas vocation à rester et sont sous le coup d’une décision d’expulsion qui doit être exécutée. »

Les propos du ministre de l’Intérieur ont été interprétés comme un message de fermeté adressé à l’opinion, après les gestes d’ouverture des jours précédents.

Tout en rejetant l’hypothèse d’une régularisation générale qui « créerait un appel d’air et entretiendrait la xénophobie », Nicolas Sarkozy avait en effet adressé auparavant une circulaire aux préfets leur ordonnant de réexaminer tous les dossiers déposés en tenant compte du « caractère particulier de certaines situations ».

Il avait également annoncé la création d’une mission confiée à Anne-Marie Escoffier, ancien préfet de l’Yonne, et chargée d’identifier « les situations juridiques ou sociales mal réglées par la législation actuelle, et de veiller à un traitement homogène » des dossiers.

Une concession saluée par la Ligue des droits de l’homme et le Mrap, mais aussitôt dénoncé comme un leurre par la coordination nationale des sans-papiers et le Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti). Pour ces derniers, en effet, l’objectif est bel et bien d’obtenir l’abrogation de la loi Chevènement de 1998 sur l’entrée et le séjour des étrangers, encore trop restrictive à leurs yeux.

Malgré ces divergences, La Ligue communiste révolutionnaire, Lutte ouvrière, le Mrap et la Ligue des droits de l’homme ont tous participé à la manifestation organisée le 7 septembre dans la capitale.

Sur certaines pancartes, on pouvait lire : « Nous vaincrons les lois fascistes, nous vaincrons les lois racistes. » D’autres manifestations ont également été organisées en province, rassemblant de 200 à 300 personnes à Rennes, et de 100 à 300 personnes à Lyon.

A Paris, le porte-parole du mouvement, Romain Binazon, a de nouveau demandé la régularisation de tous les clandestins. « Les manifestants sont ici pour répondre à Sarkozy qu’on ne veut pas du cas par cas », a-t-il déclaré.

Mais en dépit de la mobilisation persistante de la rue, les divisions entre associations favorables aux sans-papiers ne cessent de s’accentuer. Le président de SOS-Racisme, Malek Boutih, s’est en effet prononcé dans Libération contre une « régularisation globale ».

Tout en déclarant que, « dans le bâtiment, l’industrie, la confection, la restauration, les sans-papiers travaillent aujourd’hui comme des esclaves modernes, sans droits ni protection ».

Malek Boutih a en effet estimé qu’une régularisation globale « créerait un appel d’air, au moins parmi les immigrés présents dans l’espace Schengen ». Une position qui suscite l’ire de ses « amis ».

« Si on voit Malek Boutih, on le vire de la manifestation », a fulminé Romain Binazon. « Malek Boutih est assez isolé, ce n’est pas un hasard si SOS-Racisme n’est pas là aujourd’hui », a commenté quant à lui Michel Tubiana, président de la Ligue des droits de l’homme.

Le mouvement peine aussi à trouver des relais au Parti socialiste. Aucun de ses leaders n’a participé aux manifestations. Seul Jack Lang, ancien ministre de la Culture, s’est prononcé dans une interview au Journal du dimanche en faveur d’une régularisation générale.

Au-delà des réactions à chaud, le gouvernement Raffarin va devoir, dans les semaines à venir, préciser sa philosophie en matière d’immigration. Le ministre de l’Intérieur a ainsi esquissé sa propre doctrine.

Se démarquant des « fanatiques de l’immigration zéro qui n’a aucun sens car la France s’est construite sur la diversité », Nicolas Sarkozy a fustigé « les extrémistes de la régularisation automatique qui ne se rendent pas compte qu’ils appellent une nouvelle vague migratoire et contribuent à entretenir l’exaspération et parfois même la xénophobie d’une partie de la population ». Un « ni-ni » qui reste à préciser...

Guillaume PERRAULT pour le Figaro international

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